This is a digital copy of a book that was preserved for générations on library slielves before it was carefully scanned by Google as part of a project to make the world's books discoverable online.
It bas survived long enough for the copyright to expire and the book to enter the public domain. A public domain book is one that was never subject to copyright or whose légal copyright term bas expired. Whether a book is in the public domain may vary country to country. Public domain books are our gateways to the past, representing a wealth of history, culture and knowledge that's often difficult to discover.
Marks, notations and other mai^ginalia présent in the original volume will appear in this file - a reminder of this book's long journey from the publisher to a library and finally to you.
Usage guidelines
Google is proud to partner with libraries to digitize public domain materials and make them widely accessible. Public domain books belong to the public and we are merely their custodians. Nevertheless, this work is expensive, so in order to keep providing this resource, we hâve taken steps to prevent abuse by commercial pai'ties, including placing technical restrictions on automated querying.
We also ask that you:
+ Make non-commercial use of the files We designed Google Book Search for use by individuals, and v/e request that you use thèse files for Personal, non-commercial purposes.
+ Refrain from automated querying Do not send automated queries of any sort to Google's System: If you are conducting research on machine translation, optical character récognition or other areas where access to a large amount of text is helpful, please contact us. We encourage the use of public domain materials for thèse purposes and may be able to help.
+ Maintain attribution The Google "watermark" you see on each file is essential for informing people about this project and helping them find additional materials through Google Book Search. Please do not remove it.
+ Keep it légal Whatever your use, remember that you are responsible for ensuring that what you ai"e doing is légal. Do not assume that just because we believe a book is in the public domain for users in the United States, that the work is also in the public domain for users in other countries. Whether a book is still in copyright varies from country to country, and we can't offer guidance on whether any spécifie use of any spécifie book is allowed. Please do not assume that a book's appearance in Google Book Search means it can be used in any manner anywhere in the world. Copyright infringement liability can be quite severe,
About Google Book Search
Google's mission is to organize the world's information and to make it universally accessible and useful. Google Book Search helps readers discover the world's books while helping authors and publishers reach new audiences. You can search through the full text of this book on the web
at http : //books .google . com/
A propos de ce livre
Ceci est une copie numérique d'un ouvrage conservé depuis des générations dans les rayonnages d'une bibliothèque avant d'être numérisé avec précaution par Google dans le cadre d'un projet visant à permettre aux internautes de découvrir l'ensemble du patrimoine littéraire mondial en ligne.
Ce livre étant relativement ancien, il n'est plus protégé par la loi sur les droits d'auteur et appartient à présent au domaine public. L'expression "appartenir au domaine public" signifie que le livre en question n'a jamais été soumis aux droits d'auteur ou que ses droits légaux sont arrivés à expiration. Les conditions requises pour qu'un livre tombe dans le domaine public peuvent varier d'un pays à l'autre. Les livres libres de droit sont autant de liens avec le passé. Ils sont les témoins de la richesse de notre histoii^e, de notre patrimoine culturel et de la connaissance humaine et sont trop souvent difficilement accessibles au public.
Les notes de bas de page et autres annotations en marge du texte présentes dans le volume original sont reprises dans ce fichier, comme un souvenir du long chemin parcouru par l'ouvrage depuis la maison d'édition en passant par la bibliothèque pour finalement se retrouver entre vos mains.
Consignes d'utilisation
Google est fier de ti'availler en partenariat avec des bibliothèques à la numérisation des ouvrages appartenant au domaine public et de les rendre ainsi accessibles à tous. Ces livres sont en effet la propriété de tous et de toutes et nous sommes tout simplement les gardiens de ce patrimoine. 11 s'agit toutefois d'un projet coûteux. Par conséquent et en vue de poursuivre la diffiision de ces ressources inépuisables, nous avons pris les dispositions nécessaires afin de prévenir les éventuels abus auxquels pourraient se livrer des sites maixhands tiers, notamment en instaurant des contraintes techniques relatives aux requêtes automatisées.
Nous vous demandons également de:
+ Ne pas utiliser les fichiers à des fins commerciales Nous avons conçu le programme Google Recherche de Livres à l'usage des paiticuliers. Nous vous demandons donc d'utiliser uniquement ces fichiers à des fins personnelles. Ils ne sauraient en effet être employés dans un quelconque but commercial.
+ A'é' pas procéder à des requêtes automatisées N'envoyez aucune requête automatisée quelle qu'elle soit au système Google. Si vous effectuez des recherches concernant les logiciels de traduction, la reconnaissance optique de caractères ou tout autre domaine nécessitant de disposer d'importantes quantités de texte, n'hésitez pas à nous contacter. Nous encourageons pour la réalisation de ce type de ti'avaux l'utilisation des ouvrages et documents appartenant au domaine public et serions heureux de vous être utile.
+ Ne pas supprimer l ^attribution Le filigrane Google contenu dans chaque fichier est indispensable pour informer les internautes de notre projet et leur permettre d'accéder à davantage de documents par l'intermédiaire du Programme Google Recherche de Livres. Ne le supprimez en aucun cas.
+ Rester dans la légalité Quelle que soit l'utilisation que vous comptez faire des fichiers, n'oubliez pas qu'il est de votre responsabilité de veiller à respecter la loi. Si un ouvrage appartient au domaine public américain, n'en déduisez pas pour autant qu'il en va de même dans les autres pays. La durée légale des droits d'auteur d'un livre varie d'un pays à l'autre. Nous ne sommes donc pas en mesure de répertorier les ouvrages dont l'utilisation est autorisée et ceux dont elle ne Lest pas. Ne croyez pas que le simple fait d'afficher un livre sur Google Recherche de Livres signifie que celui-ci peut être utilisé de quelque façon que ce soit dans le monde entier. La condamnation à laquelle vous vous exposeriez en cas de violation des droits d'auteur peut être sévère.
A propos du service Google Recherche de Livres
En favorisant la recherche et l'accès à un nombre croissant de livres disponibles dans de nombreuses langues, dont le français, Google souhaite contribuer à promouvoir la diversité culturelle grâce à Google Recherche de Livres. En effet, le Programme Google Recherche de Livres permet aux internautes de découvrir le patrimoine littéraire mondial, tout en aidant les auteurs et les éditeurs à élargir leur public. Vous pouvez effectuer
des recherches en ligne dans le texte intégral de cet ouvrage à l'adressejhttp : //books . google . com
l
4
r
^^
^^^"4.
%
^^6kaV^^'
LA
FRANCE EN ORIENT
AU XIV^ SIÈCLE EXPÉDITIONS DU MARÉCHAL BOUCICAUT
l-AK
J. DELAVILLE LE ROULX
ARCHIVISTE PALÉOGRAPHE
A^Cle» MEMBRE DE L'ACOLB FRANÇAISE DE ROME
UOCTEUn ÉS-LETTRES
PARIS ERNEST THORIN, ÉDITEUR
-IimAIRK DKS ÉCOLES FRANÇAISES D'ATHÈSES ET DE ROME
nu r.ol.LkUK DR l-'ItANCE ET DE I.'fiCOLB nOBHALE SUPÉRIEURE
7, RUE DE HÉDICI8, 7
188ti
/fJf.
BIBLIOTHÈQUE
DBS
ÉCOLES FRANÇAISES D'ATHÈNES ET DE ROME
FASCICULE QUARANTE-QUATRIEME
LA FRANCE KN ORIENT AU XIV' SIÈCLE Par J. Deiatilt.e Le Houlx
I.
A MA MÈRE
145715
TABLE DES MATIÈRES
iNTROmCTIOX 1
LIVRF I. — PROJETS ET TENTATIVES (1290-1350).
Soi'ncKS du livre i Il
CiiAPïTRK I. Chute de Saint Jean d'Acre. — Efforts et projets
de Nicolas iv Ï3
— îi. Raymond Lull et Marino Sanudo 27
— III. Expédition de Charles de Valois 40
— IV. Projets de PliiHppe le lîel 48
— V. Routes d'Arménie et de Constantinople. — Golfe
Persique 64
— VI. Philippe le Long et Charles le Bel 78
— vu. Philippe de Valois. — Directorium de Brochard. 86
— viM. Ligue générale. — Humbert de Viennois 103
LIVRE IL — TENTATIVES (1350-1396).
Sources du livre h 113
Chapitre i. Croisade de Pierre i, roi de Chypre 119
— II. Croisade d'Amédée vi 141
— m. Boucicaut et le comte d'Eu en Palestine (1388-89) 159
— IV. Expédition de Barbarie (1390) 166
— V. Philippe de Mézières. — Son influence 201
LIVRE IIL — MCOPOLIS (1396).
Sources du livre m 211
Chapitre i. Progrès des Turcs. — Chevauchée du comte d'Eu.
— Ambassade du roi Sigismond en France 221
— II. Préparatifs de départ de l'armée franco-bourgui-
gnonne. — Autres alliés de Sigismond 233
— m. Marche de l'armée franco-bourguignonne. — Con-
centration et mouvement oITensif des croisés.
— Siège de NicopoUs , 246
— IV. Etat et force des deux armées 263
— V, Bataille de Nicopolis 270
Pagei.
Chapitre vi. Sort des prisonniers. — Retour de Sigisraond en
Hongrie. — Nouvelles de la défaite en France. 282
— VII. Coup d'oeil sur la campagne 293
— VIII. Délivrance et retour des prisonniers 300
— IX. Paiement de la rançon 321
LIVRE IV. - CONSTANTINOPLE (1397-1402).
Sources du livre iv 327
Chapitre i. Effet moral produit en Europe par la victoire des
Turcs 329
— II. Campagne des Turcs en 1397. —Manuel demande
du secours en Occident 349
— III. Expédition de Boucicaut 359
— IV. Campagne de Boucicaut à Constantin ople 369
— V. Retour de Boucicaut. — Voyage de Manuel en Oc-
cident 376
— VI. Rapports de Tamerlan avec les chrétiens. — Ba-
taille d'Ancyre 384
LIVRE V. - MODOX (1403-1408),
Sources du livre v 399
Chapitre i. Boucicaut, gouverneur de Gènes. — Difficultés
avec le roi de Chypre 403
— 11. Premières difficultés entre Gènes et Venise 412
— m. Départ du maréchal de Gènes. — L'Escandelour.
— Paix avec le roi de Chypre {avril-juillet 1403). 421
— IV. Campagne de Boucicaut en Syrie (fin juillet-
août 1403) 436
— V. Bataille de Modon. — Retour du maréchal à Gênes
(octobre 1403) 447
— VI. Négociations. — Accord du 22 mars 1404 458
— VII. Elargissement des prisonniers 470
— vrii. Exécution du traité. — Cartel de Boucicaut. —
Rappel de l'ambassadeur vénitien 475
— IX. Fin des négociations. — Paix du 28 juin 1406. . . . 482
— X. Arbitrage du 9 août 1408 498
— XI. Derniers projets et expéditions de Boucicaut (1407-
1408) 505
Conclusion ■. 514
INTRODUCTION
Ou s'est, depuis de loiif^ues anuées, habilut^ à arrêter; à Ifl prist^ de Saint Jean d'Acre (l'2'Jl) Thistoire des croi- Rîides, e4 à considérer cet événement comme la ruine définitive des i^talilissements latins en Terre Sainte. Rien n'est plus arbitraire qu'une pareille limite, née de la lassi- tude dos historiens, et en contradiction avec les faits, La nouvelle école historique, qui s'est donné la tûche de re- nouveler l'étude des croisades', réagit contre cette ten- dance, et le présent travail est né du même sentiment. Le mouvement, en eliet, qui entrain;», durant deux siècles, rOccident aux Lieux Saints, était tn>p considérable pour cesser brusquement par la catastrophe de Saint Jean d*Acrc ; la chute de cette pince, depuis loiigtcnijts prévue par les esprits clairvoyants, ne découragea pas les espé- rances des Chrétiens de relever un jour le royaume de Jérusalem, car st la Syrie paraissait définitivement perdue, il restait encore on Orient doux royaumes chrétiens, celui de Chypre et celui d'Arménie, assez puissants Tun et l'autre pour fournir de solides points d'appui aux futures reven- dications des Latins.
I. A la \Hc de <^e mouvement liistorifiue s'est plar(^e \û Son<*té de l'iPrittit tnlin qui, depuis bU fundatiuri |tK75)^ muh l'impulsiua tWier- f^qiie dr M. le conito Hiaiit, a pruu]»)'* touK les t^rutlit» qui font do rhifctuire des TruLsados l'ohjet di* [cnra i^tudt'îi. Les résultuls consi- di'^rnhles ohlennii depuis dix ans sont ic présa^rc d'une rénovation complète des idros f|ui ont eu jusqu'à présent eours en ces matières.
I
INTROOlICTlôN.
Le xiv' sitNcIo, Umi entier, se pr(5occupr de la question d'Orient, et la France est la première i\ se passionner ptMU' une intervention, de joui' en jour plus difTEicile à réaliser ; les projets d'expédition, cependant, sp succèdent sans in- terruption: souvent nnM]ie ils sont suivis d'effet, et les che- vauchées «le Pierre di' Liisignan. d'Amédée de Savoie, du duc de Bourbon et du niaréfhal lîoucicaut, — pour ne citer que les plus importantes. — protestent contre une opinion jusqu'à présent admise sans résen^e.
Avant de mettre en lumière ces projets et ces ten- tatives, — objet de notre travail, — il importe d^étudier les sources auxquelles nous avons puisé, et d'en indiquer ici en quelques mots la valeur et l'étendue.
1.
On peut grouper en trois grandes classes les docu- ments que nous avons employés : la première comprend des mémoires qui, sous une forme ^éuéruleuient cnncisL-, contiennent l'opinion persoimelle de leurs auteurs sur In conduite A. tenir en Terre Sainte; dans cette catégorie rentrent tous les j)roj(Hs de croisade émis au xiv" sièclt*. Dans une seconde division se placent les. pièce^t diplf*- tnnhijues et les teuvres qu'elles ont inspirées ; dans une troisième, les témoignages des chroniqueurs. Dans quelle mesure chacune de ces trois classes de documents a-t-elle été utilisée ? Quelle créance avons-nous accordée à telle chronique^ Par quels mnliCs avons-nous rejcUé le U'rnui- gnage de telle autre? Quel parti avons-nous tiré d'un do- cument d'archives l Quelle importance avons-nous attri- buée A tel projet d'intervention en Orient l Autant de questions sur lesquelles il a semblé utile de fournir au lecteur quelques explications.
ruEMiÈRK CLASSE. ï'UojRTS ffp AVIS. — 11 v a pou de choses à dire de cette catégorie de documents. Les projets
INTROprCTIOX.
(le croisade, les avis donnés par ceux que leur expérience ou leur situation mettait en mesure d'éclairer TOccident sur rélat de la Palestine étaient avant tout une œuvre per- sonnelle; la tache de la critique se réduit donc A appré- cier [e degré d'intérêt ou de confiance que méritr^nt les vues et les conseils, dont les auteurs de ces mémoires se sont faits les interprètes. Généralement présentés aux souverains pontifes ou aux princes qui songeaient à se croiser, ces projets n'ont pas été connus en dehoï's du cercle resireint auquel ils s'ndressaient ; sauf quelques exceptions, ils ne nous sont parvenus que par un ou deux manuscrits, et jusqu'A présent très peu d'entre eux ont été publiés.
Cet ensemble de textes, cependant, offre un sujet d'é- tudes intéressantes et de révélations des plus curieuses. Cest à l'aide de ces documents qu'on peut se faire une idée exacte des connaissances et des préjugés des hommea du XIV' siècle, eu ce qui concerne la question d'Orient ; fréographie, forces militaires des royaumes clinUiens du Levant, état de la puissance musulmane, moyens de re- conquérir la Terre Sainte, tout y est passé en revue. S*il est quelques projets dans lesquels les illusions et les élans' d'un enthousiasme trop naïf font tort aux conseils de la raison et de la prudence, la plupart d'entre eux sont em- preints <run caractère pratique, souvent môme d*une pro- fondeur de vues qu'on ne s'attendait pas A rencontrer à cette époque. Ils émanent, pour la plupart, de person- nages considérables, en mesure de fournir les rcnseigne- nïcids les plus précis et les avis les plus utiles.
Les emprunts que nous avons faits A ces textes, encore pou explorés, sont nombreux. 11 n'entrait pas dans le plan de notre travail de consjicror aux auleui*s et aux ma- Duscrits de ces ménjoires une étude approfondie. Aussi nous flûnuues-nous borné à les résumer, en signalant brièvement I'imp(trtJince particulière de chacun de ces témoignages.
DEUXIÈME CIASSE. DOCI'MRNTS I)'AriCHIVKS. — CVlIX-l'i
ont été un de nos principaux élénifuis d'inrormaiioii. Leur caractère ofticiRl nous panin tissait une authenticil^' incontestable, et, dans une certaine mesure, une sincérité absolue. Sur ço dernior point, cepondant, quelques iv- serves sont nécessaires; dans TiMiiploi des pièces dipio- inaliqnes, nous n*avons pas jionln \U' vue fjuo l'intérêt politique ou des appréciations parfois passionnées avaient pu se fairp jour, et volonlaireiuent on !nèine de bonne foi, I dénaturer, atténuer ou grossir certains événements. C'est I le cas pour les correspondances diplomaliques vénitiennes; l plus d'une fois, nous avons eu roccasion de rectifier, ^^d l'aide de sources d'autre provenance, des assertions ^■trop absolues et qui eussent faussi* la vérité liislin-ique. ^^Sous ces réserves, les pièces d'archives nous ont, été du plus utile secours, et leur étude nous a jieruiis de mettre en lumière nombre de faits dont les chroniques seules ne nous eussent pas |UM"Uiis d'exposer le compU't <\ô- velopperaent '.
TROISIÈME CITASSE. CHRONIQUES. — A c<5té des deux pre- mières classes de textes se placent h»s chroniques. Nous les avons largement mises î\ contribution, mais sans per- dre de vue que leurs témoigna^î^es devaient être accueillis avec prudence, contrôlés avec critiiiue, et comparés entre
*
I. Nous avons aUnbm'* aux recueils diplomatiques, impiîmt's ou manusfTits, formi^s de pi(>res (rapoïiivf*s, la in<^iin' valcMir qu'à ces pièces elles-nièmes ; si, dans certains eJi», la niaiiiérc ilnnt It's docii- meiils Haut piiblii'*ii ou transcrits n'est pas e\Rinpte tle tuiit repruclie, ees roIlei^tioiiK en revanche ai'^iiièrent souvent, par la perte des do- funienl-s pritnitifK. le caract/Te et l'îniportanre des originaux : à vp litre nous les avons mises au im^tue ranij: que reux-rî, et leur avons accordé, sauf le cas d'inHdt^iilé reconnue, une é^ale uutoritO'. \uu« prendrons pour exemple les Prpumt tif thinlttiri' de [ionnjQifne^ do U. Plancher. t*elles-ei, tirées des Archives do la chambre des comptes de Uùurjfognc, sont souvent directement citées par nous, sur la même ligne que les documents d'archives, quoiqu'elles no soient, à propre- ment parier, qu'une source de seconde main. Il va sans dire (|uc t'originBl, quand il subsiste, a été consulté et collalionnè nvet* lu copi**.
INTROW;CTION,
5
eux par l'historien soucieux d'atteindre ;\ la vérité. Là» plus qu'eu aucune autre espèce de documents, la sûreté des informations, la conscience ou la partialité des chro- niqueurs appellent un examen spécial ; il laut séparer soigneusement les récits inspirés par Tun ou par l'autre des partis en jeu, tenii* compte de la passion, de Tigno- rance ou de la légèreté des écrivains, placer chacun d'eux dans le milieu où il a vécu, remonter aux sources orales ou écrites auxquelles il a puisé pour porter un jugement i-aisonué. Tâche délicatf», dont les résultats u'oiîrent rien d'absolu, puisque souvent un témoignage suspect peut revêtir sur tm point s|>écial, par suite de circonstances particulières d'iniormaliou ou d'exactitude, un caractère d'iuithenticité iuconlestable '.
11 nous a paru utile de signaler au lecteur pourquoi nous avons admis, rejeté ou accueilli avec réserve les récits des principaux chroniqueurs. Il fallait également lui donner un court résumé des sources d'archives et des mémoires aux- quels nous avons puisé. Aussi, pour ne pas ralentir l'exposé des événementH, avnns-nous groupé, en tête de chacune des parties de notre travail, les notions indispensables à celui qui le lii*a pour appi'écier sur quelles bases reposent les faits que nous lui avons présentés.
U.
Si nous avons protesté contre ropinion qui limitait à la prise d\\cro l'IiLstoii'e des croisades, si nous avons
I. Nous tliintions pour ext'iiijtln le n^rit de la cniisaile de Nicopolis par U" Uclù/iniT rfr Satnt-Ih'niii. ciiijiciinlr aux Mtiivi'nirs d'un ti^moin (K'ulain- : dt* iiu'iih." fdui 'lit-- ri'xpi'dititiii tir ttarbarii*, dun» la Chfv HtifUf (tu fion dur h»tfit ttf /tuurbua. uflro di-s gtu'aiitie& qui ne se ri?trouvcal [Hi:* [mrluut d:uis cette utiivrr.
6 INTRODUCTION.
lîherché à montrer les eiforts des Latins pour reconquérir un royaume qu'ils avaient été impuissants à défendre, — efforts qui ne cessent de se maniiester, pendant plus d'un siècle, avec la persistance et la persévérance les plus re- ^^tmar(|uablos, — nous devons reconnaître que cette catas- trophe lui pour TEurope chrétienne le point de dépari d'une politique très diflërente de celle qu'elle avait jus- qu'alors poursuivie dans 1(^ Levant. Elle iniprinia au mou- vement à Toccasion duquel les croisades étaient néps un caractère nouveau, dont les manifestations ne furent ni moins glorieuses, ni moins intéressantes à étudier, bien qu'elles aient été dirigées vers un autre objectif.
Il est superflu de rappeler que l'enthousiasme relig:ieux, 'qui arma l'Occident au xii" siècle et l'entraîna vers les Lieux Saints, se ralentit au siècle suivant. La prise de Jérusalem par Saladin (1187) marque ïissez bien le mo- ment où la foi cessa d'être la pensée dominante et exclu- sive des croisés, ei où elle s'unit h d'autres sentiments pour inspirer de nouvelles expéditions contre les Musul- mans. Les Latins établis en Palestine avaient jeté les bases d'une domination réguUère, à Tinslar des états féodaux de l'Occident, et avaient agi en vain<|iieurs dtîsireux de conserver leurs conquêtes. L'importance commerciale et territoriale de la colonie qu'ils avaient fondée sous le nom de royaume de Jérusalem s'aftirmait de jour en jour ; aussi au sentiment religieux se joignit bientôt nn intéivt plus matériel, la défense du nouveau royaume et l'exten- sion du commerce européen en Asie Mineure. Inspirée par les Génois, c'est-à-dire par un peuple à la fois com- merçant cl colonisateur, la croisade de riiilip[»e .Auguste et de Richard Cœur de Lion ne p<ïui*suivii pas d'autre luit; qui'lques aiuii'cK plus ttird. le changement de direction de la quatrième croisade (l'20'i) indique u» revirement plus marqué dans Tesprit puldic. On n'est plus au temps île Pierre l'Ermite, dont les bandes innombrables, impatientes
INTRODUCTION.
d'arriver au Saint Sépulcre, no se seraient pas laissé sé- duire par l'appât de la conquête de Coustantinople.
Cette transformatiou s'accentue encore pendant lei xm" siècle. Nous ne prétendons pas, comme certains au- teurs', que Tentliousiasme religieux s'éteignit complète- ment, pt>ur faire place à d'autres mobiles. Sans Tétincelle de la foi, les croisades eusseut-elles été possibles I Saint Louis n'était-il pas, sous le ivipport chrétien, Tégal et même le supérieur de Pierre l'Ermite l Mais l6 sentiment de la foi n'était plus le seul dont se préoccupaient les derniers croisés. Indépendamment de ce symptôme nou- veau, on remarque que les expéditions du xiii*- .siècle diÔè-^ rent dos précédentes par la direction qui leur est donnée. Ce n'est plus la Syrie qu'il s'agit d'envahir, c'est l'Egypte. Le centre de la puissance musulmane s'est, en eflet, dé- placé; et les armées d'André de Uongrie (1219) et de Saint Louis (I2'i8-r>'i) se dirigent vers le Nil. C'est là qu'est désormais la clef de la Palestine, c'est h\ qu'il faut vaincre les Sarrasins pour arriver aux Lieux Saints, pen- dant que les Mongols et les Pei-ses attaquent l'ennemi commun au nord et à l'est. On voit ainsi germer une idée politique que le siècle suivant développera et qui marque des visées dili'ércntes de celles qui avaient jusqu'alors animé les champions de la foi.
C'est celte idée nouvelle dont il nous h paru intéressant rU' suivre les progrès; |ir4'ci)nisée dans les projets d<! croi- !«t(le, modiliée par 1rs ciicnustancrs «wtérieures, elle do- mine tout le xiv* siècle ; elle in8[»ire les revendications années dont riiistorien est le témoin, elle en explique le bni. l'insuflisaiice e( l'échec.
I. Vohaii'r. ilo liiiijrnrî-, lleller, lltMikcn. l'U*., ri rtremiutîtit i*rul/ h'utftif'ifÇU'hicfite fin' /\irn::fiiff, Ilrrliii, iaH3t.
LIVRE PREMIER PROJETS ET TENTATIVES
1^90-1350.
LIVRK PRRMIIÎR
PROJETS ET TENTATIVES
I --290-1350.
Cette période est pres<iu« excluBÎvement remplie par des projeta île fpoisade; les tentatives sont l'exception, et la ronséquence de ee fait est la prédominance de ceux-ci sur les ducuments d'autre nalnre. Sauf les mémoires émanés du graiid-maitpe du Temple *, de Du- bois', de .Nogaret\ du roi Henri rr de Chypre*, du dominirain ltrocard\ et les œuvres de Maririu Sanudo^ tous les pmjets «juc nous avons étudiés sont inédits. 1^ plupart d'entre eux mériteraient une publication intégrale. — Les pièces d'arcliives n'ont été utilisées (|ue pour les tentatives dont la première moitié du xiv" siècle a été l'objet. Kxcejité les actes ronrernant les préparatifs de Pliitipfiti \\ de Valuis lArdi. nat., séries J et P). elles unt presque toutes été publiées dans des histoires (générales ou des dissertations porticu-
1. Uahuer V Un pu paru m Ariniuni'iitiuni il'aris, tt>93l, ir, t8i.
ï. Ualuze, iftrm, m, 1*t6. — Mongars, Grsia fh-ï per Frnncut (Ha- novre, liîll», n, nui.
:i. li. lUiutarir, Soticcu et extrait» dt itocitmenli inédit» relatif» à l'hi»tuire de l'rance fum Philippe le liai {Paris, 1861), p. HT.
V Mas l.îilrÎH. Ilintuire de ilhijpre (Paris. I852-(>I), H, 118.
'i. UeilïonherK. à la suite du Kheftiiier au i'.yyue, dans Mnnmiientj^ pour servir à riiisloire des provinces de Namur, de Ibilnaiil et de l.uxumliourg, tv, 227-:ïri.
ti, Ikuigars, Gesla Ueiper /'Vaiico*, t. li.
Î2 SOURCES DU LIVRE PREMIER.
Hères ^ — Les chroniqueurs n'ont presque rien fourni; à peine avons-nous l'occasion de citer quelques passages de Froissart', et, pour l'expédition de Charles de Valois de recourir à la chronique catalane de Hamon Muntaner (1265-1336); celle-iM est un monument de premier ordre pour l'histoire des aventures de la Compagnie Catalane dans le Levant ; écrite par un témoin oculaire et un acteur des faits racontés, elle offre de sérieuses garanties d'exactitude, malgré la partialité à laquelle aurait pu céder Muntaner, adversaire du prétendant français'.
1. Les histoires de Chypre, de Dauphiné, les travaux de Iloutai-ic sur Philippe le Bel, les recherches de Buchon sur les établissements francs de Morée, d'Abel Hémusat sur les relations de l'Occident avec les Mongols, l'introduction de Charrière aux Négociations de la France dans le Levant, etc. ; le lecteur trouvera à leur lieu l'indication des monographies auxquelles nous avons eu recours.
2. Le lecteur trouvera, en tète du livre n, quelques détails sur la valeur historique des Chroniques de Froissart.
3. La première édition est de !558, a Valence, la seconde de 1567, à Barcelone. File été traduite en castillan, en 15115, par D. Miguel Moncade, et partiellement par le comte de Moncade au xvu» siècle; elle a été éditée par Buchon, en français, dans le Panthéon liltèraire (1" série, t. v et vi).
Ui chute (le Saint Jean d'Acre, quoique pn*vue, out iliius tout rOccidonl un rrioiitissiMiH'jit rrmsiiIrruMe et y causa une éiuoliou profonde. L'eiilli"Usiasnie. il est vnd, îles piv- iniers temps s'était bien lofroidi à la fin du xin" siècle ; seuU, les papes, les poètes, les fennnes et le peuple gar- daient la tradition de l'ancien zêlo'. Déjà, lors de la se- conde croisade do Saint Louis (1*270), les barons fi'an(;ais avaient hésité à aecoiup;tj;ner le ri)i. et niaiiifeslé une véri- tJible répugnance à s'engager dans tui voya^'e d'ouïri^nier. Ct;[K'ndanl, â Tannonco dn la catastri>plie, l'opinion |)iih]ique senilda sortir de snn engourdisseruenl, ei nuhlier li's pré- occupations du nnuiienl, pour ne plus songer qu'à ruITmii- ehissemenl des Lieux Saints.
Ce mouvement, tout spontané, était eu eontradictidU avec r«spnt de la siM'iélé féo<lal(* et piditique; cette dei'uière était hostile à de nouvelles expéditions. Le clergé, en effet, â cliaf|UO croisade, payait un décime sm* ses biens et se pinignait vivement de cet impôt; la noblesse, c'est-à-dire l'élément qui avec le clergé avait entre les mains la puis- sance et l'activité, se souciait peu de faire les frais et de supporter les fatigues de ces buntains voyages. Si quel- i|ae« < avontuiiers de la féodalité » consentaient encore a
I. Saint >lart! Clïrardin, Le* Origines de ta ffUf»tion tf Orient do» Deu\-Mumles. I. u, p. 43|.
14
KFFORTS DÏI PAPE NICOLAS ÏV
s'einban|uei' pour l'Orient, c'est que l'ambition de conquérir de» royaumes et des principautés^ et non plus la foi, soutenait leur courage. Le mauvais succès, en outre, des cifûsades au xiir siècle, auguicuta leur discrédit: Dieu ne semblait-il pas abandonner les champions de sa cause? Fallait^il s'armer malgré lui pour la défendre? Celte considération suffit pour décourager les plus intrépides. Le zèle, un instant réveillé, ne tarda pas à faire place à l'inMOUcianco et à la lassitude : el, malgi-é l'appel du Saint-Siège, aucun effort no fut tenté pour scM.*ourir les cbirtiens de TeiTo Sainte avant qu'ils fus- sent réduits aux dernières extrémités.
Nicolas IV, cepeu<lant, ne s'était pas épargué pour tirer l'Occident de son apathie; quand la ju'isr d'Aon* fut con- nue, ce fut contre lui, contre sa coupable insouciance el celle de la cour pontificale, un cri d'indignation universel, cri aussi injuste qu'irréfléchi, né de la vivacité de l'iui- pressinu puhliipie. Pouvait-on rendi'e le pontife responsable d'un événeuient qu'il avait de tout son pouvoir cherché à conjurer ? Edimard d'Angleterre ne l'avait-il pas bercé de promesses trompeuses? Les autres souverains d'Occident, aussi bien que les princes et les chevaliers, n'étaient-ils pas restés sourds aux appels réitérés de la papauté? N'avaient- ils pas refusé de sacrifier leiu's bîj'us cf leurs vies pour re- conquérir un royaume que U;s partis se disputaient, sans souci de l'ennemi du dehors qui profitait de ces rivalités pour ruiner la puissance des Latins eu Orient '.
L'évacuation de laTeire Sainte consterna la cour de Rome, et la lettre pontificale qui fit connaître au roi de France Philippe le Bel (23 août 1201 j lu double perte de Saint Jejui d'Acre el de Tyr. osl empreinte de la plus profonde tris- tesse. Nicolas s'adressa en môme temps aux évêquos de France pour les adjurer d'appeler aux armes les barons, l(»s chevaliers et le peuple. Mais, de même que le roi, le clergé resta sourd aux exiiortations du pape. Réuni en synode, il m^ répondit que la prédication d'une nouvelle croisade res- terait sans efft^t, tant qur les princes chrétiens se combat- ti'uient mutuellement, tant que les Grecs, pîu* leur schisme ©t leur secrète haine contre les Lnlins, les Aragonais et les
1, W'ilken, Geschichte der Kreussiige, vn, 77S-7.
RIVALITES ET INDIFFERENCE DE l'oCCIDKÎïT. 15
Siciliens par leurs quorelle», troubleraieul ia paix dp la chn^- lienté. Il fallait avant tout, disait-il, que le souverain ponlifo ramenât l'union o( la ronconl<^ parmi los iléfiMiscurs du Christ avant de los convior â une nouvelle t^xpédition ; c'était uuo condition absolue de succès. Los dernières années du royaume de Jérusalem avaient élé attristées pur des cotiipéfitions pro- fondément regrettables; à côté de la rivalité permanente des républiques maritimes, Chaides i d'Anjou avait fait valoir, comme cessionnaire des ilroits de Marie d'Anlioche, niêee do Hugues uif des prétentions au trône de Jéru:saîeut, que la révolte des Siciliens, secrètement ourdie à Constantinople pju* les intrigues do Palèologue, lit nvtjrter uiomentauénienf ; on venait enfin (l'assister à la guerre d'Aragon, qui S4' ratta- cliait intimement aux agissements et aux massacres dont la Sicile avait été le théâtre. Ces divers événements avaient . armé les nations chrétiennes les unes contre les autres, alors que l'union était la condition élémentaire et indispensable de toute action efficace en Orient. Il fallait donc apaiser à tout - prix les querelles pendantes avant de songer à soulever de nouveau l'Enrope à lu voix do riîglise.
Le pape ne fut pas plus liï'ureux en s*adi*essant aux Gé- nois et aux Vénitiens: là encore les rivalités commerciales entre les deux réfjubliques s'o[qji)saient â h'ur intervention rians le Levant. Demander, comme il le fit, à ces puissances d'oublier leurs différends pour envr>yer leurs flot les sur les côtes de Syrie, les supplier de renoncer à tout commerce avec le sultan d'Egypte, ou tout au moins de ne plus lui fournir d'armes ni dapprovisionnements de guerre, leur pro- poser la médiation aposhpliqu*- jimir mettre nu terme â leurs compétitions, c'était aller au devant d'un échec diplomatique, Venise et Gènes, supputant les avantages que leur procu- rerait le maintien de ItMU's relations avec les Musuluiatis, n'hésilèn^nt pas à les préférer à ceux qui leur étaient offerts par le pape. Eu Allemagne, le synode des évèque», réuni par les soins de l'archevêque de Salzbourg, légat apostolique, se borna â exhorti-r l'empereur Rodolphe à prenrlre la croix et â renouveler le vœu dïjâ émis au concile île Lyon (l?7î). do réunir les ordres dn Temple et de l'Hôpital, dont la jalousie avait causé, disait-on, en grande partie la chute de Saint Jean d'Acre. L'empereur grec Andronie, les rtiis d'.\rménie et de Géorgie furent également sollicités d'arracher la Terre
IG
EFFORTS DU PAPE NICOLAS IV
I
Sainte des maius des infidèles ; mais partout la voix du pon- tife resta sans écho '.
Nicolas, cependant, avait dnnné l'exemple. Il avait équipé et envoyé â Chypre nne flotte de vingt, vaisseaux qui ili^vaii'iit se joindre aux (luinzc voiles du roi Henri ii, et teuter iiiir expédition contre les côtes d'Asie Mineure' et cunlre Ah'Xîuidrie. Mais l'occasion de nuire aux Sarrasins ne se présenta pas et cette escailre n'eut aucun rôle à joucT. Kn présence de l'indifférenct^ des princes diréliens, il fallut égal<^ ment renoncer à utiliser le bon vouloir du Khan des Mongols, dmit l'auibassaileur était en Occident au monieiit nù tomba Saint Jean d'Acre, porteur des propnsitioiis les plus avanta- geuses ; il offrait, au nom d'Arguitii, s<ui souverain, d'alta- i[U«'r le Soudan ilEgypIe de concert avec une armée chré- lieuue. Ou décUua celte alliance, faute de pouvoir l'assembler les troupes que le monarque mongol se déclarait prêt à ap- puyer. Nicolas mourut avril l!?0?) le cœur plein de tristesse, suus avoir décidé la chrétienté à reconquérir la Syrie".
De toutes parts il s'était entouré de conseils ; il avait snllicilé l'avis de quiconque pouvait l'èchurer sur les choses de l'Orient, n'épiirgnanl rien pour connailn^ la vraie situa- tion de la Syrie et les moyens de l'arracher an joug mu- sulman. Il n'est pas sans intérèl do refaire l'enquête à laquelle s était livi'ê le poulife et d'en exposer eu quebpies niot-s les conclusions.
Le preminr témoin entendu fui li' roi de Sieile, Charles n, qui tenait de son père Charles d'Anjou des prétentions à la couronne de Jérusalem *.
A son sens « passage général serait folie »; le sou<lun, vainqueur des CJiréliens et des Tartaies, maiire de l'Asie
1. Wilken, loc. fit., p. 777-9.
2. I/Kseandelour (Caxlrum Quandelor] était Tubjeclif dp rettc dé- monstration. Ka pusitioii d<? ceUe ville a t^té diverB«mcrit déterminée par les géographes ; les uns l'ont ideiititiéc avec Alexandretie [hkau- tii^roùn), les autres avet^ l'antique Side. M. île Mau I.alrie la place à cinq uu si\ lieues plus â l'eKl, à l'cmplaecnient de la villo actuelle d'Alaïa (Cornccuium de Strabon», entre Anamourel Satalie. (/>e* Beh' tionâ... df l'Asie Mineure avec l'ilâ de Chypre, dans Uibl. de rKc. dntt Chartes, 2» st^pie, t. i, p. aiS.I
3. Wilken, loc. ri/., p. TT'J-ftO.
4. Uibl. nat., franc. BU^l), f. 18» v«-19U.
A
AVIS Dr nOî CHA.RKES If.
Miutïui'e, iHail Irop i»ui.s:ianl poui- que los CUrétiens pussent ronipler sur le succès d'une nouvellt? croisado. Les Sarra- sins, disait-il. so gardorout il'iDquiéter le débai-quemeat, laissant au olinmt et au temps le soin iraffaiblir les forces des croisés. Interprète des conseils de la plus vuliraire pru- dence, Charles ii estimait (ju'une guerre couuiKH'ciale, di- rigée contre TEgYpte, était le luoTen le jdus sûr de ruiner la puissance nuisnlniane. Ce pays, m effel, était 1V'n(i4>pôf iMi rOcc-idenl s'approvisionnait tics denrées df* Inricnl ; c'était la que « li mauvais crestiens » apportaient le fer et le bois nécessaires aux Sarrasins, et se livraient i la traite des Mameluck-s amenés des rivos de la mer Noire pour re- cputor les liriuées du sultan, dont ils devenaient ensuite l'élé- nient le plus r(>dnulalj!e. C'était par conséquent TK^ypte qu'il fallait ruiner. C'étaient aussi les côtes de la Médi- terranée, trop étendues pour être erticacenieut défendues, qu'il fallait inquiéter par des incursions répétées. Pour obte- nir ce lésullal, une flotte de cinquante galénis et de cin- quante vaisseaux de transpiu't, avec un corps do débarque- ment de quinze cents hommes, semblait suffisante; mais il était indispensable d'assiu-er d'une fat-ou permanente ce <lé- ploiomont uiilîtaire. L'originalité des vues du roi de Sicile apparaît dans le modo de recrutement de cette force raa- litirae. Le roi de Chypre, les Templiers et les Hospitaliers pouvaient f<itu*nir chacun dix vaisseaux ; le reste des navire» elles gens d'ai'mes devaient élre levés par le Saint-Siège; mais il impurtail avant tout de maintenir au complet l'effectif des uns comme di's autres, et c'est pour atteindre ce but que Charles II proposait la réunion de tou;^ los ordres militaires ou religieux : le Temple, THi'ipital, les Teutoniques, Cala- ti'ava. Roucevaux. Saint Antoine, la Trinité, les chevalierK d'Altopasso, les Prémonirés, Grauimont'. etc., en une seule
n
I. De ces ordros les plus connus sont les urdro» de Terre Sainte, l'Hûpital, le Temple e! les Teuioniqucs; l'hùpital de Roncevaux.au rovftumc de .Navarre. Tut b;'iii en 113L pour les pèlerins allant à Saint Jacques do Compostelle, oonuDo Altopasso fui créi^ en Italie pour l'usage dos pùlerins venant au \'olto Santo de Lucquciî. <Jalatrava fut institué en 1158, en Espagne, pour combattre les Maures ; Saint An- toine, en Dauphiné, pour lutter contre la maladie du Feu saint Antoine (10031. Les Trinitaircï*. les Prémontrés, Grammont, fonrlt^s aux xi« et xn* siècles, étaient des onlres plus spiVialoment religieux.
2
4
18
EFFORTS Dr PAPE NICOLAS IV.
« religion » obéissaut à un clief d'imt? autorité in<lisciité(% fils fie roi ou au inoius de haut lignage, auquel serait promis le trône de Jérusalem.
L*idéo de la réunion des Tenipliors et des Hospitalier.s n'était pas nimvelh» ; éniiso par Saint Louis, flic avait été Roulevée au concile do Lyon (l?7i} par lo pape Grégoiro x, eî) présence dés représeutanls des deux ordres; mais, sur la n^niarquo que les rois d'Kspagno no consonliraient pas à la l'iisiou parce qu'ils avaient lr(tis ordn^s uiilil aires dans knu-s royaumes, elle fut abaadouuée, ijous Nicolas iv le projet fui repris, mais on ne Fétendit pas, c^unnie le de- mandait Charles n. à tnus les ordres mililaims et reli- gieux'. La question s'élargissait daus le pnget du mi d«» Sicile. L'ordre nouveau devait iKn'cevoir les dîmes levées dans luute la chrétienté, el les aumônes dues à la générosité des fidèles; il convenait de lui assurer les ressources linau- cières les plus étendues. Il n'était pas de privilège que ne dussent lui acconler li's papi's et les s<MiVfraius d'Eu- rope; tous les chevaux et arniiuvs des prélats, bannis el ch(*valiers, devaient, après la mort de ceux-ci, faire retour au ^■and-maitre. On voit, par là, avec quelle amplem* de vues la o(Uisiitnliou dti l'ordre nouveau élail conçue; mais le itrojct, malgi-é sa haute portée politique, était trop large pour étiv appliqué, Elîiit-il possihlo de grouper eu un seul faisceau des personnalités peu faites pour oublier des rancunes déjà an- ciennes et pour faire taire, en faveur du but commun, leurs sentiments individuels ? Pouvait-on se flatter do réunir deux mille frères chevaliers et deux cents frères sergents, nt d'as-
1. Ces détails nous sont parvenus par le mi^moire que Jacques rie
Molay, grand-raaitre du Temple, fit parvenir au pape L'li?ment v sur
cotte question, et dans lequel il résume les tentative» antérieures de
fusion. Voici ce qu'il dit de Nicolas iv : « Item, tempore iXirolai
• papse IV, propter perditionem terr» sanctje quiiR lune fuit, quia
itum^ clainabaut furtiter et alii populi eo quod succursus sufK-
ciens ad defensionem ipsius terrte non fuerat missus per euni. ad
excusatioiiem quodam modo sui, et ut appareret se velle roiiiediuni
apponere ciroa nej^cHria terra; sanctie. rcfricavit seu reassumpsil
1 verba uniuiiis predîctse, el tandem iiihil fecil. ■ Uuniface vm reprit
U question sans plus de succès que Nicolas iv. Noua aurons plus ba^^
Iwcasion de revenir sur le mémoire de Jacques de Molay. (Ualuze,
Vita pap. Avinion., u, 182-5.)
ÎIBMOIRE DK FIDENCE DE PaDOUE-
19
*iurer le rocrulouiout de cette nouvelle milice' ? Cette force
militaire, conconti'ée à CbvpiP, ^ Acro ou à Tripoli, suffirait- »'llt* iiK'nie pouj* couquérû* la Paieslinf ? Autaul de questions dont la sfdulion pai'aissait entourée irincertiludes.
A côté des vues de Charles II se placent celles d'un frère mineur, Fideiice de Padttue. De tons li.*s avis dont s'entoiu'a Nieitlas !V, c'est assurément le plus dèvelojipé et le plus niinutienspinent motivé. Un sait le tôIp i|ue l'ordre des Krères Mineurs joua en Terre Sainte j»u xiii" siècle; on eonnait l'ar- ileur qu'il déplova dans sa propagande pfuir convertir les inHdèles ; on conçoit dès lors l'autorilé qm^ revètail l'opinion d'un des frères de celle observance. Le mémoire dont nous nous proposons de résumer les principaux trails avait été ilomandé â Fideuce de Pîidnuc par (îréifftiri' x an cniieilt* de L^Voii ;I271^, et c'est punr répondje au désir du pape qu'il fut composé. Des (rirconstancos que nous ignorons retar- dèrent rachêvenu»nt de l'nuvriigc jnsiju'nn |>onîifîc;it de Ni- colas IV et jusqu'aux d<'rnién's aiuiéos di^ la floriMii!i(ion latine en S}TioV
}a^ mémoire du frère franeiseain so divise en deux parties; la première est consacrée à l'Iiisloire de la TeiTe Siiinte, la seconde nux moyens de la reconquérir. Cette dernière seule nous intéresse : il n'en était pas de même :\ l'époque où l'ouvrage fut écrit : rOccident Cfuiuaissait si mal les faits qui s'étaient accomplis en Orient depuis deux siècles, qu'un l'êcït dign<' <le foi des évém'merits, une description des |M.*nples qui habitaient la Svric, des détails sur les mwurs des Sarrasins et sur celles des Chrétiens de Palestine, étaient non seulement fort bien aeoueillis des contemporains.
1, • Item, conseille li dis roys que le maistres de celé religion eiist « II* frères chevaliers de su religion en sa compaiiie au covent et
• u* frere« beryena d'annes; et ronsellloit que chaisoiin fraJre chevalier « uit nu bestfis, set ajis»Avuir i cheval et nue mulare vi n bons mncins
• d'armes; ptconsoloi! quecha-srim frere rlieval lirait ii eHnilersprosel
• vi(^>n)setde ligriagft si se i^woit trover; et que ces ii escuiers eussent
• armeotes tjoiies et Mufticiens poreauH armer sur ces n rotirin.s; et que t II CACuier Fussent lel que, se il nvcnoil que leur maistre monist, que « l'om iieiist faire frère de I iiridesn... » (Bil)i. nat., franc fiOW, f. 187 v"-H.) — I.e costume des chevaliers est miniitieusenienl <iét:rit.
2. Ilibi, nat., latin '2'i>, f. 8r»-rJ6. — Nous ne savons rien de la vie de Fidence de Paduue ; il faut supposer qu'il accompagnait les am- bassadeurs tarlares et uifci^ au concile do Lyon.
EFFORTS hV PAPK NICOLAS iV.
niai:4 encore absolument indispensables à rintelligencc* des vues de l'autour. Le caraclèri? de cette partie de l'œuvr*» de Fideuce est plus moral qu'historique ; les faits y figurent moins poui' l'instruction ilu IcrUMir quo pour son édification ; les mœurs des vainqueurs et des vaincus sont dêcntes avec grand soin, et ronseignernonl umnil qui en découle ne manque jamais d'être mis en relief.
Ce caractère subsiste dans le cimimencenient de la seconde partie; parmi les conseils généraux druuïrs aux chrétiens jx air rentrer en possession de la Svrie, l'exercice des vertus morales (charité, chasteté, humilité, piété, sobriété, etc.) occupe hi première place. A côté de la pi'atique de ces vertus, aussi nécessaires au chef qu'aux soldats, l'auteur veut que la discipline, la positiim A donner au camp, les dispnsi1i<>ns de défense, les reconnaissances et un armement approprié à l'ennemi que les Chrétiens auront â C(unbaltre, soient l'objet des soins les phis attentifs. Rn présence d'adversaires aussi redoutables et anssi n-nubreux que les .Sarrasins, aucune pré- caution n'est supertlue. Ceux-ci peuvent mettre en ligne qnaraiète mille cavaliers'. L'Hvmée chrétienne, pour ne pas h'nr être inférieure, se conqujscra donc de tivnfe mille ou au moins do vingt mille chevaux, sans compter une infanterie considérable.
Après ces considérations préliminaires, l'auteur entre dan» le détail du plan de campagne qu'il propose ; à côté de Taf" mée dont il a réclamé la fin*ma(i'iti, il demande la consti- tuliou d'une flotte, dont l'elVectif sera de cinquante ou, au minimum, de trente galères, et il lui assigne dans les opé- rations militaii'es un rôle prépondérant. Elle aura comme ports d'attache les mouillages très sCirs de la côt<^ d'Asie : Chypre, Acre, l'ile de T(>rtose et Uhodes. Grâce à sa pré- sence, la marine peu développée des Musulmans deviendra inutile; la mer sera purgée des pii-ates qui l'infestaient; ce sera pour les Chrétiens de Terre Sainte une double crainte de moins, et en même temps les Sarrasins de Syrie no ro-
1. Lauteur de la Devise des chemins de Babiloine évaluait à quatre- vingt mille hommes les combattaiit-j que pouvaient fournir les Tnr- comans. à quarante mille lelTeetif des soldats Kurdes de Syrie, et à neuf mille t'inq cents celui des traupcs réglées do la Syrie. iCh. Schefer, Etude sur ta Devise det chemin» de. Babiloiw, dans jVrchives de rOrienl latin, n, 92-a.)
RLOCU» €OMMKRCUL PE L EGTPTE-
i-f-vroiu plus ies secours que TEgyplG leur envovail par mer. An poiiu (le vue oominercial, l'utilité d'uu i;iHji]i»iemeut de fnrcos iHJiritimGs est ineonlostablc ; en arrêtant les im- porlalions irOccitlenl. on empêchera non seulenieiif la per- reption par h* soiitlan dos droits dont les marrliandises étaient frappées à l«nir enlrée on Egypte, drtdis évalués à rintpiante mille Hnrins par au*, mais encore l'arrivée de denrées dnul les Musulmans ont besoin, pîU'ce que leur pays iieies leur fiiarnit pas. Comme L'ousêtpience de la suppres- .sion du eommerce européen, les droits d'exportalioji ne seront [dus p<Tçus, au g-rand préjudice du trésor du Soudan; les prnduils éi^ypliena n'aunnil plus de débouchés ; ce sera la ruine île l'Kfîypt^*. Nous avons déjà signalé l'apparition, aux dernières années du xin" siècle, des idées ècoaomi([ues dans la (pirstion des croisîwles; c'est mi facteur nouveau. dont l'Occident comnu'nce k comprendre lu force et dont il préconise l'emploi. Fideuce, le premier, se fit l'interprète de ce sentiment eji r'éclamanl le blocus commercial de l'Egypte.
Les avantaj^es que la flotte pourra retulre, au cours des opérations militaires, nVcbap[)ent pas à la clalnoyance de l'auteur du mémoire. Les côtes i^nriemies sont facilen à dévaster et à ruiner ; en cas de péril, les croisés, trop vive- ment pressés sur (<»rro, (rnnv(*ron1 un refuge sur les vaiss<»aux, et, considération capitale, la présence iU* la rtotte aux bouchi^s du Nil empêchera le soudan, dans la crainti* d'un dcbanjurmeni, de dé^'aniir l'Egypte et immobi- lisera un»' pari il' de sou année. Li' centr*» de la puissance musulmane était alors sur le Nil, tandis que la 8}Tie uVtaiT détV'udue fpu' par des garnistuis relativement faibles; enipêrher l'Egypte de secourir la Syiie menacée était donc une ntano'inTe stratégique îles plus heureuses.
Si la floite doit jotier un rôle important, celui de l'armée n'est pas moins considéralde^ ri l;i route que cette dernière de\ra suivre niériti» \u plus sérieuse aUenlion. Prendra-t- clle la voie th» terre par t'onslaniinople, le Bosphore el l'Asie Mineure ? S'embaniuera-l-<dle à Venise ou à Gênes
•
I. O ehiirpo cht donn<^ par le itrand-mairrc de l'IIôpital et l'évôquo lie Monde (Ilibl. uat.. b-ann. GO'i'». et Kibl. S. r.cnovièvc K I, 28; — Dibl. nat.. latin TUO), dont jos pnjiots seront étndit^s plus loin.
à deslinatiou de la Syrie^ ou bien, rnt'ttaiit on pratique un système mixte, traver»era-l-elle l'Adriatique do Brindisi à Durazzo sur des vaisseaux de transport, pour gagner en- suite ronst.inlinople par tnrro ? L'aiilonr êraHe de suite la preinièro route ; si elle facilite le transport des chevaux, elle nécessitera le consentement de tous les souverains H«nl l'armée traversera les t^tuts, et une discipline rigttureuse, difRciio à obtenir d'une grande masse li'honimes baltitués à tout piller sur leur passage. La troisième voie olTre les mêmes inconvénients, mais â un moindre degré ; quant à la seconde, c'est assnrôuieut la nieill<?iire, et elle n'a contre elle que ta difficulté de rt^unir assez de bâtiments pour em- barquer une armée considérable.
Le principe de l:i rouie maritime une fois admis, il reste à déterminer le lieu de débarquemeul ; cette question avait donné Utni, parmi les contemporains de l'auteur, âdes opinions trèsdifféronles; on comprend que snr un développement déplus de cent quatre-viu^'ls lieues de cotes, depuis la petHe Arnu^uie jusqu'aux bouches du Nil, on ait pu proposer plusieurs points stratégiques. Fidenc<* de Padoue les étudie successivenienl. discute les avantag-es et les inconvénients de chacun d'eux avant de tjonner son avis personnel. L'Kgypte est la clef do la puissance musulmane ; une victoire des clirétiens sur le Nil porterait aux Sarrasins un ntup nmrlcd, el la prise de l'ile de Rasid ' .iflamerait tout U* pays dont elle est le gre- nier. Mais fant-il leuter un débarquement quand la présence de la flotie suffi! à paralyseriez efforts des Kt.'"yplî''n<. i-ourir les hasards d'un ravitailJemenl ditïicile. d'uii climat mal- nain, et attaquer un {uniple plus redoul;ible chez lui iju'il ne le sérail en Syrie, à \u\o aussi x'ande distance des secours promis par l'Arménie et It^s Tarlaivs? Arre é|;ii( tMicorc au pouvoir des chi^Mieus nu moment où Fidence de Padoue composa ^ou traité, el cette rirronstam-e pouvait ("uiliter un débarquemeul sur ce point. Mais (;ette (•on>ideriili>>n, inipurtaule s'il s'était agi d'un simple renfort â conduire PI» Terre Sainte. t')mbait d'ello-inétne. puisque les Latins devaient lever un armée assez forte pour n'avoir pas à crain-
1. I/auteur désigne pri>h!d)lcmt<nt ici l'île forniêf par la lu-juiehe du Nil de UoœttO {Rechitl, ItrssHi) et une ries branrhev serundairrh du
EHARgVEMKXT.
dre f|uo rennemi U's empô<-Iiiîî de prendre terre. Tripoli avait tle ïit>ml»reux pariisaiis ; nn vantail la sécnriU* de son port', la richesse et la salubrité du pays, l'appui qu'où pourrait, trouver auprès des populations eatholir(UPs qui occupaient les environs do la ville, et les avantages pour vaincre le sondau d'une position resserrée enln» la mer et le Liban, ne pcrniettant pîis à l'ennemi de développer facilement tle grandes forces. Ces raisons, bonnes en elles-niémes, étaient-elles suflisantes p«MU' débart|uer à Tripoli une armée ayant pour objectif non seulement la connuéto du liltoral, mais celle de riniérieur du pays et de Jérusalem? Dans ce cas, les objections émises à l'occasion de l'Egypte et d'Acre ne se reproduisaient-elles pas pour Tripoli ? A l'ile de Tortosc ' les chrétiens étaient assu- rés de tn>uver un bon porl, très spacieux, voisin do la terre ferme, piv.s d'une vaste plaine propice au campement des troupes, dans uu pays en grande partie chrétien; mais ces avantages étaient compensés par de sérieuses difficultés; il devenait difficile à l'armée de pairner l'intérieur ; le voisinage deMargatet du Crac, anciennes furteresses des Hospitaliers, tombées aux mains des SaiTasins, était iirt obslaclo aux mouvements des cnusés. La po^ilittii des pnrts «le S'uidiu * el dcH P;ds, prés de l'Aïas * en Arménie, au conlraire. ne ]u*é- Apntait pas les mêmes inconvénients ; il n'y avait à reprocher au premier (pi'une protVmdpur de bassin insuffisante aux gros vaisseaux, au secon<K t^ue la chaleur du climat et le manque d'eau dans les villes du littoral.
Kidence se déiermiuo pour ces deux points. Les gros navires .se ilirigemui vers le port des Pals, les petit-* vers Snudiu. Cette dispersion des forces chrétiennes,
I » Triprtiih... t>onum habet portuu». ■ (K. (V. Hcy, Pf'riples dr S*/n'e ft fiWntu'nir, dans Arch. de l'itrienl latin, ii, 336.)
2. Aujourd'hui iic de Houad. (.'est un tnuuillage encore fréquenté de nos jours et très sûr. — V. lîpy, f'riples...^ p. ruij.
:(, Sotdinum, /torttu S. Simconis, St'ieucie. Il est aujourd'hui combW. C*e»t un bassin elliptirpie, orcusé de main d'homnio, communiquant avec 1b mer par un cnnal maintenant oluitriu^ par les sables : il est bordé de quais et mosure six cent cinquante mùtreâ de long sur plus de quatre cents mètrt's de iîu'ge. flîpy. Pêriplcx..., p. 333.)
'*. Portiix /'atomm, »ur le ^njlfu d'Alexandretlo, à moitié chemin entre l'Aïa» et romlwuclmrp du Sohiuiin, :i dix milles de chacun do ces points, :i l'O. S. U. du premier ot au S. i:. du st^c»)ud. (Desimoni, Actes passés à CAîas, duiit; Arcli. de l'Orietit latin, i, 4:i6.)
EFFORTS nr PAPE NICOLAS IV.
iienl!
inoonveni
déplorable en principe, n'aura pas iri naires. Les «leiix ports sont sitiirs sur en face l'un de l'autre, le port des Pals sur la rive arménienne, Sondiu sur le liltural d'Arilinolie ; deux routes, Vnuo. par terre, l'autre plus l'cmrte par le golfe (lîO milles), mettent eu communication facile le port des Pals avec la Montagne Noire, objectif des croisés. Celle-ci, qui s'élevait nun li^n do Soudin, était un chaînon de l'Aumiis, courant du nord-est au sud-ouest, elle n'était séparée de la 3ner que par une plaine, et s'étendait du col de Bejt-lan au Raz el Kanzir. Elle était couverte de forets et arrosée de sources abondantes ; de nombreuses abbayes y étaient établies '. C'est au pied de ce massif boisé que l'armée chrétienne devait se concentrer, prèle à entrer en Arménie ou à marcher sur Antioche selon les circonstances. Mais toutes les préférences de Fidence de Padoue sont pour Antioche ; c'est une position saine, le cli- mat est tempéré, la ville est belle, riche, bien arrosée, elle n'a pas â redouter la pi-oximitê des Sarrasins qui ne la défen- dront pas ; elle est cependant facile à fortifier, et les croisés ne manqueront pas de s'y établir solidement. Là, ils pourront attendre sans crainte l'an'ivée des rt^iforls des Tartares et des Géorgiens, prendre Toffensive quand les forces coa- lisées seront réuniiM. marcher jusqu'à TRuphrate. et, maîtres (lu fleuve, descendre au sud par Alep et Damas jusqu'à Jérusalem, tandis <[ue les Musulmans d'Kgypte seront tenus en respect par la flotte.
Tel est, datis ses grandes lignes, le plan dr Fidence de Padoue ; le mémoire se termine par quelques conseils sur les moyens de conserver les Lieux Saints, si la cndsade rvussit: entretenir une armée permannute, de foret- suffisante, en Palestine, garder la mer avi*c une flotte d'environ diï galères, fortifier les falaises du littoral à JaiTa. à la Montjnie', qui com- mande Jérusalem, et sur quelques autres |ioints, doimcr aux Chréliensde Syrii* un <'lnd' autorisé et rospecté, *'t b'ur prêcher
!. Uey, Prriptrs... p. :Wa.
2. Les croisés avaient donni^ le nom de }(ona Ooudii (Munt (ïanli?; (iiui-s le manuscrit de Kulent'e dn P;itloiie) ;i lu moritaijno <iiii dominr Jérusalem, et d'où, on venant de Jafîa, <»n di't'onvre d'abui-d lu villi» sainte. Cette circonstarico explique 1 urît^tuo du nom de Moatjoie.
DIFFICULTES D UNE NOUVELLE CROISADE.
25
la jiratiqup de la sagesse H du riiumilité '. — Sans discuter les allégalioiis do rautoui- fit la justesse do ses vues, il nous est pennis de porter un jugonietit sur l'œuvre du frère mineur de Païlouo, et d'y reconnaître l'expérience d'un homme qui a longtemps v(*cu dans le Levant, et tiui, à la connaissanc*^ des lieux et des rhoses, joint un grranrl désir d'instruire TOeci- dent de la véritable situation de la Palystine, et de donner au souverain pontife, avec la plus exaele inipartialité, le meil- leur conseil pour la eroisade qu'il inrdilt*.
Malgré les efforts de Nicolas n , uialgré un concours de circonstances qui rendait sinon certain, du moins possible, le succès des armes chrétiennes eu Terre Sainte, la croisade m-ée par le pontife n'eut pas lieu. Les progrès, cependant, de la civilisation et de la puissance publique permettaient aux princes chrétiens de s'occuper, avec plus d'efficaciié qu'ils ne l'avaient fait préfédemtni'iit, des intérêts d(! l'Orient ; l'affermissement du pouvoir royal en France, Tauguienta- lion des ressources militairrs dont il riisposait et l'affaiblis- ï«enieut progi'ossif (ie la féodalité, créaient à la ronronne une situation dont elle pouvait prufitin* pour jeter les yeux sur la Terre Sainti^. L'Angleterre avait réduit les Gallois et les Kcossais ; l'Aragou, par ta iiossession des Baléares l't de la Sardaigne, as^surait la liberté de la Médilerranée contre de nouvelles tentatives musulmanes : l'Allemagne elle-même re?<scntait les premiers effets du travail de centralisation commencé depuis longtemps déjà dans son sein, et la maistm de Hapsiiourg aftirutail déjà sa suprémali<\ I^e Saint-Siège, dégagé des einitarras de la ijuendle des investitures, aif«'r- missait son iidlueiiee. Mais si Tiitirorilé souveraine en Eui*ope ^ dispiisait d'une action plus étendue qu'aux siècles précédents à mettre au service de la foi, la croisade n'en était pas moins dt^venue impossible. Nous avons dît plus haut que l'iilée de la croisade, n'étant plus soutemie piir l'enthousiasme reli- gieux, avait donné tous ses résultats. En outre, la nécessiU^ de frapiier les Sarrasins en Rgypte s'était imposée ;\ totis les esprits ; pour atteindre les bords du Nil une marine marchande et miliiaiiT était indispensable ; les puissances chréiieiuies con- tinentales ne la possédaient pas ; il lem- fallait recourir ai
I. KiUiMU'i' n'stnnc res 'pialilés par I»*< iIoun mots : êapienter A«- mélif, qu'il applique uti rhvï de l'expédition projt'Iée.
28 EFFORTS DU PAPE NICOLAS IV.
communes de la Méditerranée, qui seules avaient les moyens de transporter les croisés outre mer, mais dont les intérêts commerciaux étaient directement opposés à ces entreprises, puisqu'elles ruinaient tout trafic avec l'Orient. L'usage des i^ objets et des denrées importés du Levant avait pris un tel développement en Occident, qu'il devenait le principal obs- tacle à de nouvelles croisades ; on ne pouvait songer à Ten- traver ; on ne pouvait également rien tenter en Terre Sainte sans l'interrompre. Etait-il surprenant que dans ces conditions Nicolas IV ne réussit pas à armer l'Europe pour reconquérir la Palestine * ?
1. Mas Latrie, Histoire de Chypre, i, 502-4.
La perto do la T<'Ito Sainlo. vivomont n^ssontie on Ceci- dont, donua naissance, pendant les premières années du XIV* siècle, à des projets de lonte nature, ayant tous pour but la conquêt** de la Syrie. Chacun voulait app(irlor à l'œuvre raïuniune l'appoint de sun expérience et de ses idées personnelles. Au milieu de c© mouvement, doux per- sonnages, à doa litres diffén^iits. aUÎT'enl ]'aHi*iUir)n publi- que : l'ïm, Raymond LiilL os( un philosojiln' ; l'autre, Ma- rino Sanudo, uti polilîiiup *■( un économiste; tous deux cherchent a réveiller rculliiKisiasme des croisades, le pre- mier par ses plans de propagandt^ et de prédication clirè- tiounes, le second par son système do commerce et de fTiierre V
Uaymond Lull. d'une fauiill*- unlili- de Tile de Majorque, avait quille le m»nide â la suite de chagrins dont un amour coupable ot adultère avail été l'origine. Il s'était voué au serviri» de Di«*u. et, retiié, pour y faire pêniteuc*-, sur une montagne de sa patrie, il avait cherché les moyens de faire recouvrer rOrienl â la chrétienlé ; de ces médilallous était néo tnie œuvre théologique, r.t/'.v maffna, UnW pour dé- montrer la Niipériorité de l.-i reliijion dirélionne snr le ma- honiélisnie. .Vppiiyant snr ce Imité le système de pro[jagande dont il se fil l'apôtre. Lull voukiil soumettre les iritldèles et
I. Suint Muiv (tinirdfu, Ac« OiiffinfH rte lu qw-Htion (fOrifiU (lïevtif d«6 Deux Mondes, I. i,i ilJMi't), p. \'t ft miiv.i — Voir aussi un ai-iiclf do Oeléi'huo (Uevuo de» l>eux Mondes, wiv [I8'i0,l sur Haymund
un.
28
R. Ll'LI. ET M. SANIOO.
le» sclàsimiUi-iiH's vn les coiivorlissatil. Au lit;u dn U's écrasMi-, pourquoi np jwts les coiivainrr*^ ? ' EoniMaiil de son plan les ietitalivcs rlîui^'tTciisi's t'i iinpnissHnifs ditii^ srs fonlom- poraiiis r«^A-ai(.'Ut lu réalisai ion. il riîpoiisso l'emploi île ta forer l't song<' à reconquérir lîi Palestine [mr le rai^onn»-- iiii'til et rinstniftinn. Les app;ii*iticins diverses qu'il a cuc^s liciidanl sa reïrail*' Ir ronfinucuL dans un dessein qu'il ])oursuil avec un dêvouenieut et une pej'sêvêranre aduii- rabl(*s ; sa vie se passe, sans trèvf ni repos, à proposer aux puissunees spirituelles e1 teniptirelles i'exéeulion île ses pro- jets ; sa \ hnuo, sans se lasser^ répète ce que sa parole expose, el, devanl rimiiffén'tiee j^énéialc, son rx<'niple montre la voie à siii^rr. Cv{ t'sprii roiilcntplalil" l'I nivstii[U(' nt* nv rnu- lenle pas d'émettre des théories; avec utie activité toujours nouvelle, sans se rclniter, il l(*s itirl: rn pn-Uiquc', cl. après iiiK' lnugue rarrière, paie du tjiarlyre son upiniâtivlé à t'mi- verlir les Musulman» â la vraie loi.
Fersonru* n'i*iit une exisif^nre plus reiujdie. plus féconde eu aventuii's que cet apôtre de la vérité. Il vs{ à Uonie au moment où Saint Jean d'Acre tombe au pouvoir des infidèles (1291), el expo.se ses vues au pape; mais il n'est pas écouté. ConiuMMit espérer" qu'au nintnoiil de la eaïaslropln* qui chasse les Chrétiens de Terre Sainte, il fera ]irèvaloir les conseils de hi mndêralion, et comprctnln^ qu'on tloît renoncer à la voie des armes, créer des monastères où \'o\i enseignera les InngtU's or'ieiiliiles. et fondiM' des écoles de propaj^ande ^ he papt^ el les ]>rjnees qu'il sidlicile tour m limr. en pajTiturant l'Europe- aver une persévéraure iiihiliii^ahie, l'accuHillent avec une hii'nvi'illiinlc pilit': il m* sv ri-Unic \Uis, el. â l'orée d'iri- sistance. deiidi- siui souverain, h* r"i fU« Majorqu<s à établir à Palnia un miixeui où U-i'ize frères étudieront l'm'abe. Lull se nit'l A rapprriidri' axec eux; un esebive arabe leiu' sert de précrpleur ; mais quand eelni-ei a pénelré 1rs di-sseins du missionnaire, le fanatisme religieux se i^vcille en Lniel il lente
l. I)''s iilètis aiiiilu|iticn nvaieiit i^ié éuiiH's en Angleterre: iiou> en trunvuiis la trare ilritiN les éirril» fb; ^êfonnî»1c'u^^ agents romnie >\>rlif et l.a:i;cliuul, uiihM l»ien que dan» eeux île <'iuwer. esprit ealnie et il'une «ran'ic piêlé. iJ. J. JiiA&prnnd, La vie nomade nu xiv «r'Wp, ilan.H lleviie liisTuriqiie. \x, fiU).
i. M Vita i'unteinpla<i%u vsi antcriMlciis vitn: activir. i (II. Lull, if tf ^rooerliîis.)
VOYAOES ET PIlKOrrATlONS DE LULI.
20
(l'assassiner mn i!'lève; Lull désariiR' lo lULnirtrier cl pardorint». Quand il sait l'arabe, il s'oiaïiarquo à ses frais jmiii- lAfriiiiiP ol abordo à Uoufrit*. Là coiHmonconl d(»s conlroversos lh('*o- logiques entre lui et los docteurs ïuahomètans ; il so niontri' dialoctioion si consomniH qu'il cliaruie ses adversaires, et les nuivertit; mais l'autorilé s'éiiuMit, ai auiouli' le ptiupl»^ contre hii. Lapidi* et laissé pour mort sur le rivagn, Lull est re- rueilli par des uiarcliauds trrnois ri ranu^ué eu EuiMpe.
A peine rt^labli, il retnui-ne ii Itouie; poadaiit près d'un an il ne se lasso pas de d^miander à Bonifaco viii de favonser la propagation do la foi parmi les infiilèles. .V Pise, il prêche la crois;ide, et sa parole esl entendui' ; les Pisans le chargent de présenter an Saint-Siègo uno pétition pour les autoriser à ii'utei- la dnlivranco des Saints Lieux: à Gènes, nièuie succès; li^s dames dt» l'arislocratie, enflamuuVs par l'ardeur des pré- dications do Lnll, rendent leurs bijoux poiu*ê(iuip(!r et envoyer UUH lîfdte dans h* Levant'. A Avignon, devenu le siège de la papauté, il u'obtieiit rim ; et l'eutlniusiusine sonlevé a Pisi' (*t à t^<>aes s'éteint faute d'encouragement. A Paris. Pliilippi' le Bel reste sourd à toutes les exhortations*. Découragé. Lull se décide à passer eu Orient, visite Chypre eï r.Vriuéuie; mais les souverains de ces royaumes sont trop absorliés par leurs divisions intestines pour compi'ondre l'utilité du rt^- mède qu'il conseille. Il revient eu Occident, et tente de nouveau de gagner la papauté à ses vues; ClénieuL v le reçoit à Poitiers; mais^ eu uu>me temps que Lull, desenvoyé.s inongids sont venus ii la cour du pontife, et h^s nouvelles qu'ils apportent sont trop favorables à la cause ehretieune pour enti'er en balance avec les espérances que Lull pouvait faire concevoir à la chrétienté. Ils annoncent qu'une paix générale vient d'être conclue cnlre tDiis les jiriiu'cs tartares, et que, libre de ce côté, le roi ili! Perse offre â- Philippe h* Bel l'appui de cent miUe cavaliers tarlares. Il s'agit bien d'apprendre l'arabe à quelques nnssionnaires, quand le Saint- Siège dispose d'une pareille alliance ; Lull est accueilli comme un visionnaire.
1. Vuir plus bas sur <!ette croii^ade de femmes p. M. '2. On trouve cependant, dans les nit''moiri:>!i de I>ubotf( (voir pta* baji^ chap. iv) qneUjues reflets des id^es de [taymund Lull.
ru^
tt. I.ULL ET M. SANTDO.
Des efforts, cependant, poursuivi:? nvec laut d'opiniâlroW, no (it'vaiont pas reslor stériles; les vues de LiiU s'impose- reiït peu à peu h l'atlenliou publique; on 131?, le concile de Vienne les consacra, en ordonnant qu'à Rome, et dans U'S universités dt» Paris. d'Oxforrl. d*^ lîolognp et de Sîila- niaiique, on affecterait des maîtres à renst'ignt^inenl des lan- gues orientales, particulièrement de l'héhreu et do l'araHe. Clément V. ami des lettres et des seiences. eonfimia par îuie liulle 1*' decrtit du enncile, et proclanui quua des principaux Nuucis des cliréliens devait être la conversion de» infidèles et des idolâtres; et qu'à l'exemple du Christ , qui avait voulu doruier à ses apôtres la connaissauci' des langues pour ré- pandre l'évangile par touto la terre, TEglise devait s'efforcer d'apprendre au plus grand nombre de ses membres It^ lau- ifage des infidèles pmir propager parmi ces derniers les dxgnies sacrés.
Raymond Lull avait longtemps attendu ee triomphe; il l'obtint au moment où, déjà vieux, il allait descendre dans la ttiuibe. Mais tuujfjurs prêt à la lutte, il voulut profiter des der- niers jours qui lui resta ient à vivre, et les employa à former \n\v- l^)ut des disciples, à les animer de sa science, et do son zèle : !?-oisarisuprès, malgi'éson âgeavancé. impatient d'a[)pli(|ucr les résultats obtenus, il s'embarqua de nouveau pour lAfrique, er recommença à Hougie, avec les Mahomélans, les, conférences et les disputes qu'il avait jadis failli payer de sa vie. Cette fois les docteiu's se montrèrent plus intolérants ; le peuple, ameuté par eux, maltraita et chassa le missionnaire que des nuu'chands chrétiens eurent peine à dérober à la fureur des Arables. Mais l'épreuve avait été trop forte pour te vieillard ; il mourut sur It? vais.scau qui le ramenait à Palma, martyr de son zèle et de sa foi.
Il serait injuste, à côté de l'étude des langues orieutalos, de passer sous silence une autre idée de Raymond Lull, cello de réunir <ui iiu seul corps les trois ordres religieux ilu Tem- ple, de rilôpital et ries Teutouiques, dont les divisions et riuiiuitié nuisaient à la cause chrétienne eu Palestine, au lieu de la servir. S'il ne fut pas le premier à réclamer cette me- sure', si d'autres, après lui. la propnsèrent maintes fois, il
1. Voir plus hftul les projets de Charles n de Sicile, p. 16 et suiv,
tmOJRTS DK R. i.iri.i..
nul rhonneur de l'assucier ea toute uccasion n ses projets. Il
eut aussi celui (ravoir pré(;()uis('> dos pnMuiors la conquôlo do l'Egypte, et snrioul riiilcrdÎL'tiou absolue de commerce eutrp ce pays et TOccident. Daus ua de se« traités il demandait (|u'on attaquAt par ti^rre et pai* niw l'Andalousie, et qu'après la conquiHo do ce royaume, rarnièe chrétienne victorieuse s'emparAt de Ceuta eu Afrique, et de là, s'avançant vers l'est lo long de la côte, poussitt jusqu'à Tunis ; de ce point elle pouvait soumettre à son choix la Terre Sainte ou l'Egypte*. L'armée devait obéir à un roi choisi par les princes croisés; l'e^scadre, composée d'un gros vaisseau et do quatre galères bien armées, à un amiial. Celui-ci avait uiission d'enlevtT Rho- des et Malte, et de couper ainsi tout approvisionnement aux Sarrasins. Excommunication, eonlîscation, châtiments de la dernière rigueur senmt infligés à quiconque favorisera les conmiunicationsdes iuHdèh's avi'c l'Occideni ; l'absU'nlion des marchîuids chrétiens et liscilement commercial de l'Egypte UH larderont pas à ruiner absolument la puissan(!H du sou- dan *. Trois ans plus tard, rlans un autre ouvrage, Lull insisie de nouveau sur son prujrl. ; il le dév^doppe l't \v complète ; tandis que d'un côté un corps d'armée, s'emparant en Afrique d(* Ceuta, du Maroc, de Tunis, de Rougie et de Tlemcen, atteindra les froniièresde l'Egypte, un autre corps conquerra CûHstantLuople et la Syrie, et gagnera par l'Arabie les bords du Nil, qui se trouveront de la sorte menacés de deux côtés. Lnll. cette fois, semble almndonner nu du moins reléguer à l'arrière-plan l'idée dr la iioisiêre dont il se préoccupait avec tant d'insistance* qneliiucs anné»îs plus tôt.
Malgi'é ces divergemes rlUpinion, on ne sam'ait mécon- naître chez Raymond Lull d'autres préoccupations que celles tle la diffusion des études orientales et de la religion catho- lique par la prédicutiou. Si ces dernières avaient paru à plu- sieurs empreintes d'une confiance et d'un «enthousiasme peut-
1. Dan» le traité Df fine (avril i;i06), l'auteur nxaminuit également rii>put)ièsc île In conquête de l'ilc de Itasid (delta du \ih, mais il In rejetait pour diver» matifs. — Voir V. Kunstmanii, Sturlirn ûbrr Ma' rino Sanuflo den At'ftnrn. (Munich, IK'».^), in-'i*, p. "Jô.)
2. Kuimtiiiani}, Stmlirn..., p. 26-27. Hayiiiurid f.ull CHtime à six l/)nét*ft le temps n*''cc8(>aif« â prwluiiT ce n'-sultal.
Le traité porte le titre : Df aetpiùi-
^tni trop naïfs, porsoiuie no pouvait cniil^Aster l'utilité do l'union des ordres uiililairt's, qui dovaît frn-mer, p<iur ainsi iliro, fn Orient, uno croisade pernianonto ; les idées cuui- uierciales, les vues de Lidl sur l'Egypte étaient nouvellet» pnur l'époque; on le vil liien :*i. riiésitation avec laquelle elles élaieiit formulées, à l'absence di* sens pratiiiue, à l'ai-deur en quelque sorte clievaleresque qui les avaient inspirées*. S'il est vrai que le visionnaire disparaissait, c'était potn* rester chevalier et genîiilniininc, non pour devenir p(di- liqiie ou êcononiisfe. Rayinnuij Luli iinus apparaît ainsi avec un d(nible earaclère : apôlre. il veut (conquérir l'Orienl par la foi ; mais clievalier en mémo temps que niissionuaire. il ne vent pas rjue rclui-ri s'abaisse devant ct»liii-lri; il met l'un <*t l'autre sur le même ran^' ; pour lui, l'idéal d'uue socièlé fortoiueiit constituée est l'accord du prêtre et de l'homme do guerre.
y La questiiin d'intenention aux Lieux Sainls revêt avec Marino Sanuelo un nouveau raractèru ; de religieuse, elle devient ]Kdiliqiie et commerciale, et cette Irausformation l'épond autant au changement (|ui s'est op^ré dans le mou- vement des croisades, vers la tin du xiii*-' siècle, qu'à la nn- lionalilé et aux attaches de famille de Sanudn.
Il appîu'lenail à ia grande famille vénitienne des Sanudo. devenus, après la conquête de Constant iiiople par les Latins (l?04), maîtres de Nax)»s. de Paros et de Mélos, et chefs d'une dynastit; durale qui se per'pélua pendant plus d'un siècle dans l'Archipel ; mais il n'était pas de la branche des ducs de Naxos. Son père, Marco Sanudo, habitait Venise, et selon toute probaldité Mariuo naquit dans cette ville vers I2iî0, perpétuant le surnom patronymique de Torsello qu'il lièrita de son père. Nous savons peu de chose de la vie <le Sanudo ; un passage de ses reuvres nous apprend qu'il vécut dans l'entourage du c^ardinal Kichanl de Saint Eustache, pro- bablement dans le but de se familiariser avec la science du ilroit, dfuit le prélat faisait son étude préférée ; mais combi<'n de temps dura cette domesticité littéraire, à quelle époque doit-elle se placer ? Autant de questions qu'on ne saurait ré-
1. Marinu Sanudo reprit ces idées en les transformant, comme nous le montreniii» phi!» bas.
2. Saint Muri: liiranlin, lue. cit., p. 52.
VIK KT orVRAOKS I)K SA-Nt*X)0.
sûudre. Il eu est de même d'un st'ijoui' assez long en Grèce aufpiol les êrrils do Sanudo font do fréqiintitos alhisiiins, sans iiu'il soit possible toutefois île détenuiner si Torsello était alors au service de la république, ou a'il habitait les posses- sion-* de sa famille dans l'Arrhipel. Nous savons qu'il par- rourut tout le Levant; il alla â Chypre, en Arniênio, :'i Alexandrie et ù Rhodes ; le conmierce n'était pas étranger à ces voyages*. Quelque incomplets que soient ces détails, ils suffisent pour expliquer la direciion que Sauudo donna à son esprit; un penchant naturel le poussait à s'occuper particu- i liêrement de la politique de l'Orient et des moyens de rocoa- quérir la Terre Sainte ; c'est de ce sentiment qu'est né le trnilè des Sécréta fidelium cruris, l'œuvre à laquelle Sanudu lîonsarra toute son existence et qui a immortalisé son nom'.
Son ouvrage achevé*, Sanudo quitta Venisn jiour le pré- senter au saint-père, et, s'embarquant sur les galères véni- tiennes qui faisaient le voyage de Flandre, il aborda û Bruges poui' gagner de là Avignon, siège de la papauté ; il y parvint le 2\ septembre I3'^l.
Pendant son voyage et à son instigation, les couis qu'il ^ traversa redoublèrent d'elTorts dans les préparatiCs de croisade dont elles étaient occupées, En France, le roi et surtout le comte de Clermont nïauifcstaient pour l'entreprise le zèle le plu* enthousiaste; ils eurent avec Sanudo de fréquents entre- tiens. Le comte Guillaume de Hainant arrêta avec lui les bases d'un passage outre-mer. Retenu longtemps par le pape à Avignon, Saniulo, devant l'échec des projets de Phili]»pe le Long 'I3?3), rentra à Venise avec le dessein de rester dans sa patrie ; il la quitta cependant en 133? pour aller à Naples
t, Kunstmann, Studien.. , p. 1-5.
2. Bongars iGesta Dei per i'ranco$,\. ii] a édité \es Sécréta fidelium rruciê. Voir sur Sanudo particulièrement l'ouvrage do Kunstmann ciXé plus haut, les études t'e Simonsfeld {Xeues Archw, vu, 43-72), le travail de Saint Marc Girardin que nous avons déjà maintes fois cité iHevue des Deux-Mondes, t. xu, IHfj'i), et la thèse de A, Pos- tan5i)ue, lie libro secrftorum fidelium eruci», (Montpelllei', 185'».)
3. \jB premier livre de» Sfcrrtn fktetium crucis est de 13()fi; il fut adrewé à Clément v; l'auteur y ajouta postérieurement un épilogue et présenta l'ouvrage ainsi modifié à Jean ,\\n, successeur do Clé- ment V ; le second livre fut l'omposé en 1312, mais la dernière main n'y fut mise qu'en 1321 ; le troisième livre dut être écrit vers 1313. (Simonsfeld, JVeiteK «ir/iir, vu, 45-7. i
34
U. I.UI.L KT al. SANt'DO.
solliciter le roi Robert de secourir la Grèce meuacée, et eu 1333 pour fairp un dernier voyage en Grèce et k Constan- tinoplo*. Ses ressources étaient alors assez <iiïoinuêes pour l'empêcher do reprendre avec les cours eui*opéennes les rela- tions personnelles d'autrefois, et ses lellres témoignent du regret que lui causait uin> pareille situation. Si Clément v. auquel Sanudo avait, dès 1307, fait parvenir ïo premier livre de son traité, accueillit Cavorabletuent les vues qu'il contenait, et renouvela la défense faite aux Chrétiens de coniiuercer avec Alexandrie et l'Egypte; si Philippe le Bel suivit l'exempli» donné par le Saint-Siège en ce qui concernait les sujets du royaume de France, ce fuient là, sera!>le-t-il, les seuls i-é- sultats qu'obtinrent les efforts de Sanudo. BieutOt vinrent les obstacles, les délais et les embarras de toutes sortes ; Jean xxii, lui-même, écrivit en 1318 et 1319 aux rois de Franco et d'Angleterre pour Ips dissuader de la croisade. Sanudo s'indigna, et sacorrespoiidancp nous a conservé rexi>res- siou de sa douleur et de son découragement. Quelques années plus tird, devant l'apathie de l'Occident, il se contentait de solliciter pour le royaume d'Arménie un secoiu*s de dix galères, montées chacune par trois cent cinquante hommes d'équipage, et portant une armée de (lébart|iiement [\o mille hommes de pied et de trois cents chevaliers ; il suppliait le pape do décider les princes chrétiens à s'ai'raer pour la foi, à s'unir avec les Vénitiens, et à mettre â la tête des troupes un capi- taine qui s'inspirât des principes exposés dans les Secretn fidelium crucis'*. H mourut pou après, sans avoir eu, comme Raymond LuU, la consolation de faire agréer ses plans'.
L'ouvrage de Sanudo, préseoté au pape Jean xxii, fut examiné par une commission composée de trois frères Mineurs et d'un Dominicain, familiers avec les choses du Levant. Le résultat de cet examen fut favorable à l'ensemble dun projet
1. Ces divers voyagea et ces pourparlers corresponUpnt à des projets d'inton'ention en Orient dont le lecteur trouvera les détails plus bas, aux chapitres iv, vi et vu.
2. Kunstmann, Studien..., p. 22-3 et 39 ; — Saint Marc Girardîii^ he. cit., p. 57-8,
3. La date de la mort de Sanudo e«t incertaine; il vivait encore eu 1334.
IMPORTA .NCK CoMMKHClAI.li HE 1, KtiYI'TK.
»lout l'esprit, â la fois économique et politinue, s'iinjiosa à rapprobalio» de.s commissaires'.
Los idt'cs px|iosêeA par Sanudo n'apparaissaient assurùmeiit pas pour la première fois; ses principales propositions avaient déjà été émises, et cependant l'œuvre était originale; il y circulait uu souffle nouveau i{Ui transformait et rajeunissait, en lonr donnant d'autres applieatinns, dos conreplious déjà anciennes. N'avait-on pas, depuis Saint Louis, compris que l'Egvpte était la clef de la Terre Saiute? N'avait-on pas diriifé contre ce pajk's les dernières tentatives faites pour enlever la Palestine aux infidèles!? Depuis le x" siècle, l'iniportatinn du fer, du bois ou des armes riiez les Sarrasins n'éUit-elle pas prohibée par Venise? Cette défense, aux siècles suivants, n'avait-elle pas été maintes fois étendue et confirmée par le Saint-Siège ( C'étaient là des idées courantes et presque re- battues ; Sanudo, cependant, n'en conçut pas d'autres, et trouva en elles les éléments d'un système complet de conquête et de politique.
C'est le propre des hommes supérieurs de renouveler le?* questions qui ont préoccupé leurs devanciers et de leur donner une forme définitive. Sanudo comprit que la position géogra- phique ile l'E^^ypte était unique, et qu'on pouvait tirer parti contre elle dune siiuati<)U qui précisément faisait sa force Entrepôt du commerce des Indes avec l'Occident, et de l'Oc- cident avec l'Orient, l'Egypte tirait sa richesse du commerce de transit; ruiner ce dernier, c'était ruiner la prospérité du pays et on même temps sa prépondérance dans l'empire mu- sulman. Pour atteindre ce but. il suffisait de détourner de l'Egypte les marchands qui lui apportaient les deni'ées ile l'extK'me Orient, et d'empêcher les nations européennes d'ame- ner 4 Alexandrie les marchandises qui manquaient aux Egyptiens. Tel est le plan conçu par Sanudo : blocus conti- nental de l'Egypte et conquête du pays aifaibli parle blocus.
Samido est avaut tout Vénitien ; à lui s'applique mieux qu'à personne la parole célèbre : Siamo V'rnezianiy poi ChristitJiii. Ce n'est pas à dire, cependant, qu'il ne suit animé de l'esprit
1. La commission ne critiqua que e«rtaina points de détails, ot par- ticulièrement la rigueur des inesurc!» proposées conlre les infructenrs des prohibitions cuni merci aies <|uc Sanutlu réclamait cuntre le» iji- fidèles. (Kun^tmunn, Studini..., p. 39.)
chrétien, et que le désir d'arracher la Terre Sainte aux infi- dèles ne Tait pas inspiré et soutenu dans la composition de son livre; mais, avant tout, c'est un patriote qui rêve la gi*an- deur de son pays et qui excuse toutes les défaillances, quand elles ont pour but le développement de la puissance véni- tienne. On sait que Venise et les républiques maritimes de la Méditerranée avaient trouvé, dans le commerce des denrées prohibées par les ordonnances apostoliques, une source de hénéKces considérables ; pour Sanudo. celte contrebande per- dait de sa gravité quand elle était exercée par des Vénitiens, et lui-niême, en parlant do ses nom breux voyages, fait observer, avec un sentiment de légitime orgueil^ qu'il n'a jamais trafiqué iKobjets de cette nature ' ; mais on sent qu'il excuse ses com- patriot<'s de n'avoir pas suivi son exemple. Aussi, dans ses projets, fait-il constamment à sa patrie la part la plus large ;
' il entrevoit pour elle un empire nouveau à conquérir et des débouchés commerciaux à créer; s'il consent, en bhKiuant l'ftlgypte, à léser innnicntanément Venise dans son commerce, il sait bien que la nouvelle prospérité qu'il lui réserve com- pensera au centuple les pertes subies.
I l.e blocus de l'Kgj'pte, proposé par Sanudo, se compose de deux parties: — détourner le commerce des Indes de
I l'Egypte vers la Syrie ; — interdire à i'Kgypte toute exporta- tion ou importation avec rOccident. Sanudo sait que, quand une route commerciale est l'ermép, il faut de toute nécessitt» qu'une autre s'ouvre pour la remplacer. L'Euphrate héritera de la fortune du Nil ; les marchandises delà côte du Malabar. au lieu d'arriver à Aden et de gagner de là par caravanes, en neuf jouï"^, le Nil, sur lequel elles sont embarquées à des- tination d'Alexandrie à l'époque de la crue du tîeiive ', seront dirigées sur les ports de la Perse, et remonteront l'Euphrate paur atteindre par Bagdad la Syrie. Antioche et la mer Médi- terranée. Cette voie nouvelle permettra aux négociants chi*é- tiens de pénétrer dans i'Imle; ils auront libre passage dans Terapire des Tartares, au lieu d'être impitoyablement arrê- tés par le soudan d'Egypte, qui no permet à aucun chrétien de traverser ses états pour aller naviguer rlans l'océan
1. KuuKtmann, StutUrn. . ., p. 4.
2. En octobre, to voyage du ]K>inl d'arrivée d^ caravane^s Jusqu'il Alexandrie dure quinze jaurs.
HUJCl'S DE 1. fiOVPTE.
Indit^n. La ri m te de Pwse, du rest*^, pst employée pour les (ionréos de peu de poids el de grand prix, taudis ([ue la route d'Aden est réservée aux marchandises lourdes et de peu de valeur. Cette circonstance s'cxplii|ue par les frais de trans- port cousidérables (pic su[i[K)rt('iit les dcnitV'S exïiédiêes par la Perse, frais qui sont bieu moindres par la voie d'Aden et ilu Nil. Eu revancbe. les droits à acquitter sont trêî^ lourds en Egypte, trè.s faibles en Perse. Quand la route d'Egypte sera fermée, tout le commerce de l'extrême Orient cherchera par la Perse et la Syrie un débouché sur la Méditerranée. Pour ruiner rKgyi»te il Jie sufiit pas de lui enlever son trafic avec l'Orient, il faut aussi l'isoler de l'Occident, et c'est dans ce but qu'un blocus sera m?cessaire. Sauudo veut qu'il soit absolu ; il faut que l'Egypte ne puisse plus vendre à personne, ni les denrées qu'elle reçoit, ni celles qu'elle produit; Tintor- diotion de conunerce sera donc générale. Ni la Grèce d'un (Aie et les pays compris entxe Scutari et les bouches du Salejdi ou Cilicie', ni d'un autre côté la Tripolitaine, Tunis, les États Barharesques et les possessions musulmanes d'Es- pagne ne resteront en dehors de cette mesure, qui sera appli- t|uée sur terre et sur mer avec la derniers rigunir et sou« les peines les plus sévères ; quiconque' l'enfreindra ou favorisera les infractcurs sera puni comme héi-étiqu).' et déclaré infânu\ cette dérlaratioii eiitrainaut la confiscation et de nombreuses déchéances.
Pour maintenir le blocus, une ft(»tte do dix galères sera levée et mise sous les ordres d'un capitaine nommé par le Saint-Siège : elle protégera b*s rhivliens d'outre-mer, com- battra le» Musulmans et fera exécuter les pénalités édictées contre ceux qui per^'éxén-ront .1 <'onim<*pcer avec les infidèles ; afin d'intéressi'r sa ^igilame. |i'< pn*ês seront partagées entre le capitaine ei b's rqiiipjiiirs : rrux-ci seront Vénitiens : do toutes les nations occidentales, eu efiVît, selon Sanudo. c'est celle ijui connaît le mieux les mers du Levant, et qui a dans r.\rcbipel le plu-* do pi.uts rie relAche. Les Vénitiens sont doiu' les surveillants natunds de la croisière, et ou con- t'oit que Sanudo, Vénitien lin-niénip, n'att pas hésité à faii-e
38
R. LUIX ET M. SANUDO.
->
de ses compatriotes les maîtres et les arbitres du commerce européen '.
Saiiudo estinmit que trois ans »J'ud pareil blocus suffiraient à ruitier l'Egypte, et que le aiouient serait alors propice pour la conquérir. Il demandait au pape de lever, dans ce but. un corps de troupes de ([uinzo mille hommes de pied et de ti'ois cents cavalirrs, destiné à débarquer aux bouches du Nil sous la proteciiou de la flotte ; il s*eflori,'ait de faire ressortir la supé- riorité do cet itinéraire sur la route de terre suivie par la première croisade, et sur le débarquement en Sj^-rie, à Ciiypre ou en Arménie ■ ; mai.s toutefois, en raison de l'importance stratégique do l'Arménie, qui seule était encore aux mains des catholiques, et faisait obstacle i\ la réunion en un seul faisceau de toutes les possessions musulmanes d'Asie Mineure, il proposait l'envoi d'un routingont séparé dans ce royaume afin dn lortifier la résistance des Ariiiéuii^ns. Au sud de rKgypte, l'appui des chrétiens de Nubie, à la frontière orien- tale de la Syrie ralliance des Tartares, dont il se déclare le partisan (■on\aincu, devaient assurer le suceés. Sanuilo enti'evuyait entre le Delta du Nil et les lagunes de Venise une analogie (]ui semblait prédestiner sa patrii' à la posses- sion de rKtçyplc. Il insistait beaucoup pour que la croisade fut confiée exclusivement aux Vénitiens : c'était empê<-hcr. dit-il. des rivalités et des ditîirultés dont les précédentes expéditions n'avaient que Imp dtmné le spectacle ; c'était aussi, grâce â l'i^xpérience lie-i marins de Venise et à leur supériorité incontest'ible au point de vue commorcial, placer l'entreprise sous les meilU'urs auspices: en réalité, Sanudo Voulait fonder en Egypte \me nouvelle Venise, et, [uiisque Gènes semblait maitresse de ta mer Noire, donner .•'* la répu- blique de Saint-Marc b' commrroe ries Indes, dont les rives du Nil el la nier Rougr ntaieut l'entrepôt naturel.
Tout, dans le plan de Sanudo. se rattache à cette idée ; les Maures de (irenade pourraient, à un moment donné, être un daiiffer sérieux; on les s()umettra pour s'en affranehir; on
1. Sailli Marc Ciîrartiiii. hc n't.. p. 6»i-y ; — Kuiistmiinii, Stuitien...^ I», H)-22. passiiM.
2. V.n oxposaiil les niisouK de m's |irêfrnMir''.H :i fliuîsii* l'Egypte, Suiuidu lie fuit que repiijtluire les uruuiuouU expu-'H*?» avant lui. Voir pluH haut, iMtgCN ir 01 ii'H.
IMPORTANTE DES VTES DE SANUPO.
sVtablira fortement à Rosette ot sur la cMx" d'Egypte qu'on couvrira de forteivsso.s ; pcnriaiit los luois ui"i le couuuercp est interrompu. c'est-à-dir« d'avril à octobre, ou détachera viriirt galères et cIikj mille honiiuos du cor]is i>riin'i]uil ' pour im]uiéter les peuples <|ui olièissent ri l'fiutoriu' du soudau. la Tunisie, la Turquie d'Asie et les pays soumis à l'empire jrrec. L'Eg;)^ple couquise, la roule de Jérusalem est ou>erte et la Palestiiio dêlivi*ée du joug inusuluian'.
Les vues de Lull et de Sanudo, de ce dernier surtout, nous niit semblé, à cause de leur importance exceptionnelle, mé- riter d'être groupées dans un chapitre spécial. Elles éclairent, au commencement du xiV siècle, d'uue vive lumière la ques- tion d'Orient: elles l'èsument. en les transformant, les idées ••mises jusqu'alors par les meilleurs esprits; elles contiennent le germe de toutes celles que, pemlaut prés de cinquante années, le désir de reconquérir les Lieux Saints fera éclore i»n Occident, et dont il sera question dans le coui's du présent travail.
1. Sanudu évalue â otiiquante mille hommes et à deux mille che- vaux, ou à la rigueur i\ quiuante mille iiommes et mille chevaux les forces nécessaires à la réalisation dn ses projets.
2. Saint Marc Oirardin, (oc, crt., p. 63-4 ; — Kunstmanii, Studien. .,
p. :ïi-:.
CHAPITRE m
EXPEDITION DE CHARLES DE TAL.OI&.
S'il y avait pour les Latins, au îondpmain de l'évacuation de la Syrie, un moyen de la reconquérir, c'était en s*unissant aux Mongols ; depuis longtemps déjà les puissances occi- dentales sV'taiont habituées à considérer cette dlliance comme la liase do leur iHjlitique en Orient, mais elle était restée 'jusqu'alors dans le domaine do la théorie, et n'a>ait donné aucun des résultats qu'un était en droit d'espérer d'elle.
L'invasion mongole, partie du fond de la Chine, après avoir tout renversé sur son passage jusqu'en Russie, en Pologne et en Hongrie, se trouvait, au milieu du xiir siècle, en contact direct avec les P^tats musulmans tlu soiidan d'Egypte en Syrie ; la première rencontre entre les Egyptiens et les Mung'ds ' 1 ?r»0) a^ail été favorable aux premiers, et le sultan Bihnrs, dont la valeur militaire étîiit universellement it- nomniée, avait su, pendant son règne, arrêter les progrès des envahisseurs. A la mort de Bibars, lt»s Mongols étaient de nouveau enln»s en Syrie (l;*K(Jj; mais, malgré leur allianc* avec les Clu-étiens de Terre Sainte, cette seconde invasion avait éjiroiivé le sort de In [tremiére ; les Kgyptiens avaient été victorieux à la bataille décisive de Hîrns (l?HI). Si, â Ja suite de leur défaite, les Mongols avaient laissé quelques années de répit à la Palestine, ce n'est pas iprils enssent renoncéà leui' projet de conquérir l'EgyjJte, mais des tnmbles. des soulèvements et des guen-es intestines occupèrent ailleurs leur attention. Les innu'siuns continuelles des ICgyptiens en Ciliuie, pays tributaire des Mongols. ramciiértMil bientôt les Tarlai*es ;'i leurs premiers desseins: au monir-nt de la chuti" du rovaumr de Jérusalem . leur chef (^lazan fherrhait â
VICTOIRE DES .M0NG0L8 A IlIMS.
11
entraîner l'Occident dans une ligue générale contre les Musulmans. Nons avons montré r|uoIle suite de circ-on stances nmpéclia l'Europe de mettre à pru(it les bonnes disp()sitions de Gazan. Celui-ci, quoique privé d'une coopération dont il espérait beaucoup, se mit en campagne, avec Tappui des rois d'Arménie, de Géorgie et de Chypre (121)91. La bataille se livra â Hims, à l'endroit même où s'étaient déjà rencon- trées, à deux reprises ;13C0 et I2H|) les armées égyptienne et mongole ; ce fut pour cette dernière une victoii-e complète, dont la part décisive revenait aux troupes auxiliaires chré-^ tiennes, enrôlées sous la bannière de Gazan.
Un pareil succès eut un immense retentissement, et ranima un moment, en Orient comme en Occident, le zèle pour la délivrance de la Terre Sainte. Cette même année, le comte Gui de Jaffa et Jean d'AntiLjche accouraient à Byblos pour arrêter avec le roi d'Arménie» allié des vainqueurs, les bases d'ane action commune; mais l'absence de Gazan^ qui avait repris la campagne, empérha toute entente. Peu après Henri ii de Chypre, kvi Hospitaliers et les Templiers en- voyaient treize navii*es en vue de Rosette, mettaient sept bîHiments égyptiens en fnite et pillaient la rote jusqu'aux environs d'Alexandrie. Kn même temps Amaurv de Liislgnan. seigneui' de Chypre, avec le concours du Temple et de THApital. tentait nii débarquement A Tîle de Tortose (Ile di* Kouad,, mais l'approcht* de l'ennemi le formait :*l s'éloigner. Cependant, â l'instigation de Koiitloukschali, lieutenant de Irazan, le projet contre Tortose ne tardait pas â être repris 'I30r. Les Templiers oc*iMii»èrPiit l'Ile qui est en fare de la \ille. ety eonstruisirent une tour lortiliée ; la venue d'une riitttille égyptienne, qui aborda Tilc des deux rotés à la fois, iibligea une l'ois encore les rhevaliers â la retraite. Assiégés dans la tour (2? oï*tobre l;ïO;>). ils durent se rendre après avoir |»erdn cinq eents arehers et trois cents hommes d'armes '.
Ces éi'hecs. subis par les chrétiens iTOrienl à leur [iremièr*' tentative de rejaemlre la Syrie, s'expliquent autant par le
I. ICilhnclit, liludex xur irx rhitiiers temps tiu rutffiumv *ie Jént- Kttlrm lArch. tic l' trient Lutin, i. r»'ir-8). — Ahol HéttitiKiil, MétntiirfK Miir If* retationii /mtitii/nejt des jirincea rftrètietiH.., tntf /m emfterfui'n Manyols Mrw. de l'Arad. i\vs liist-r.. vi (1822), :t'.t6-'i69}.
v^
EXPEDITrON DE CHARLES Ï>E VALOIS.
manque d'eusemble de leui-s efforts (|ue par l'insuffisance des forces déployées. Mais ce fut surtout l;i coiiduito des MotigoU eux-méiue.s qui paralysa la tentative nouvelle ; dans le premier enthousiasme du la victoire d'Hinis, on avait cru qvie Gaznii n'avait qu'à continuer su marche pour anéantir la puissanc** des Sati'asins ; il n'en fut rien cependant ; les vainqueurs, pour diverses raisons, ne surent pas proliter de leur avantajçe, et cette circonstaiice permit aux Musulmans d'opposer aux Latins les troupes que les hésitations des Montfols rendaieul momentanément snns emploi contre ces derniers.
On ne Uirda pas, dans Je Levant, â comprendre, après la victoire, quo l'E^'vpto n'avait pas été frappée à mort ; l'Occi- dent, au contraire, â distance des événements, fut plus lent à renoncer à l'espéraDce que la défaite du soudan avait fait concevoir. Au récit de la halaillc avaient succédé les nouvelles los jdus favorables â la cause des Latins ; Gazan, allirmait-on. fêtait devenu chixHien par l'inlliience de sa femme, priticesse rhrétienne ; il s'était *»ni[)aré du Caim et de toute la S^Tie, avait réintéf^ré les Tenipliors et les Hospitaliers dans leura anciennes possessions, et engageait le Saint-Siège à envoyer en Palestine des troupes pour la reprendi'e. Ces bruits et ces récits avaient réveillé rentliousiasnie. A Cîénes, cédant aux exhortations de Kavnioud Lull, les dames du plus haut rang avaient vendu leurs bijoux pour équiper une escadre, et i'avaieiit mise sous le comuiaudement de lîennit Zueeharia, dont le nom avait laissé chez les Sairasins le souvenir le plus redoutable '. Le pape Boniface viir avait renouvelé l'oppel fait par ses prédécesseurs. (^ir;M'e â lui, grà<'e aux ;ipp;u*itinns l*réi|uent<'s d'ambassades mongoles eu Europe *, et aux négo-
L Kiïhricht, litiidex..., dans Art'li. de IDrifut Latin, t, ti^ia-nO; — Wilken, Gfsch. drr Kreuzsûgr vrt, 781 ; — Delescluze [Raymond LuU. dans Itevuo des Peux Mondes, x.viv, 536). Ces dames étaient au nombre de neuf; leurs noms nuusont été conservés, ainisi que ceux des quatrn capitaines génois. — L'amiral génois IL Zaccharia avait joué un rôle ronsidérable dans les aflaircs de Terre Sainte nuK dernières années de la domination latine. Nous le retrouverons plus bas mMé aux ])rojol.s de croisade île Philippe le Uel.
2. II n'entre pas dans le cadre de cette étude d'examiner en détail les rapports iliplnmatiqoes qui s'établirent depuis IJ'iâ. mais surtout ;q)réri la chute d'Vcre, entre les Mongols et les puissanceit d'Dccidenl, Krance. Kspagnc, Angleterre, Allemagne. V. sur ce point Hohricht, illud^A ... p. 65U, note 81, ot .\bel Itémusat. Mi'muires..., possim.
MARIAGK DK CHARLES DK VALOIS.
43
ciations toujours reprises par la cour de Rome, l'enthousiasme subsista longtemps ; on 1308 même, enflammée par les prédi- cations dont l'Kurope retentissait, une masse considénible de gous du peuple se rassembla dans le nord de la France, eu belgifjue el sur les bords du Rhin, pour marcher à la déli- vrance de la Terre Sainte. On pouvait croire à un véritable réveil de Tesprit des croisades ; malheureusement ces croisés {populaires commirent laut d'excès que la papauté <lut leur i>rdomier de rentrer ilans leurs foyers'.
C'est vers la même époque, sous l'inspiration du st*ulimenl belliqueux qui agitail alors toute l'Europe chrétienno, ([u'uii prince français Charli-s di- Vali)iH, frère du roi IMiilippe lu l:îel, songea â faire valuir les «Imits qu'il avait à l'euipire de Constantinople. Ou séparait asso^ pou, en ce temps-là, la question de l'empire grec de celle de la croisade, et, si quel- ques esprits faisaient une distinction, ils ne voyaient dans la conquête de Constantiiiople qu'une première étajtc à celle de la Terre Sainte : on savait assez quels embarras les Grecs avaient suscités au développemenl du royaume de Jérusalem pour être c(m\aincu qu'en commentant par les réduire (ui faciliterait la i-epriso ilo la Pab-stine.
Philippe de Courtenay. empereur titulaire de Byzance, avait en nmurani transmis à sa tille Catln^rine ses droits â la cou- ronne impériale; Catherin^ n'était pas mariiHs et l'appât d'un pareil héritage suscita de nombreux j)rétendants à sa main : l'haque puissance eut son candidat. Michel Paléologne, tils i\r l'empereur Andronic, Frwléric d'Aragon, frère <lu roi d'Aragon Jacques it, et ivd de Sicile, s'étaient mis sur le» rangs. I.a France avait enUimé ( I 2*M\ de sérieuses négociations pour faire épouser â la princesse Jacques, rtls aine du roi de .Majorque', mais sans y parvenir. C'est alors qu'elle itroposa un antre candidat, le profiro fivre du r(û, Charles de Valois. \euf de Marguerite, Hlle de Charles n d'Anjou, qui venait d'obtenir de Jac(|ues ii le trône de Sicile pour prix de son flésisternent â la couronne d'Aragon. La diplomatie française senti-eniit activement pour faire ivussir ce projet ; le Saint- Siège l'appuya, â conditim» qu'avant de conquérir C^onstanti-
i. Kolirirlit, AVu'/'*x.,., p. (i,*0-l. 2. Ix roi lie Majorcjue était Jncquos I d'Arugon, d'Aru^m AlpliunM.' n et Jaeque> u.
unclc de» rois
u
KXPKDITION I>K rilARI.ES HE \ AI.OI.S.
nopl(?, le prince français tenterait de reprendre la Sicile. puvahie et usurpée par KW^déric d'Aragon, au mépris de la iM'ssion dont nous venons de parler. Charles d'Âiijon, roi de Na|iles. oncle de Catherine, dont la princesse avait promis (l'obtenirle consentement, se hAta d'autoriser cette union; elle lui assurait, en effet, le serr.iirs do la Fraiiee <:ontre l'usurputeur du trône de Sicile et lui donnait l'espoir de venger Robert de Calabre. battu et fait prisonnier par lui. Le mariage fut décidé et eut lieu le IS janvier 1301 ; le même jour Catherine abandonnait â son nouvel époux 1ou.s ses droits :t l'em- pire, et Charles de Valois se mettait sans retard en route pour la Sicile '.
L'expédition du prince français comptait quatre mille cava- liers environ ; elle se joignit aux forces de Charles ir. prit terre k Termini et assiéjrea Soiac-ca. Les maladies ne tardèrent pas k décimer les troupes ; malgré de sérieux avantagea et beau- coup do valeur déployée, Charles de Valois, après un an de séjour, n'avait fait aucun prof:rês ; c'est alors que Charles ii «e décida â traiter avor Frédério d'Aragon ; cette résolution ruinait le*ï dernières espérances du frère do Philippe le Bol; aussi Charles de Valois se b;'ita-t-il de se faire eouiprendre tlans le traité de Caltabellota f:H aoftt L'îft?). et d'y faire stipuler à son profit la lilierté de ramener son corps d'armée à Naples par mer ou en suivant la roule de terre k son choix*.
Mais si Charles de Valoi-* rernuiçait à la Sicili». il n'ahan- doinmit pas ses prétentituis j'i l'empire d'Orient: en érhaup* de sa retraite, il s'assurait, dans son projet de conquête de Constantinople. rîip|iui de Frédéric d'.\rajiori. qui lui pro- mettait (Lîf».'l^ une Hotti' do (luinze ou \iiijft galères, deux cents cavaliers soudoyés pendant quatre mois, et s'engageait en outrp à ne pas traiter avec Andronic avant que Charles de Valois n'etH traité lui-même'.
1. J.A.C. Ilurhoh. iitr/itu'rftes et matihinux fuiur Mcrrir li *ntr hh- tuire lie In tlominoUon frnnnti^e... tton» let prorOtcrii iti'memftrétK île l'empire ijrer ^K'iOl i. V.*-7; — Haniuii Munlanor (étl. liiichunl, p. î05-fi; — Itilil. niU.. (!o'i. ï>upuy, vol. yf., f. I2I-'J et vol. 122. f. I'i9.
2. R. Munlaner. n?dit. Uuchoii). p. 'ili-U: — Mas latrie., SovteUrs preuve» de r/tttUure tle Chypre, dans iJibl. de l'Kc. des Chai'les, wxiv .I8::i). p. 4H: — Buobon : fiech-rvhvit.... \, 48.
:ï. Itut'huii. Herhereftr*.,.. \. ^H. dîipW's Arvb iia*.. I. 'iio. ir 7.
TllinALT DE CKPÔV A VEMSK. 45
Ces promesses n'étaient pas destiuées à être tenues ; on k* vit !nen quand la Conipagnie Catalane, sous leâ ordres de Roger do Fior, passa au service d'Andronic avec l'asseu- timent de Frédéric. Dans l'espril du roi de Sicile, elle devait neutraliser les plans du prétendant français, tout en semblant les favoriser; elle s'était, il est vrai, déclaré»* pour ce dernier', mais ,il fallait peu connaître sa moralité pour n'être pas convaincu qu'elle ne prendrait conseil que de son intérêt. Frédéinc le .savait, et loin de réaliser le secours consenti, fit tous ses efforts pour ruiner RGcrètoinent en Grèce l'induence do Charles de Valois'.
Encouragé par le rapport de ses agents, Charles de Valois se décida à tenter la conquête de l'euipire; Thibaut de Cépoy. envoyé (septembrn \'MH\) à Venise, entraîna la répu- blique dans ses projets. L'expédition devait prendre la mer au mois de mars 1307; le i^ndez-vous général était à Hrindisi. V(»nisu fournissait, aux frais de Charles, les vaisseaux néces- saires au transport des troupes; une Hotte de douze galères, destinée à assurer la sécurité de la uier, était armée à frais communs. L'année suivante, des dillicultés survenues entre les plénipotentiaires des deux parties contractantes orapè- chèrent l'exécution du traité'. Cépoy, cependant, n'était pas retourné en France; Charles de Valois, persévérant dans ses desseins*, <d>tenait de ('lément v une dime en faveur de l'expédition'; la mort même de Catherine de Courtenaj n'arrêta pas les préparatifs militaires, et si le prince per-
1. Nous satons par la correspondance du gouverneur de Salonique. Moiiumakos, agent secret du parti rrançais. (|ue les CiitaJans occupant les forteresses du c6t<^ de Gallipuli, rcconiiaissuient Charles de Valois I«mr leur seigneur (Huchou, Recherches,.., i. i8-y).
2. Pliilippe le iJel, en l3f>H, éerit à Krôiii^rit* pour se plahidre des propos hostiles à ( liarle.s de Vului.s qu'il avait tenus (lloutaric. Xotices et h'j-trailg tle documrnU ifi^dilH... xmut Phitif>/ie le Ihl l'arih;. IHtil),
p. H3-;.
a. Itonianin, Sloria doeumenttttn di Vwieji'a, m, «-I0.
'i. Tïiihaiit lie Cépoy avait (|uittt> l'aris le U septembre I30ii; il ne rentra en Fniiire qu'en !;no. Le compte de ses tli'-penses pendant ce vopge e.st dati> du TJ avril llilUà Saint-Cliristufle en Hallate (U. Mun- tancr ledit. Hucliunt. p. 4b7-ft. noiel. — l.e 8 août i:iU7. (.'Iiarlesde Valui^i faisait li Poitiers avec .Main de Monlendre un accoril relatif au voyage de ce dernier avec ses homme» darmet» on Rouiauic dîui'hon, Hecherches...^ i, 50J.
5. Poitiers, 3 juin 1307. (ÏJibl. nat.. franc. 4425, f. 5-y.>
46
KXPKMXrON DE rHARIJ:s DE VALOIS,
liait les droits qu*il tenait de sa femme, 11 continua à fairo valoir ceux que cette mort avait transmis à Catherine de Valois, sa fille. C'est ainsi quVn traité fut conclu avec UroschiSaint lî]ticnncii},roideSGrLie,lc'27 mai*s I308*,conti'fi Andronic, sur les bases d*uiie alliance offensive entre les deux princes, et de la cession par Charles de Valois de divers territoires en Albanie et en Macédoine; le pape renouvela, ilnns le môme but. la dîme octntyée précédemment '. Pendant l'o temps, Cépoy, qu'appuyait une flotte do dix galères et d'un * lin* » levée â Venise, allait ù Négrepont se metti'e en rap- ports avec la Couipa^^aie qu'il se llaltait d'attirer dans les intérrts du prétendant (l31)Sj; il se rapprochait de Rocafort auquel les Catalans obéissaient, et se faisait, griice â lui, re- {•onnaîrre comme leur clief, malgré les efTorts contraires de riiifaut don Ferrand, (Ils du roi de Majorque, et agent du roi de Sicile. Mais la Compagnie, ramassis d'aventuriers de na- tionalités diverses, sans disciplina et sans foi. cédant tour à tour aux suggestions de quiconque llaltait ses intérêts et ses passions, faisait peu de cas de l'autorité de Cépoy, plus no- minale (jne l'éelle. Celui-ci vit bientiH, qu'il était impossible d'utiliser, comme il l'espérait, les senûccs de ces bandes. Tout tiTmblait devant les Catalans, mais Cépoy tremblait devant eux ; Rocafort, qu'ils lui livrèrent, fut envoyé à Naples et enfermé à Aversa par le roi Robert; ce coup de main ne modiKa pas la situation. L'escadre vénitienne se retira
1. Charles il« Valui» stipulait 8â neutralité en cas de conflit entr*" t'rosch et !e prince lio Tarente, son cousin, possesseur d'nnP partie de l'Etulif. Le mariage lie 7.nri7.ft, lilledu mi serbe, avec Charles, deuxième (ils ilu comte de Valtûs, étriil subordonnL^ â la rentrtl^e d't nxsch dan» le sein de l'^'glise runiaino. Ce traité, conclu à Tabbaye du Lys, prO*s 4|p Mcltin, fui [wrté i>ar une amba^ade française à l'acceptation d'I'rosch à Golak-tihilan en Macédoine (25 juiiloi 1308). H fut vidim^ Iiar Philippe le Bel en décembru liîia (Bibl. de t'Ec. des Chartes, XXIV, 115-8, article de J. Ouîcherat analysant le texte de cette alliance, publié ])ar M. Ubicini dans les Mémûire^i de la Société serbe en 1870L
2. 6 février 1310 (n. ut.). ItibL nat., frarit;. 4525. f. 5-9.
3. (c nom est très commun au moyen âge. !l déi>igno un navire â rames dont les dimensions et la forme ne nous sont pas connues. Le terme italien legnù^ origine du mot /m, n'est pas plus explicite, car il n'indique que la matière \boi») aveclaquellc le bûtiincnt était construit. (Jal, Gïoasairf nauliqite. 93^i).
KCHEC DES PROJKTS DE CHARLES DE VALOIS. 47
partiellement; Cépoy lui-même, dégoûté de n'arriver à aucun résultat, rentra en France (1308-1309)'. Quant à Charles de Valois, il conserva pendant quelques années à Venise les appro- visionnements et les navires qu'il y avait fait réunir en vue de la conquête de Tempire d'Orient*.
1. R. Muntaner (édit. Buchon), p. 467-7i.
2. Quand Jacques de Caurroy, représentant de Charles de Valois, regagna la France (1311), il transmit à un Vénitien, Michel Alberti, le soin de veiller sur les navires et approvisionnements, mandat dont l'avait chargé ce prince. (Mas Latrie, Commerce et ExpéditioiM mili- taires de la France et de Venise au moyen âge, p. 62-71.)
(iuoiqup la i"oyauté fût restée éiraagore à l'entreprise de ('hurles de Valois, Philiiipe le Gel. comprenant le parti qu'elle [lourrait tirer d'une restaui'aiioii lit» l'empire de B^zance aux luaiiis d'un prince de la maison de France, avait encouragé les plans de suii frère. Avec tes aspirations à la monarchie universelle que Philippe le Bel ue se défendait pas rie nourrir, la conquête de Constantino|ilcGÛtêtê un pas décisif dans cette voie. L'idée de marier Cîiarles de Valois A l'héritière des empereurs d'Oricul «-t d<; Taider à rentrer en possession de son ht^ritage avait élé suggérée à Fliilippe le Bel (vers \'AÙ\i) dans un mémoire qui lui prêchaii les moyens d'acquérir la domination universelle. Le roi de Franco avait profilé du conseil pour faire épousera son frère Catherine de Courteuay. avec l'espoir de le faire régner un jour à Byzance '.
Quel était l'inspirateur d'une politique si élevée? Un simple avocat du roi à Coulances, Pierre Dubois, dont le nom de- meura inconnu, mais dont TinHueuce fut profonde sur ses eonlemporaius, ei surtout sur le roi. Si Dubois ne fut appelé à aucune des grandes charges de l'état, s'il resta loin des hou- neurs et de la l'enommée, les services qu'il rendit à la royaut*^ méritent d'attirer ratlentiou sur lui. Il posséda, à uu uiouieut où il était rare, le sentiment de la nationalité ; ses efforts constants tendirent à assurer à la France le pi'ewier rang en Europe, et dans ce but il ne s'épargna pas pour exposer ses idées au roi et les lui faire adopter
t. Uout&ric, La France ioui Philippe le Bel, p. ^11-3. Le mémoire de Dubois est inédit (Uibl. nat.. Ia(. 6222c).
CAttACTERK DES IDKES DE DCBOlS.
Parmi los questions capitales dont la solution occupa \o i*^giie (le Philippe le Bel. il en est p»'U auxquelles Dubois resta étranger; souvonl mémo la plume du polémiste était réquisitionnée par lo roi pour préparer Topiiiion publique. Dévoué avant tout à la rojauté, Dubois attaqua en toute occasion la noblesse, le clergé et même le Saiut-Siègt» ; mais, de boune foi dans ses attaques, il n'avait eu vue que le déve- loppement du pouvoir royal et la yrandeur île la France '.
Le mémoire fU*. Dubois visait rétablissement de la monarchie universcUo en faveur de la France ; la question de la conquête de Cohstantinople n'v était abordée qu'accessoiivment. I/autenr avait eependaat, sur la politique orientale, des idées plus complétas ; il partiigeait renthousiasmc général que les ré- cents succès des armes mongoles avait suscité en Occident; il se passionnait, avec ses contemporains, en faveur d'une intervention armée en Terre Sainte, et subissant ï'entraine- meut de l'opinion publique, il se fit, dans mio série de travaux, l'interprète des sentiments qui animaient la chrétienté*.
Les idées de Dubois ne sont pas. à proprement parler, personnelles; il s'est assimilé, pour les vuli^ariser, celles de ses conlemporains. Mais ce <[m lui appartient en propre, c'est la hardiesse du théoricien, la déliance coutre la cour deKome qui perce à chaque page, l'abus des citations etFac- curaulation des idées accessoires, qui dénotent le légiste» sou- vent au détrinienl de la clarté de la pensée. C'est surtout un vil* amour pour la France et pour la grandeur de ses destinées; ce sentiment éclate au grand jour dans le traite De HecHpe^ rtttione Tepr,r Smict,r, qui, quoique dédié au roi d'Angleterre, met constamment en scène l^hilippe le Del, n'est écrit que pour lui, et ne s'inspire que de la politique do ce dernier.
1. Boutaric. La i'ranee xoiut Philippe le Hel, p. 41Û-1.
2. Ces pampbipts uni iHô ptililirs. I.b pfeniier, fMi latin, conseillo la création on Orinnt d'un royaunie puiir Philippe !r bori^;. Il a été édité par DaUizr iVitti poparum Avmionensittin, u, lBfî-y5). Le deuxième, (^g'nlrmnnt en lutin, rt dont la conipusitiun tw rapporte aux premicru mois de l'annép 1:îO'*, nst Inlituté: f/e Rentpentlione TfrrtP Sanctœ (éd. Itongai*:!!, (ieKta Dei per Francox, n, Ul(i-61|. Il Giit très développé, et est diVdié au rui d Arifflclerre. Kdouunl i. M. l^oiitaric a parfaîte- incnt établi la Hlialioti de eett mémuire^ dans: \oiiceit et fSxtraits dt dvtTumentâ inétiili relalifâ à l'hintûire de France xouê Philippe le lieU p. 85-y3.
50
PROJETS rtK PITIIJPPE LK BEL.
Lfis conseils douués par Dnbois sont de plus d'une sorte ; ils portent sur les réformes indispensables dans l'Rglise et dans la sociôtéj avant toute croisaile; ils visent aussi la
^ marche de rexpédition projetôe. mais avec moins d'insis- tance, car l'auteur n'est vraiment â l'aise que sur le terrain politique, se plaisanta deviner les mobiles auxquels obéissent les cours européennes et à les faire servir un but qu'il pn''-
\ conise. La partie politique, U»s réformes nécessaires, surtout dans le domaine religieux, le préoccupent spécialement : c'est la partie neuve et originale de son œuvre.
IHibois. pour éviter les difficultés inhérentes au transport par nter d nue grande tjuantité ilo clievaux. recommande Ja roule de terre ; Taulorisation, ilit-il, de faire traverser aux contingents allemands, hongrois el grecs, les états de l'em- pereur Faléologue et des autres princes de celle rt'gion, sera facilement obtenue. Les Fram;ais, les Anglais, les Espa- gnols et les Italiens s'embarqueront, ou tout au moins ceux d'entre enx qui ne redouteroTit pas la mer. Mais ce point n'a pour l'auteur qu'une iniportanie secondaire; du plan d'opé- rations militaires, il ne dit rien ; à peine conseille-t-il d'em- ployer en Terre Sainte les soldats suivant les aptitudes particulières à chaque race, et de mettre à la tête de chaque cité un chef itiitr helli), ayant sous ses ordres des lieutenants {cettUtrionfs), â chacun desquels obéiront huit escouades {co- /lories) de douze liLinimes chacune. Les préférences du con- seiller de Philippe IV sont ailleurs ; il n'est pas militaire, mais légiste et pamph)étaii*e, et, en cette qualité, donne â SOS préoccupations favorites la place d'honneur dans son travail.
La discorde et la désorganisation, selon Dubois, i-èguent partout en Europe ; le siècle et le clergé sont en proie à ces deux maux qui rendent impossible toute tentative d'inter- vention dans le Levant; c'est donc à les faire disparaître que tendront les premiers effort^^. Ou C(M^ des laïques, la conçoive devra être rétablie parmi les princes clu'étieus, toujours en querelle les uns contre les autres. N'a-t-on pas vu les dis- sentiments des Allemands et des Espagnols paralyser toute tentative d'expédition? Ne sait-on pas (jue les puissances ita- liennes, Venise, tténes, Pise, les Etats Lombards et les Toscans^ ont, par leurs rivalités, fait échouer Tomvre de la croisade # A célé dvs princes, il un va do même des parti-
t
nKSOBr.AMSATION DE LA ROCTKTE.
il
culiers ; la guerre intérieure est partout ; un pareil état de choses cessem à rondition d'èdirter les peines les plus sé- vères contre ceux qui prendront les armes, deronfisquor leurs biens tït d'utiliser leur humeur bidliiiucuse au profit de la conquête des Lieux Saints, en leur imposant la croisade ciininie expiation de leur désobéissance. L'Kglise n'échappe pas au mal qui mine la société laïque ; elle est desorganisée. L'œuvre du concile sera de la réformer et de rt'^tablir la paix au sein du clergé. Dulmis, eiï ennemi du Saint-Siège, se plaît à signaler tous les points faibles et le remède qu'il convient d'appliquer; mais peut-être un parti -pris d'hostilité l*entraiue-t-il parfois au delà de la vérité; jamais il ne résiste au plaisir de dire sou fait au souverain pontife. Qwoi qu'il en soil, du reste, la partialité de l'auteur tie mo- difie on rien la vérité des conchisions qu'il pose, et il a raison d'atfirmer qu'en présence de la désorganisation de la société religieuse et civile, aucune expédition en Terre Sainte ne pourra être tentée avant d'avoir rétabli la paix et la concorde dans l'Eglise comme parmi les laïques.
Au point de vue financier, les idées de Dubois nnt une valeur particulière ; il se préoccupe de créer des ressources pour la croisade, et d'assurer, en cas de succès, d'ime façon penuanente. le service des finances dans les territoires con- quis. Ce sont d'abord les biens des ordres militaires on Occi- dent qui, afTermés et donnés en oniphytéose, fourniront 800000 livres t»«urnois ]i!ir an ; cette somme fera face aux frais de noiis et d'approvisionnements *, C'est ensuite un quan- tième à prélever sur les biens des ecclésiastiques à leur mort (1/2 pour les cardiiianx. l/'i pour les clercs, la totalité pour les clercs morts sans avoir testé). C'est enfin l'abandon, con- senti par le Saint-Siège â l'ujuvre de la croisade, de tous les legs caducs, de toutes les restitutions et de toutes les res- sources sans affectatinn spéciale.
On est étonné de trouver, dans le mémoire de Dubois, un
1. Dubois proposa de réunir les ordres militaires, réduits À leurs jiosspssioiis (le Terre Sainte et de Chypre (H<JipitaIiei's, Templier», l.iunristo-(;, pour servir de noyau auK efTorts chn'licns; quelqneii luméeii phu tanl, le procès des Tempïiei's rtaiil d('*j.'i résolu, il renou- vela »a proposition, mais en exceptant do son projet Popiire du Temple pour lequel il n'avait alorii que mi'^pris rt colère.
r^o
PROJETS DE PHlI.tPPK I.E HEL
él^mout auquel ses devauciers avaient peu songé, la préoc- cupation de coloniser le pays. Dans ce but, l'auteur demande qu'en môme temps 0^110 les hommes d'armes, leurs femmes fassent partie du passage et s'établissent en Palestine. Grâce à elles, l'œuvre do colonisation aura une base solide et pourra i-éussir. Enfin, pour profiter de leur influence, on maintiendra le mariage des clercs en Orietit. et on développera les écoles de filles et de garçons. Cette dernière institution est un reHet direct des idées de Rayinutid Lnll ; Dubois les a reprises et développées longuement : plan d'éducation différent pour les garroas et pour les îilles ; ensei<;;nemcnt du grec, du latin et de l'arabe ; création de deux, écoles dans chaque prieuré du Temple ou de THôpital, avec affectation des revenus a l'en- tretien di»s écoles et des maîtres, rien n'est omis; les ouvrages même à employer dans l'éducation sont nnnutieusement in- diqués. Dans la pensée de l'auteur, comme dans celle de Raymond Lull, le but principnl fie ces écoles sera de faciliter Tunion des églises grecque et romaine, qui préoccupe depuis des siècles le monde catlinlique, en donnant à ceux qui de- vront tenter de la nègocir'r, la pratii|in» de la langue arabe sans laqaelli' li'urs eliorts resteraient infructueux.
Mais comment réaliser de pareils projets? Une autorité seule, celle d'un concile général, sera assez écoutée pour les faire accepter et exécuter par la chrétienté; quidle autre puissance, en effet, saura mettre fin à la guerre (|ui désole l*Kspagne. attribuer à Alphonse, l'aîné îles fils de Ferdinand. le royaume de Grenade, au cadet le Portugal, et maintenir à l'usurpateur D. Juan U'. troue iU\ Castîtle au délrimentde ses neveux, à charge d'aider Alphonse à chasser les Sairasins de ses nouveaux étals? Qui, en deh'us du pape, groupera les rois d'Aragon, de Navarrci et do Majorque dans une mémo alliance, .•^yanl pour but la conquête île Grenadin en faveur d'Alphonse? Qui encore, après la défaite des Maures, en- traînera ces n>is à la croisade, forcera U* Langued»»* à lever une armée assez forte pour conquérir la Sardaîgne à l'Védéri*! d*Aragon, et pour obliger celui-ci on échange de la royauté de cette ile, â rendro l;t Sicile à son légilinu* possesscui-, b* roi ilo Naplrs?Qui décidera Paléologiu» et l'empereur d'Allemagne â prêter leur concimrs à l'entreprise? Le Sainl-Siégo peut seul obtenir de pareils résultais, et Pidjois, avec la foi du tbénricicii. u'i'h doiitt» pas un iiislanl. Il distribue à sou grû
CREATiON l) C.N UOÏALME CIIRKTIE.N E.N ORIENT.
53
les royiUiiiK's ('t les èinin di' l'Eiiropo. Aiisaiit h la France la. paii la plus large, sans st* iloiiler (jm* (Il's rircoiislaiit;t's im- prévnos poiirrniciii lioiilovorsor Iph combinaisons sur l<'S(|uelles il a èVùyè ses projets. Ça*\U' conHanco do l'auloui* dans le stircès de h»?s iLèories, niênie les plus nsêes, osl le i-'araclèrc disliiiclif (les ouvrages de Dubois.
Ce caractère est plus luaîiileste encore dans le projet do Pivation il'un royaume ehrètien en Orient, en faveur de Phi- lippe If Long, second tils du nii de France (vers 1308 . On comprend combien de diiîicuitès une pareille conception de- vait rencontrer ; àenl<Mulre ranleur, aucune n'était à ^^(lind^^ La ron(|nête de IKirApte lui parait facile, en raison de la situation gèograpliit^ue du pays; les cotes sont propices à un débartjuemeni, el les habitants peu i*edonlables au point de vue militaire; ou rendra encore la t:\cîie plus aisée en divi- sant l'expédition en deux corps ; le piemier, débîU'tjuant d'abord du CMÎté d'Acre, fera une diversion puissante ; les iuHdèles seront forcés de dégarnir l'Egypte pour résister à l'attaque dos Chrétiens en E^ilestine, et la seconde année pro- fitem de cette circonslJince pour prendre terre sans résistance dans le Delta du Nil. Une fois conquis, le pays n'est pas ditbcile â gai'der ; ses revenus, évalués à soixante niiUe be- nantâ d'or, reprêsentiuit trois millions six cent mille tlorîns par an, sntïîroni à faire vivre le nouveau royaume ; l'union des ordres niililaii'cs, sous b* coiumandemont suprènie *lu roi de Chypre, crit^ra aux portes de l'Asie^ Mineure nue force red-mlable. avec la(pielle les Suirasins devront compter et dont la cause chrétienne tirera les jdiis grands avantages, louant aux biens des Templiers, — dont Tautour rejette le concours personnel. — on les appliquera aux frais de l'expé- dition: ils serviront à é(|uip4*r une tloU<' d'une centaine de voiles, destinée ;ï ruiner, par des ini-ui'sions répétéi'S, le littoral de la Syrie, et à interrompre tout coninterce entre l'Occident »H les pays musulmans, an grand détriment <1iî ces derniers.
Ces vues, il est vrai, uv différent pas de celles que nous avons vti émettn* chaque fois qu'une croisade a occupé Tatten- tioit publique ; elles n'ont, en elles-nièine, rien d'impraticable, mai» on sait t|iirllc distann- sépare, dans de pareilles entre- prises, la théorie de la |)ralique. Pouss;ini à l'extrénn^ les romiêqnenees do son projet, Dubois n'est pas éloigné decroirû qu'en présence du couronnement de Philippe le Long par le
54
PROJKTS l)K niIl.llM'E LE
pape fommo roi d'Acre, du Cilin^ d'Kj^ypte et de SjTie, 1«* suUtiii no préfère eé<ler sans eoinbaL ù son eunemi les ter- ritoires tlutJl la royauté lui aura êlê conférée. C'est là une généreuse illusion. Ohji'eti:-t-(iii ù Dubois les ditticidiès poli- tiques qiu' suscilrra l'établissemenl du nouveau royaume, il a réponse à tout. Philippe n'a pas dr' droits à f:ure valnjr pour légitimer sa confjuête? Il se fera céder ceux ijue le comte d'Eu n'exerce pas '. Lo roi do Sicile', en échange d*nne com- pensation pécuniaire, .sera heureux de renoncer n dt*s piv- tentious rjue ta cour des barons de l'ancien royaume de Jérusalem a rejetées autrefois'; mais s*il refusait cette re- nonciation, la promesse du royaume de Tunis, voisin de la Sicile, finrail raison des hésitations do Cliarles il'Anjou. Quant an r4ïi de Chypi^s Henri n. veuf et sans enfants» s;Lns trésor, menacé par son frère Auiaury, prince de Tyr, dans la possession de ses étals, et absorbe pur les pnititpu's reli- gietises. il ne saurait refiiser la grande maîti'ise des ordres militaires, rétablis vl réunis en sa favem*; si c(*[tetidîint ce prince uenïrair pas dans les vues ilu rui de Kroice, ou ferait agir contre hii, soit le roi de Si<-ile. soit le eomie d'Ru, dont les revendications à la counnuie di' <'liy|»re enlrai- neraient l'accepialion de Henri ji. Kntin ranibiiion d'Amaury de Tyr. serait facilement apaiséo par lu cession 'l'un richo citmté en Palestine.
De pan'ils plans étaient irréalisables; destinés à préparer roiiinion prdili(jue, ilsn'avaienl pas un caraclèr*' prallipu* suffi- sant pour rlécider une intervention dans les cous^mIs du ifon- vernement. Le nu de France le comprit, et, au milieu des embarras intérieurs da royaume, .•Hinnir suite ne fui dntinée aux projeis âr Dubois.
L'idée d'une croisade, cependant, occupait toujours les
1. Itaoul de Hricnne, comte irEti. connétable de Kraiice. lue ditns un tDuriii»! n\ i:U.~». n'avait aucun droit à la cuumtine île JêriiKalem ni deriiyprw. lïjms l'iirdre de» revendications fanlaisiMcs. il aurait pu indirjiier uni' parenté éloîgni?io avec Mariude l.uaigiinn^ sieur d'Menri i, fi3mmp de (îaiilif^r, comte de Rrienne et de .Talla, et iievou du rui do Jcrusalrni, Jfan de nrieurie,
2. Cliarlch n d'Anjou, mi de Naples.
'.i. Nous aviins vu pluti haut que <'liarles i d'Anjou avait acheté les droits de Marie ti*.\utiot'lie, nièce de Hugues m, au tnuie de Jérusalem.
AVIS DU GRAND-MAITRE I>C TEMPLE.
DO
*
s; PhilipiR* le Bel, dès ijim- l'horizon p*>lili(iiie seclair- l'issnii t-n Fnmn*, «''lait \v jn-fiiii^T :'t si- iirôoccuijer de la ilupRlion de la Terro Sainte. Il n'avait pns, il est vrai, le ilcssfin de so ni<'tlro pi'r.soinitdli'iiK'iit à la tOîtiMh^l'entn^pnse; DubiiÎH lui avait fail roju|nvu(iri' (iiic la prHsencf du roi en France èUiil in*lispi*nsaMe^; iiuiiHil songoait à donner la direc- tion do la rndsade à un prince du sang royal.
Si la svn)|)athi»> t\f l'Occiiient m fav4'iir dfs Chrétiens dOrieut iio st* ralenlissait pas, c'est aux HospilalirT.s (|ii'en revenait l'honnenr ; ceux-ci, eu ofTet. par leurs appels ré- pètï^s, entretenaient l'attention de l'Europe, et demaudaieiif, à grands cris l'appui des puissances oci'identalos pour t'omier ilans l'Archipid nn ètul)lissenieul dêtinilif, bouUîvard de la chKHieulé contre l'islamisme. Pour aviser aux mesures à prendre. Clènn.^nt v avait mandé auprès de lui à Poitiers ^1307) les *?rands-niaitres de l'Hôpital et du Tem])le; Foulques de Villaret et Jacfjnes de Molay, consultés, avaient éclairé le pontife sur la situation en Orient.
Molay se prononça eatégorîqnement poui* un passage géné- ral en Orient, et rejeta absolument l'envoi de renforts que lieaucnup <*onsi(léraieni comme sullisauls'. Sans point d'appui en Asie Mineure, disait-il, puisque les enlisés u'y possédaient plus ni ville, ni château, ni forteresse, les secours isolés ne pouvaient être d'iiiiiiinc utilité; il ajnut;iii, dans l'hypothèse iMi ils seraient fvpé<liés(^n Arménie pour déf'ciidn^ ce pays et en faire la based'o[M''rati(ms militaires ultérieures, qu'iuu^ pareille cnh'i'prisc norail (émérairesi l'armée de renfort n'était [las mi- niéritpioment en étûl d»* résister aux foires du sondan d'E^'yptê ;
1. Dans le ïnénioirc sur le pi*o)ol de créution d'un royaume d'Orient que nous venons d'iutalyser.
2. l/avis du grniid-maftro du Tcmplo a été édité par Italuîo (Vila ftap. Avinion.. n, 176-H0.\ ainsi que le mémoire sur l'union projetée des ordres du Tcmjilp et de riïfSpitiil (Vila jmp. Avininn.^ n, 1K0-5). boluzo ojïsi^ne à tort la dîiTe de l'.Ilt i\ ces ilucuments; ils se rap- portent roUairirmoint à \M)', coiiuno l'a rciiuirqué Hotitan'c (Clément V, Phih'fipfl te lietrt k* Trmpli'rrXy p. S5i. On pHut menu^ assigner au prrniifT denlrc eux uuc ihilc aritérietiriN >ti l'on observe rpuî Roger de l,oria, oiti^ dans ce im^muire, inonnit nn t:ior.. Il ho peut repeudant que la mort de l'aniiral, survrnne à Valetire où il vivait dans la re- traito. ait (^n'-liinnituie i*n i:t07 ;i Mulay ; il ^'^t pUis [)roIiîi.bIe que l'envol du inémoiiv au pa|>e précéda de quelques moi» la venue du griuid- maitro à Poitjrr».
56
PROJETS DE PHILIPPE LE BEL
ce qui était eu fait n^venir au projet d'un passage général. Il in- sistait eufin sur les iueonvénienîsfrnn iléharijueiiuMit on Armé- nie: dangers du climat ', impossibilité de faire la gnr'rri^ à côlé des troupes indigènes ([ui ont un iuod(* de eomballre tout difle- reul d(* celui des Occiilont^ux. et surtout défiance des popula- tions à l'égard des « Kranrs »'. QtianI aux voies et moyens à suivre pour riîXpêdition, J;u'i[nes de Molay demandait le con- cours dos rois d<! Kram-e, d'Arjgleterre, d'Allemagne, d<^ Sicile. d'Aragon et. de raslilk-, et imur It» transport des Iroupes par mer, celui des puissaiicus marilinu's italiennes; mais il recommandait spécialement l'usage de grands bàliinejits, ]>rén''riibli's aux galérrs et moins eliers qu'elli-s. L'efftxtif de larmée cliréiicnui' devait se composer d'an moins quinze mille hommes d'armes et cinquante mille fantassins; cette évaluation n-posail sur d*'s bases eiuprnnléï's à rrq>iriion du sulUin Hibars, {\\u d<'s meilleurs boiinm-s de gni-rn- que les Musuluums aient (m à leur tête*. La question du débarqiie- nienl îles croisés, d'une importance capitale, uiérilaii d'être discutée de vive voix ; mais, quel que fût le point désigné poiu- cette opération, un repos préalable de quelques jours à Chypre ne pouvait offrir que de sérieux avantag«:'s. Legrand- niaitre, en outre, conseilhiit, avant le passagi' général, d'envoyer une escadre <le dix galères dans les ennx de Chypri-, sous le couunandomrfit d'un amiral éprouvé; elle dt^vait tenir la mer et arrêter les m;ir(li;inds chrétiens qui ne craignaient pas, au mépris des prolùbilions les plus solennelles, de com- mercer avec les infidèles et de leur l'ournir les armes el lus bois dont ceux-ci manquaient. Le commandement de. cette llottilU^ ne jionvait être attribué aux cbel'"< di's (U*di*es mili- t-aires sans danger d'allii'er sur eux le ressonlimeut des répu- bliques de Gènes et de Venise, partictdièreiuent intéressées
1. Cette observation a toujours été faite contre l'Arménie au moyen Age.
2. « Si Kr:\nci ei>»ent in Arnienia vt indigerrnt rvfuiiçio, Anneni non " receptapcnteus in aliquoca.slro v«l fortalitia sua, quia somperUubiîa- a verunt etilubilant no Kranri auferanleis terram » (ItaluKo, ViOt pnp. Avinion., u. 177).
il. llibar» (1261-1277) dit&ait qu'il était eu mesure de r(''sisior à (rente mille Tartart's. mais qu'il cc'ilfrail le i-lmmp de bataille h une armée de f|iiinze mille hommes ti'arnifs chrétiens (Haliue, Vt'fn pttp. Avinion.j u, 178;.
KLSION DES OKl>RKS Mll.ITAÎRKS.
au développement de la controh.inile de ^^u[>rre avec I<*s Sar- rasins. Lo iioin de l'amirul aragoiiaïs Roger de Loria\ universellement célèbre en Eurnpe, semblait rallier tous les suffrages et faire tomber touUîs le.s obje<*tions. Loria avait toutes les qualités d'un chef d'(»scadre, et pîirticuliêreraeut l'in- dépeudauce du caractère; car. dans la relnute (ji"! il vivait, il était également hostile auK cours de Naples, de Païenne et il'Aragon. Jacques de Molay proposait au souverain pontife' de lui confier la direction des opérations maritimos,
En même leuips, le moine Hajloii, île la famille des princes de Liiuipriin. en Arménie, présentait à Clément v à Poiticr» (août 1307) y Histoire des Tar(arrs, ([uil venait de composer à l'insligatiou du pape, et dans la(|iielle, à côté de ce qu'il savait des mœurs et des actions de ces peuples, il donnait au Saint-Siège le conseil d'anafitier les infidèles en s'appuyant »ur les Tartares ei en prenant lerre eu Arménie, Un pan^il avis, dont les conclusions étaient contraires à celles quo le pontife avait déjà recueillies, ne rencimtra que peu de par- tisans; le débartpiement on Arménie offrait trop de drtngers pour être fulopté*.
l'ne autre question préoccupait, au mémo momeiil, l'Kurope chrétienne, celle de la fusion des ordres nulilairos. Saint Louis, Grégoire x nu mucilc rlr I-y<iii (Ï"J74). Charles n do Sicih^ avaient songé à cette mesure; Nicolas iv et liuniface viii l'avaient étudiée sans raccomplir ' ; Dubois l'avait transformée nn proposant d'appliquer à l'œuvre de TeiTe Sainte les re- venus dont ces riches associations jouissaient eu Occident'. Loj* meilleurs esprits croyaient qu'on agirait utilement eu muiissiinl les deux principaux ordres institués pour la rlé- feuse de la Terre Sainle. On les ;ivait vu-^. obéissant à une
1. Là carrière de Itoger (îr U)rin. à la \ùtv dos flottes d'Aragon, pendant ks viujit di^niièios auiu'-es du \ui« siècle, fut des plus brillantes. Tour à tuur il triuinphu dus Angevins de Naplrs, des Kraiicais en Catalogue n sur les cûIl's du Laufcuedoc, cl des Sicilitius cri 1302. Apr6» la paix de ('altabcllottu, il m retira à Valence on K!spa)foc; il y niuurut en KiO<î.
2. te mt^moire a été ri>sumé par Vcriot, Jiintmte den Chevalirrs de Maitf (Od. de I"8| n, 5.'>-T.
3. Le lecteur tnjuvora plus bas, au chapitre suivant, re qui nui- cepue les projeta d'H.tytou.
\. Voir plus haut le cliapitrc i, pages 17-8. 5. Voir plus haut, page 51.
PROJETS DK PlïJMPPE LE BEL.
direction différente, compromettre par leurs divisions le salut des possessions chrétiennes dans le Levant; on sotipronnait même la loyauté cl la fiiiélité il<*s Ti'inpliiTs, et la rivalité des d<Mix niilit'es avait pris de telles proportions (iii'il semblait urgent d'aviser. Clément v, sollicité de toutes parts, ii'igno- rani pas le^ pn»jetH de spoliatimi nourris par Philippe le Bel ri>]itre le Temple, consulta Jacfpies de Molay surTopportu- nité de cette fusion {Ï307}. Le grand-maître, comme on devait le prévoir, si* déclara hostile à Inute tentative en Ce sens, mais I(>s raisons t|u'i! Hl valoir était-ut loin ^l'être déci- Hives : il craignait les rouHiis que ne nui]ii|ueraient pas de faire naître la différence des deux règles, la ijucstion de |)réséance entre les meuihres des deux religions, les rivalités dont les effets désastreux s'étaient maintes fois déjà mani- festés ; tout bien pesé, il déclarait que les inconvénients d'un nouvel état de choses seraient supérieiu's aux avantages espérés. Kn ce qui touchait le bétiélice qu'un rapprochement entre les deux ordres pouvait procurer à la chrétienté dîins sa lutte contres les Musninians, h* uiéniuire de Jacques de Molay restait mnet. (_^léiuent v ne décida rien ; mais le roi ih' l'Vance se chargea bientôt, en arrachant au SainlrSiège l'aholition des Templiers, de donner à cette question une sohi- tion sans réplique V
Le gi'and-maîlre de lHôpilal avait, en présence du suinl- pére, très vivement insisté sur Turgence de secourir la Terre Sainte ; il avait montré fpH- les Hns[)italiprs restaient seuls dans le Levant à dcfendn' la ratisi^ eatholique e1 ;ï donner aux populations chrétieimes un point d'appui et de résistance «■outre It's infidèles ; qu'il fallait encoiu'ager leurs ofTuts et leur fournir le iu< «yen rlo n-ntrer en Pîtlestîno. C'est pour répondro h ces snljicîtations qu'à deux reprises (0 juin i\l 27 octobre 1309) Cléinent v exhorta Philipi^e le Btd :\ pixmdre la cndx*. et que les rois d'Aragon etd'Auyleterre pci- mirent aux grands-nuuti*es du Temple et de l'Hôpital de tirt»r lie leurs états les armes, chevaux, mïitel()1s et approvision- iienu*nts nécessaires à l'expédii ion projcté<M 1 3011 V Kmouragé
1. Huluxe. Vitit pap. Avinion*^ U, lHO-5 ; — Vertol, //isluùr ticx flhfvnfitrrs de MnUv, ii, 5»-6*i.
2. Bulles t Mtor Iuhî • ot i In a'tcmilBlPs perpétuas t, dans Bnlu£(^ X'ila ftap. Avinion.t u, l'^y^t I ifi.
J. l). M. V. de .NavaiTCte, DiserUmon ftixtoriva tobre /« pttrlc tfue
PREPARATIFS DU GRAND-MAITRE DE 1. HOPITAL.
59
'
par ces premitM's résultais, Foulques rk» Villaret pousse acli- vomuul k's [irêpaïutifs do la croisjuit'; lous ks porls de* la [édilerranée coaslniisont des galères pour k* passage ; ce sont cin)|uanto vaisseaux qn(î fourniront les chantiers du la Oatalfifiuc. fU' Narhonne. de Mars(»ill(% do Gènes, de Pi»e ot de Venise, Kn outre, avant la Hotte, une escaiïre, eompospe d'une dizaine de voiles, sera on mesure de prendi*e la mur et de préparer l'an'ivée des croisés. Des chevaux ont été achetés eu Kspajjue; la Sicile, l'Apiilif, la Provence et la Catalogne ont fourni des approvisionnements, des armes et des hommes; cinq cents frères de THôpital sont convoqués à Avignon pour passer en Orient avec la croisade ; Tordre a pris dos en- gagements pécuniaires puui' faire face aux d*îpenses de rexpêditionV
Fendant ce k^mps le concilia de Vienne se réunit (1:111). C'est lui qui doit proclamer la croisade ; pour s'éclairer sur l'état do la Palesline et sur la nicilleure direction à donner à l'iMitreprise, pour guider ses iléliliéivitinns, il s'est en- D»iu*é des avis les plus couipétenls. HuïHauiiie do Nogaret, le conseilhîr le plus écouté de Philijjpe le Bel, a ré- digé un nu'*nioire dans lequel il a envisagé la possibilité dv rexpéditioii, et les ressources pécuniaires qu'eîle exif^e ; le roi de Chypre, do son côté, s'est expliqué sur la marche den opérations militaires et maritimes avec une précision rniniilicjise. mettant ainsi les prélats eu mesure de se pro- noncer en complète cunnaissance fie cause.
Nogaret, inlerprêtï* des senlimiMils du roi d<> Krauce, do- manile la suppression dos Templiers, cause de tous les tualheurt d''Hitre-intM\ la direction supième de l'iMidi^prist' pour Philippe h' Hid, et la fixali«ui de celle-ci à une èpcjque a-isez éltdguée pour qtie les préparatifs nécessaires puissent avoir été faits. La tâche, dil-il, est plus diHîeilo (pinn ne le croil généralement; les Sarrasins snut d'une valeur éprouvée;
li'turron lu< /-^sfiniuilfs en Ihm ifwrrutc tic VHramar... dans : Mouioria» df la It. A**, de la llihtoria (Mailrid, IKïTi, v, p. .i^i: — S. Pauli: Cotttce fiijtUimaUco tlciêmru itntH'ir ordine GerosulîmitaHO (Lucque». I73i*-7t,
u. 2'i-a.
1. 2T janvier [t:n 1], PihC. Lettre du grand-niaitro i^ PhilipiM» le lï<"I ; ce Ucrni'T nViait plaint di* n'etit» p.n Hmui au courant des prt''paratifs (\rcli. nat., J, V'i2, n»» l.'ij. V. Piéros justilicaiivr;;. n-* i,
60 PRdJKTS IJK PinUl'l'K ht: bki..
î!s sont niîiiti'os de touto la Palestine, ol los nègociauls Hin'uions qui coinnicrcout avt.'c eux leur ont fourni los ai'nies ri h's appriivisinimeiiiciiis (loiit ils niamniîiU'nt. Pour Lriouw pher do. pareils eutiomis, la chi'ètiouté devra rcdoubirr d'(»fiorls, ot, rodovonuo maîtresse des Lieux Saints, ne rien nt*'gli^fr ]MH,ir main'pjiir sos avanlairos, t'(jmbler les vides causés dans ses rai]y:s par la lualudi*.' et la uiorl, et créer des ressources pour soutenir sa couquètt) pendant do longues années. Los fonds nécossaires à rex[)éditioji sm-ont faiis par une conUilmiion lovéi* on Kranec, dans et! hiil. sons la suneillance royale, par l'afffctalion des biens du Temple à Tffiuvre de la croisade, par les revenus des autres ordres militaires, excédant les besoins de leurs communanlés res- pectives, et par une imposition mise sur TEglise entière. On attribn<Ta égalpm(ml à la croisade les revenus des prieurés, des bêiiélices 4lans lesquels le culte n'est pas célébi*ê et ceux des monastères oil l'hospitalité n'absorbe pas tous les fonds qui lui sontdestiiiés; onûn, dans toute? la chrétienté. tous les legs faits à l'Eglise sans désignalion spéciale, les revenus d'un eanonical par diocèse, et ceux des Ijénéfices vacants pendant la pretniêro année de la vacance, seront consacrés à aiigmejUi-r les ressources fournies par les indul- gences, le rachat des vœux et toutes les mesures dont Nogiu-et s'est fait riuspirateiu" '.
Les considérations politiques sont à p(>ine ettleurées dans le mémoire d*' Nogarel. Alliance avec les Tartares, dénuu*ches à tenter anprès de IVniipereur grec pour obtenir sou concours, négociai ions avec les cités ilalienues pour i|u'elles ne soient pas un oMibaiTas ou nu obstacle à l'expi^dilinu. sont li's seuls points qu(» Nogaret signale ; mais il iusisK? à plusieurs nqnisrs pour demander au concile d'allribuer à Philippe hi Bel la levw des impots nouveaux et ladminislration di's fomls re- cueillis en vue de la croisade. Cette insistiiucc marque-t-elle
1. Iloutaric, Xntififii ri E'^ttniitx de tioirmuettts irn^ttils relatifs à i'/itêlinrr iJf Frnnve 9uhx HiHipfn' ff fiel, ji. Il7-2:t. Ce luémoiro a i^tê analyw* ou <pielques lignes ])ar M»s Latrir (/fisluirc tir ("hijjtre, u, l*JK-îi). I.n rnrini' uuteiir n résumé, en qiiflqiics mots, un mémoire do IWMiuit ÏCarrhariii, amiral de Kninc*', mai> et' mt^moiro n'a pus trîiit, l'oinnic I*a rru Mas Latrie, » la fi*t)isadt'. mais à un projet do débar- ijucment (NI An^riotcrre. Ceci explique pourquoi ii»us n'uvuns pas à nous on occujhîp ici.
OPINION DU ROr DK CHYPRE.
«l
les %Tai3 sentiments do Philippe lo Bel, moins rtésiroux de prondn» la croix (|un d'avoir eniiv les mains des finanr<s considérables, dont il puunait. dans la suite, disposer à son
L'avis du roi do Chypre ent celui H'ini lioinnie do guerre; avw Nogaret, nous avons vu comuioiit la tToisadc devait i^lre prêparôp; Henri ii nous indique comment elle de^Ta être conduite'. Comme Foulijues do Villaret, et jjour les mêmes niisoiis. il flemande )|u'une escadre, forte de quinze à vingt navires, portant un corps de débarquement composé surtout d'arbalétriers, précède l'expéHittdn principîde. Lo rùle de (M*tle avant-gai'do sera considérable ; elle empêchera les faux chrétiens, qui ne craignent pas de fournir aux Musulmans leurs meilleurs soldats, le buis, le fer, la poix et les vi^TOs druit ils ont iiesoin. de continuer ce commerce sacrilège"; par des incursions répétées sur les cAtes de Syrie et d'Egyptp «die IVra le plus grand mal aux infidèles. Le roi de Chypre, par son expérience personnelle, sait quels donimages on peut d*» la sort*^ leur intliger, et (wtime qu'une pareille croisière, maintimuo pendant quelques années, suffirait à ruiner abso- lumiMit l'Egypto ; mais, pom* réussir, l'escadre <U^\vii être indépendante; la moindre attache avec les républiques mari- times dt^ l'Italie lui ôterait toute liberté d)' iiioiivemerits et compromettrait le succès.
Le terrain préparé, l'expédition principale mettra à la voile û ilestinalitm de Chypre, s'y reposera quelques jours, et n^preiidra la mer en route pour l'Egypte. Cette halte n'aura que «les avantages, car elle pei-tiiettra à rarmé<' de se com- pléter, de refcn'iner ses cadres à l'abri de tout danger, de .se renforcer des contingents chypriotes, sans que le soudan puisse deviner sou objeclif. Chypn», en effet, est un point
1. Le mémoire du roi de Chypre fut apporté avi twiciic par Jacques de Cusiatis, chanoine dWncone, et Simon de (armadino. Il est Mit«^ Mas Latrie, Histoire de Chypre, n, 118-25.
E. t> point fait l'objet des n'criminations de tous ceux qui ont eu 'oro^on de se pnmoncer sur 'Ion conditions d'une îutepvontion chré- tienne en Orient. Malgré des prohibitions rt^pêlées, ce commerce con- tinua à se fairo onvcrtcntftnt. Menri n diuu;inrîo, ici mùme, l'aggra* vallon des peines pnicéthMnniont édictées contre les muli chriJitinni par l'autorité |>ontificale. V. Miis Latrie, //istoire <te Chypre^ ii. l'J5-8.
PROJETS DB PHrLIDPE LK BEI..
rentrai d'où elle pouira se diriger aussi bieu vers rArménio et la Syrir* que vers l'Efry|ito. DôbiannuM* on Artnénio serait une fautfî capitale ; le climat y est fatal aux Européens, et une marche par terre d'Arménie en Syrie présenterait des flifficultés <\o toutes sortes ; à plus forte niison. si les ChrétiMns VDulnicni, par cette vùi», marcher directement sur le Caire, les obstriï'les deviendraient insurmontables. Le dèbarquemeiit en Syrio n'd^Trirait jjas. il est vrai, les mémos iui-niivéuicnts. mais il priverai! rariaée des avanla^rs ((u'idle ln>uvt»i'a ou preuaul terre en Egypte. Pourquoi, eu effet, envahir la Syiûe, lijrsqiie les Tartanes, liuiilrf)|ihps de celte province, peuvent, par nue simple prise d'ai'mos, immobiliser toutes les forces musulmanes de Palestine, et, en se joignant à une démoaslratioi) parti*' de Chypre, empêcher les garnisons syriennes de secourir l'Egypte menacée? Si les CJirétiens débarquent cm Syrie, le secours des Tari ares devient moins efficace, le simdau rappelle ses troupes d'Egyptr, et se trouve à la tète de toutes sos forces, massées eu une seule armée, pour résister à l'invasion. En Egypte, au contraire, la croi- sade trouvera des subsistances et un pays fertile. Victorieuse, elle aura les vents propices pour gagner la Syrie en cinq ou six jours; le plus fort de sa tàclio sera accompli, et, l'Egypte conquise, la résistance de la S^xie ne sera pas redoutable. Le Soudan, en effet, n'a jamais eu plus de soixante mille hcirnnies dans ce pays, dont un tiers seulement de bonnes troupes; les guerres fréqueutivs qu'il a eu à soutenir contre les Tartares ont beaucoup diminué cet effectif, et la force des contingents musulmans est très inférieure au chiffre énoncé ici. L'Egypte de\Ta donc être prise comme r»bjectif de la croisade. L'opinion de Henri ii conlirmait, avec l'autorité de l'expérience et du raisouiiemeiit le plus rigoureux, les vues émises depuis uu demi siècle jtar le^* hommes qui avaient eu occasion de donner leur avis sur la route à tracer aux croisé.s. Ces avis, dans leurs lignes princtpalrs. tlifféraii'ut peu les uns des autres. Il n'en fut pas de itièiuu du pmjel de Guil- laume d'Adam; Tauteur, un dominicain dont l'existence fut consacrée à prêcher l'évangile en Orient jusque lîans l'Inde et TEthiopte, et (pii fut lart'hevéfpie d<' Sultanitdi, dédia à Raymond Guillaume de Farges, ciU'dinal de Sainte Marie Nouvelle (I3I0-I314), son mémoire Demodo Sarramwsfjtir- pandi. C'est, avec l'oeuvre de Fidence de Padoue, le pmjet le
MÉMOIRE D£ GUILLAUME d'aDAM. 63
plus détaillé qui nous soit parvenu ; mais les vues émises dif- fèrent tellement de celles qui avaient cours au commencement du XIV* siècle, qu'elles ne durent pas faire sur l'esprit public une impression profonde. Guillaume d'Adam demandait que la croisade, au lieu de s'embarquer, suivit la route de terre et conquît Conatantinople en passant; il insistait aussi pour (ju'on eût sur le golfe Persique une marine destinée à ruiner le commerce de Flnde avec l'Egypte. Ces idées étaient trop nouvelles pour être comprises. La première, cependant, fit son chemin, et quinze ans plus tard elle reparaissait avec plus de force et d'autorité ; quant à la seconde, elle était trop hardie et d'une trop haute portée politique et commerciale pour attirer l'attention *.
Le concile, éclairé par les docunents qui lui furent soumis, proclama la croisade et vota l'établissement d'une dîme pendant six ans pour faire face aux frais de l'expédition (19 décembre 1312)».
1 . Sur Guillaume d'Adam, voir le chapitre suivant.
2. Bibl. nat., franc. 4425, f. 202-7.
QiK'lquPs-iins ries jtrnjets de croisade êclos au commonce- iiK'iii tlu xiY" sièclo niéritout, par la inniveauté et l'origi- iialKé de leurs vues, une attentiijn particulière. Si Raymond Liili avait rêvé la c<in(|Ut>U> de la Trrn.' Sainte par Ift dé- vcJitppement ik- lu civilisation ouropecnuc en Orient ; si Miirinn Sanudo avait préconisé le blocus commercial de l'Kpypte i>our ruiner la puissance musulmane et faciliter les progrès des Chrétiens dans le Levant, d'autres esprits, comme Hayton <'t Guillaume fl'Adam, avaient proposé au Saint-Siège d'atteindre le même but en recourant à d'autres niiiyens.
Aux mains de la dynastie chrétienne des Khoupéniens, le royaume d'Arménie semblait, par sa positiim en Asie Mi- neure, appelé à ynivv un rôle prépondérant dans les reven- dications que les Latins songeaient à exercer dans le Le- vant. Son importance n'avait pas échappé à la clairvoyance des conseillers de Nicolas iv et de Clément v ; mais l(^ climat et la pauvreté du pays avaient toujours fait écarter l'idée d'un débar(iu(niient dans ces parages ',
Haydm, «'ii i|ualité d'Amn^nien, s'efforça de ramener l'opi- nittu jiubli)[ue égaré<î â nno plus saim* appréciation des avan- lages que sa patrie pouvait offrir à la croisadts se flattant ([ue s(m avis ne serait pas sans influence sur l'esprit de ses contempt>rains.
1. Voir particulièrement l'avis de Fidence de Padoue et du grand- roattre du Temple, pages 23-4 et 65.
Do hi raniille rios princ4*s de Lampron, comlo de Gorigos, tnèlé intimement aux événemonla dout rArraénie fut le théAtre, Haytini. après une exp^ditimi cinilre les Egyptiens dans Iaf|Uelle il arenmpagna lo roi Hi'th'Hini, s'était retiré à Chypre (vers 1305-6) pour renoncer au monde et prendre l'habit dos Prémontrês. L'année suivante, il était passé en Kuntpe. et, avait, à la solli<'ita1ioii ilu papi% i-ousi^^nô par écrit les rêeits qu'il avait faits an pontifo, et dans h^squels il avait raconté l'histoire (h's Tarlares. inséparable de relie de son pr'.tpre [lays '.
C'est à la fin de cet onvrage r|u*Hay(ou, proclamant la légitimité et Topporlunité d'une inlervenlion armée en Terre Sainte, exposait à Clément v les vues que lui suggérait, |K>ur l'expédition fui me, l'expérience d'une vie tout entière passée eu Orient au nûlirn des événements '.
Les Tartare.**, disait-il, étaient prêts à s'unir aux Chrétiens, et cette heureuse circonstance devait rlécider l'Occident à une prise d'anue.s immédiate. Un « piqii passage », composé de dix galère» portant mille chevaliers et trois mille hommes de pied, équipé cl envoyé l'u avant-garde à Chypre et en Ar- ménie, p(»uvait rendre les meilleurs senûces. Hayton émet- tait sur ce point un a^ns conforme à celui de la plupart de ses contemporains. A l'arrivéo de cette petite armée, le roi t\es Tartares se décidait à interrompre les communications entre la Tartario et les états des Sarrasins, et envahissait lo lerriloin* d'Alep ; en même temps, unie aux forces de Chypre et d'Arménie, celte avanl-garde attaquait les possessions ennemies, protégeait le littoral, fortifiait l'Ile de Tortose, obligeant ainsi le soudan à diviser ses forces et à venir de sa pcrsiinm* d'Egypte en Syrie. Elle pouvait même se (latter, 9Î une circonstance iniprévue retenait celui-ci sur le Nil, do conquérir Tripoli et totit le comté, au graml profit rlo l'expé- dition principale.
La croisade, d'après Hayton. devait faire voile vers Chypre.
1. Ifi»torieiu arménien» de» Croisade», i, 469-70. Hayton dicta à Poitiern wm hisinire en français à Mcola»! Falcou, qui la traduisit en latin piiur la présenter au pape (ouùt 1307). Kn K151, Jean le Long d'Ypres traduisii un français l:i version latine de Kalcon.
'2. C'oAt la f|uatriè[ne partie de V/h'stuire des Tartare». Nons nous •ommod servi du texte ]>uiilié par L. de Itackcr, L'Exiréme Orient au moyen Age, p. 2*21-&1 (trad. de Jean le Long).
ROUTES DAUMKMK KT DE CONSTAXTINOPLK.
s'y arrêter, et savoir là si l'avant-garde avait réussi â s'em- parer de Tripoli ou de tout antre port sur los côtos <1<' Syrio; on co cas, ollo avait un point solide de débarque- ment; au cas couiraire, elle n'avait ((u'à prendre terre en Arménie et de \i\ niarrliPr stir Damas el Jérusalem, tandis que les Tarfares, dont l'allianco était indispensable au succès de rexpwlitinn, envahiraient le pay^^ (ï'Alep. Mais pour écîirter les coullils rulre Tarlares et Ciirétieus. il était pru- dent iféviter la jonction des armées des deux puissances alliées, el dfi laisser les Tartaros à Damas pendant que Ips eroisés marcheraient vers .lérusal«'îu.
Haylon n'avait, pour ainsi dire, qu'indiqué ses projets dans son Histoire des Tartares ; le pnnci]»al d'entre oux« celui dont il avait pris â canir la ri^alisiuion, était de faire adop- ter la route d'Annéniu ; Ilayt-on revint, dans la suite, à son idée favorite, et la développa dans un mémoire, plusieurs fois remanié, dont voici les principales lignes' :
Pour déraciner les préjugés de l'Occident contre l'Ai'- ménie, Hayton commence par passer en revue les points généralement proposés pour un débanjuernent, et par en faire ressortir les désavantages. Alexandrie est une ville très forte, au centre de la puissance du soudan ; l'eau y est. mauvaise, pas de pAturapes pour Ips chevaux ni de res- sources pour transporter l(»s convois nécessaires â l'armée ; en été la côte est dangereuse, en hiver les approvisionn**- ments manqueront; le succès n'est possible que si la place tombe à bref délai aux mains des croisés. Damiette est ruinée ; les inconvénients y sont les mêmes qu'à Alexandrie.
i. Nous croyons r]ue ces mémoires, qui accompagnent dans les raanuscriU: le texte dltayton, doivent lui ùire atti'ibnés. Vvlw (Bibl. nat.. ]at. 551.'», f. 5:ï-62, et nil)l. publ. Ue LeiUe, lat. 66) est en latin; rauU*e (Ilibl. IVhII., Ashmol. :i42, f. 1-6 v"^) est en franrais; ils diffèrent assez sensiblement l'un de l'autre, mais dans le premier comme dans le second on pecunnait de grandes analogies avec le texte de VHi&toirc des Tnrlares. I,e niémnire latin dèbiUe jmr un long pn^ambule dans lequel l'auteur exjmse les moyens à employer pour dérîler les Chn^- tiens à se crtiiser. Ce sont ceux (pie nous avons vu maintes fois déjà indiqués; quelques-unes des Idées émises par Dulwîs s'y retrouvent, mais exposées avec plii:> de mu<léralion et d'une faron plus pratique. La supériorité des combattants apparteuaiU aux ordres militaires sur les laïques y est démontrée, tant au point de vue de réconomîe k réaliser que des services à obtenir.
AVANT.UîKS DU OKBARQLEMENT EN ARMENIE,
îsi Acro ni Tripoli ne sont dans de raeilleurea conditions ; â rimpossibililô de < chevanchor par la torre », faute de bêtes de somme pour escorter l'armée, se joint le (langer résul- tiinl de la [tnixiiuilé de forteresses occupées par les Saira- sins, et l'absence d'un port assez spacieux poiu* abriter la flotte pendant l'hiver. Chypre, prise pour escale, n'offre aucun avanl;ige ; l'exemple de saint Louis ne monin^-t-il pas que, »an» »y arrêter, le prince eiM mieux fait de faire voile di- rectement vers le lieu de débarquemout?
Ces divers points écartés, resle l'Arménie, à laquelle on reproche l'insalubrité du climat, la pauvreté des pâ- turages, et en général le manijui» de ressources pour appro- visionner une armée'. Hayton prnte^^le contre ces reproches mal fondés ; le climat seul pouirait éprouver l'armée, mais en effectuant le passapo an mois d'août, de façon à atteindre rAi*méuie en automne, les croisés jouiront d'une température modérée et très saine. Le pays est couvert de forteresses faciles à garder, qui déffudeut les passages des montagnes; trois grandes rivières l'arrosent; on y trou- vera sans peine les bêtes de somme et la remonie de cava- lerie dont lin aura besoin; les ports de l'Aïas et des Paux sont excellents ; la proximité de Chypre rend facile rarri- véo des secours eu hommes ci en approvisionnements que cette ile enverra aux croisés ; eutin l'appui du i-oi d'Armé- nie, sur le(|uel l'expédition ne devra pas compter si elle débai'que sur un autre ptunt di's côtes de Syrie ou d'Kgypte, n'est pas à dérlaigm-r. Ou sent, cependant, à l'ardeur qu'Hayton met à défendre l'Arménie, que les critiqm^s dont file a été l'objet ne sont pas sans fondement, et l'obser- vateur impartial reconnaitia que. si la croisade pouvait trou- ver un sérieux avantage à pnMidre terre dans un pays ami, ot à profiter des ports qu'il lui offrait, elle ne devait pas compter y faire autre chose ((u'un hivernage, sous peino d'avoir à redouter la ditîiculté des subsistances et les dan- gers du climat.
Au pnniemps suivant, l'année quittera l'Arménie, reposée, ravitaillée, avec des effectifs complets; de la Portelle elle se
■
1. Voir plus haut l'avis du grand-maître du Temple, de Ptdence PidouCt du roi de Chypre, etc.
08 roijTKs d'\r>!knie et de constantinoplk.
dirigera vers le sud par l(' pont do Fer * sur Aiilioche, dont elle s'empai'era facileincni, ainsi t{UO des châteaux onviroii- ■nants : Darbosac', le Gasinn ', Haréiie'. Dargon^j", le Coiii'- saut*, situés dans un pays rit.'hc ol offrant des subsistances faciles. Maîtres d'Anlidche. les croisés s'y arrêteront riuelqut^s jours avant ilr? mutinuer \onr marche dont l'objectif sera Haniali \
Pour nlleindrerotte ville, trois routes peuvent être clioisies : lapri!inière,loni(e4»nl. le litlorul, pass(» parLaodicée. Margat*. et à partir de ciî tliM'uier point s'èl(ji|rne de la côte pour s'enibneer à l'est dans l'intérieur du pays ; elle offre près de Margat un passîi^e très difficile pour une grande armée, s'il est gardé par l'ennemi; la seconde, parlant d'Antioche el suivant la vallée deTOronte. passeàFêniieet îi Césarée jHiur alt*'indre Hauudi'; eu l'adoptant l'armée ne manquera ni de pàiurages, ni d"eau. ni d'approvisionnements, el n'aura rien â craindre des Sar- rasins pendant sa marche. Quant à la troisième route, elle incline plus à l'est que la seconde par la Marn- '", Sernim ",
1. L& Portelle est une localité qui formait la i'rontière du royaume d'Arménie et de la princlpaul<^ d'Xiitiorhc. Le pont de Ter (/î/ViW-ff/- Hadid) était jeté sur l'Oronle {\nhr-d-.\iti\.
2. Tarpcsao, Trapsacli, Trape.siicli suivaiU les [iiaiiuscrits, Trtifttmn d'après Sanudo, aujourd'hui Ikrbetrak, château fort au nord <i'Au- tioclie, sur le versant oriental de l'Amanus, ancienne possession des Templiers.
;t. (îaslon, tluasto. Gastim, ^tait \i\\ château qui avait appartenu a l'ordre du Temple, à quatre milles d'Antioche, sur le revers orieiilat <le l'Amanus, près de iîagias.
4. Harain, llaaran , llaaram, aujourd'hui Qualaat Jlàrim, sur la route d'Antioche à Alep.
5. Dragon, {Dtrkauch? au sud d'Antioche^
6. l'robahleinent Coratu-stum, aujaurd'hui Alaïa.
7. Ilamam, tiamen, aujourd'hui llamah^ l'ancienne Itnmalh, l'Epi- phania des Sélcucido», sur la rive gauche de l'Oronte.
8. Laodicée (Laïuf^t'yéh) sur le bord de la nier. — Margat est au- jourd'hui apj>el<^ Miirkab. C'était une des principales forteresses des Hospitaliers au temps de la domination latine eu Palestine, sur la limite des principaul^ïs d'Antioche et de Trif>oli,
9. Hajion donne ^ l'Oronte le nom de Hevel. — Féinie (Qualaat em- }loudiq)esi l'ancieime Apaméo-^Césai-éei^rifartf), sur l'Oronte, entre Fémie et Itamah.
10. La Maire. — M. lî. G. Itey identifie ce lien avec le village actuel d8 Ma'arrat-en'No'amiin.
11. Ce doit 6trc Sermeda, le Sarmit des croisades, d'après M. liey.
PLAN DR CAMPAGNE DE L'eXPEDITION. 60
Mf'gnarc! Mesiùn ', dans une plaine riche, fertile et san« déft'nsi'.
A Hainah. malgré l'importance do la viU«, les croisés ne ivhc'ontnTonf (in'iiiR' faiblo ivsistaïKO ; li^s dt^fenses sont peu ri'iloiUahh's, ot la garnison peu unriihn'iisf*. De là ils mar- oluTont sur Damaï*; les iroupes du Soudan, si elles viennent à leur rencontre. les altendronl probabliMuent selon leiu* habi- tude dans le dêHIé de Caneis, entre Hauinli i't )a Chamele*; mais si le passage n*est pas dêliMulu. ICxpédition n'aura plus à redouter les Sarrasins de Damas et de Syrie, qui n'oseront pas Tattaqupr ailleurs ; elb^ pourra marclier directement, par la rhamele et Haaibek', sur Damas rpii ne tiendra pas, puis atteindre Jérusalem et conipiêrir toute la Syrie. Si les croisés veulent alors pousser plus hun leurs avantages, la route flKgypto liMir est ouverte; parvenus à Gnza. ils gagneront le. Nil par la route du désert ou par cidie du littoral '. Dans le l'as oi'i l'imnemi aiiniit refusé la bataille, la croisade devra t'banger de dirreiiou cl so rabatti'e à l'ouest sur Tripoli ; c'est une marebe en arrière de quatre jours, iudis|»ensahle pour ne pus laisser les Sarrasins derrière soi. Par contre, devant cette place, les croisés auront l'appui des chrétieus ^\\^ Liban, et. niaitres de Tripoli, ils puurronl reprendre leur plan pri- mitif de conquête. Quant à la Hotte, après avoir hiverné au j>ort des Paux, elle fera voile directement avec < le gros har- « nois ri le Ijlé et les autres gross4's mandes et les dames et « les femes et les enfans de l'ast » sur Saint Jean d'Acre, et
1. I.a funiu' latirm (|p re nom pst Ma^aretuin Messini, aujourd'liui Mn'nrrt J/ixriw, ù mi-cliiMniii et au snd ilAnlini'tie et ilAlep, au iioni
criani).
2. La Cliatnc'li' est aujourd'hui //im«, l'aiirifinno! Kmèse. iJes batailles avainiit déjà eu lieu diiiis lu plaitte dt) Hinni eu 12B1 ot 1299 entre les ^lo^^roU ot Ich ICgyplims. [^ ilétUé, dont it est ici question, doit ûtpo rhi^rrht' aux piiviroiiK du Krak des chevaliers (Quttlrtttt-et-JiuêH) ^ for- trrpsh** qui rumniaiidaît les rûutes de Hima et de Hamali à Tripoli et à 'l'oiiose.
.'I. Los maiMisrrita purteiit Manboclt. mais il faut reconnaître bous relie uppt'llaliuu Ibalbfk, rancionne /f'^Hopotis, îi mi-chemin entre Ilinu pt l.'iuiias.
i. llayto:t duiuif uti itinéraire du la route de (;a£a {(ruattreê) tm rairo. Cuiiipart^z Vl'Uudr aur la /it*t*isi; de* Chemins lie fittbyhine, daiiH laquelle M. th. Scliefer atHudié des itinéraires analo^'ues lArch. de roricnt Laiiti, ii, 8'i-ini).
70
ROt'TES U ARMENIE ET DE CONSTANTINOPI.K
de là sur Jaffa, laissant dans chacune de ces stations les approvisionnements nécessaires, puis elle rojoimlra l'année nctorieuse à Gaza.
Malgi'é raulonlè d(»rit j(nussait Hayti^n. rM|nni«in publique ne se laissa pas convainoro. L'iiiKUiimili'- des itMtinigimgPs contn^ l'Arriiénie rendait toute réhahilitation ini|)ossible, et Haylon ne parvint pas â détruiro les pn''jug/'s t\v sr-s contem- porains.
Quelques arinéi^s plus tard, un projet nouveau apparaît ; il émane d'un doiiiink'ain, Giiillaiinie d'Adam, dont la vie s*est passée en Orient à convertir !i^s infidèles'. l»ansce mémoire, l'exactitude des détails ««t rcx[>érieun' pratique dos conseils s'unissent k des vues si personnelles l't si dilfèrenles de celles qui reraplissenl la ]dnpart des traités analorriH»;;, que l'onsemble des projets de Guillaumo d'Adam mérite iPètre résumé en quelques mois V
Les Sarrasins, dit l'auteur, nt- maintiennent leur supré- matie en Orient que grâce à ra[)t"iu ilc leurs viiisins l't â la complicité des nations chrétiennes. Einpèchercet appui, rendre cette c^jmplicité impossible sont desmo;v'ens infaillibles do poi^ lerà la puissance iiiusulniane un cnup mortel. Ku prt'nn'ère ligne les peuph^s comnien;auts de la Méditerranée, Catalans. Véni- tiens, Pisans, Génois surtout", se livrent à la contrebande et à la traite des esclaves avec l'Kgvpte, fournissant ainsi im s(mi- dan, avec les denrées dont il a besoin, des chrélims dont il fait ses meilleurs soldats'. L'empereur de Consiantinople exporte les blés de snn euipire en Kgyplê ; le roi des Tart^u'es sep- t4'nlnonanx, allié du soudan , autorise dans ses étals le com- merce des esclaves, qne les navires chrétiens transportent
1. Voir Kî chapitre préct^dent, pages 62-'â.
2. Le trait*^. De modo Sfitracetiox extirpandi rniiis esl parvenu dana un manuscrit de U;Ue du xv siècle (A. l, 28, f, 232 v-aâi v»).
3. (.i. d'Adam signale spéL*ialemcnt Sc^uraa Salvagu {S. Safvaliei). Génois, qui, sous pavillun musulman, favnriso les guùtK les plus dé- pravés des Sarrasins, et conduit, hur ses vaisseaux, les ambassadeurs que le Soudan envoie aux Tartares de la mer t^aspienne et de la mer Noire.
4. Ces chrétiens vendus commo esclaves en Kgypte H>nt des Grecs, des hulgnres, des Rutbénes, des Mains, des Hoii;;ruis de la petite Hongrie; iUrormeut une aruu''ode quarante milte )jumm''s uu\ ordres du Soudan.
KEFOHMES PROPOSEES Al' SAINT-SIKCK
71
aux liouchos du Nil; los pèlerins eux-mèraos qui \'isitent les lÂvux Saints sont soiiiiiis :i (ips rotlovances piicimiaires dont I*' produit earicliil le trésor do lours eiiuoiuis.
Si lo Saint-Siègo vont faire cesser cet étal de choses, il îip:ira avec énergie, excommuniant qiiiconqim sp rend cou- (Kiblo d'at'tes de commerce prohibé, et confisquant les car- gaisons di's dêliutiuants. Une escadnï suffira pour fairtî res|)ector les défenses ponlilicales, mais à condition qu'elle (*<dl plus sérieusement organisée que celles que le pape a précédemment é(piipét»s dans Je même but.
On sait, en effet, que l'Eglise a été trompée, et que, lors- qu'elle payai! l'oniretieu de six giiléres pendant un an quatre seulement leuaienl la mer pendant six mois ; leur armement était si mauvais que devant trois bâtiments enne- mis, elles nVisaient livrer bataille. Kn outre, jïei'snnne n'ignnre que la n ml rebande ne s'exerrail t[nr pendaiil les mois d'hiver, et c'était justement en été que la croisière avait lieu; de plus, jamais !e capitaine n'avait rendu compte de ses prises. Il fallait donc réformer ces abus par une série de me- sures uouvelli*s, et, comme contrôle, appliquer à la llotiille clirêiienue rinstilutinii ^'énujse de Vofficium roùarie, c^est-à- dire autoriser tuul cbrétieii lésé, comme le laisaieni les <n*nois, à produire ses réclamations auprès d'un tribunal chargé de lui rendre justice '. Obtenir lie r(miper4'ur d'Orient qri'il reuouràtà ses rapports amicaux avec le Soudan, sem- blait tAclie plus ilifMeile ; on était en présence d'un prince sejiismatique et ilifHcile à convertir â la f(»i calboliqne riiiti;une ; mais au moins, â la faveur île né^:ocia(i'>ns fré- qtii-ntos et eu usaut de douceur, puiivait-on reu'h-e plus bien- veillantes entre la cour impériale et le Saiut-Siège les rela-
I. < K«l atileni hnjtis (ofticii] una arcba, scilicct in pnlano commtini- talis Janiie t^uiii tribus serraturis. super quam sunt très prcpositi ordi- nali. et ({iiiL-nm(|ue Christianiis. Jtideus vcl Sarraceniis undocumque, si lanieii de terra illa sit, ((uod contra Januam ^tierram non li&bet actualeni. ubiniin'}ue perJanuetises fiierit depredatus, talis per se vol suum prooiiratorpin in archam predictam rndlo sciento unam cedulam intromittit, de ^iia expoliatione querimoiiiam contincntem. Prepf)»!!) i^itiir tpsiiiis ofticii, astrirti per Juranientum. cerlis anaî temporibus arcliatniltamapenunt,etibi iiiventa^cediil.'t.'^ perlegi>ate«,Matitne\|M>- llalijre>t vtHMiit et ail reddfnOum ex)iitliali!t i|iii(:<tiiid et quucuni'jue nitjilu rapuuraiit cunstringunlur • ^ï- d'Adani, f, '2'^).
72 ROUTES DARMENIE ET DK fONSTANTFNOPLK.
tions que la politiqtie peu modérée de la papauté avait enveniniéos.
Quant au roi flos Tartares du nord, dont It^s Génois favo- risaient ralliance avecTEgypIo, ou paralysera se» dispositions en se rapproclianl rlu roi do Por^e, prince mongol, dont les états sont situés en(re 1rs possessions desTarlai'es septentrio- naux et celles des Sarrasins, mais dont les rapporls sont aussi tendus avec les premiers qu'avec les seconds. L'excommnniea- tion contre les navigateurs qui prêteront l*^ur appui aux. com- munications entre Tarlarps et Eg^vptiens' sera proclamée par le pape; si co moyen ne suffît pas, on établira une croisière à Chics sous le comnmndennMit des pelits-fils de Benoit Zac- charia*. La famille génoise des Zaccliatia, en effet, maîtresse de l'île de Chios dppuis le commencement duxiv* siècle, sous la au/erainelt' nominale île l'empereur de Couslanlinople, dé- mentait la réputation que les Génois s'étaient acquise djins le Levant, en restant étrangère â la contrebande exercée par ses compafriotcs. Benoit Zaecliaria cl son fils Paléologue avaient donné des gages de leur atlachcment â la cause ehrélienne. et c'est aux. fils de ce d(*rnier, Martin, Benoît et BartliéU'tuy, que Guillaume d'Adnm proposait de conticr la police de l'Ar- clîipeP. La position de Cliios, à nii-clu-min entrf ta Tnrtarie et l'Kgypte, âproximilé de la côte d'Aiiatolie, était de premier ordre pom* entraver le commerce entre la mer Noire et Alexandrie.
Pour compléter cet ensemble de mesures, il fallait enfin empêcher l'argent des pèlerins qui visitaient la Terre Sainte d'aller gi'ossir, sons forme de tributs et fie redevances, le trésor du suudan. Là rncorr ri'xcommunieation était iin»^ arme excellente dont le Saint-Siège pouvait se servir; eu faisant, au retour, payer aux pèlerins désobéissants et aux patrons qui avaient l'onscnfi à les recevoir swv leurs navires l'absolution de la peinte encourue, la papauté augmentait ses
1. G. d'Adam demande <]tîe cette excommunit'ation «>it étendue à ceux qui favorisent 1rs relations fom merci aies entre les Tartares et les Sarrasins d'Asie Mineure, parce que ces derniers rôexpédieiU les mar- chandises en Egypte (f. 2:»8 v).
'i. Nous avons rencontré plus haut à diverses l'epmes le nom de l'amiral Benoit Zacoliaria. p. 4:i et 60.
:t. Ils venaient ï)pécisément de c-apturer dix-huit vaisseaux de pirates turcs et de faire une incursion heureuse en ;Vsîe Mineure.
AVANTAGES DE LA R0( TK PAR TKRKK
73
)roprcfï ressources ; elle assurait en mémo temps une sanction écuuiairf^ à sa prohibition, dans le cas où la sanction spiri- rituelle résultant Je rexcomiuunicaliou n'eût pas été suffisante lour arrêter le mouvement de pèlerinage.
Ainsi prépai'èe, la croisade, dans l'opinion de Guillaume l'Adam, lievail se f^iiri' fi;ins d'''KC('llf*nt('s o.nililinns : les Sar- rasins d'Egypte ne sont ni vaiilaïUs ni reiloutables, et des 'uphéttes, répanriues parmi eux, qui attribuent à un prince 'anc la destniction rlr leur puissance, paraljsei'ont leur luni^' ; d'un autre c<Mê en Occident tous, barons, che- valiers et paysans, désirent prendre la croix ; ils peuvent compter sur l'alliance du roi de Perse, qui a formellement promis son concours ei aitainiera les Miisiilajans au nord, lundis que les Chrétiens dirigeront leurs efforts vers le sud. Oéorifieus, dont ia coo[>êrafion a souvent été fort utile mx Mongols contre les Sarrasins, ne renieront pas leurs nfècédents poUtiipios. Mais, pour que l'expéditiou soi! efti- 'cace, elle devra prendre l& roule de Oonstantinopîe et sVn emparer avant de rien louler en Palestine. C'est là, d'après Guillaume d'Adam, le nœud de la question ; celte idée, qui lui ost personiielN», n'avait jamais été émise avant lui ; il --'•■tforce de la justifier et de la faire adopter par le Saint- ïiège. L#cs raisons mises en avant dans ce but sont de plus d'une rt'to. Sans insisti'i* outre mesin'e, comme on le fera plus lard '. sur les uvauiajL'es otTerls par la roule de terre A travers la Hongrie et la lïulgarie, Guillîmme d'Adam fait remarquer que les Grecs sont, au même» titre que les Sarnisins, hostiles à la rroi*<ade. vi qui* ne pas li's réduire, c'est exposr*r rexpé- ^^illiun à un dauf^'cr jH/ruianeul de leur part. On cnunail ^^kfio;: les dispositions di* l'empereur d'Orient pour ne pîis ^Hlouter ilf co fait : on sait, l'hisloire l'U main, t\\u' les Paléo- ^Bugnes n'ont rien épar^^né pour ruiner la religion calliolique; ^Bi (ui pèro doit punir plus sévèrement les écarts d*un lils dé- naturé que ceux d'tMi esclave eoupabli-, le saint pèrr est eu droit de déployer contre les Gre4;s, autrefois enfants île ri^^lise, plus de rigueur que contre b!S Sarrasins, qui n'ont, j.iinais rnnroi la vraie crnyann*, La conquête rli» Consfanti- noplc seia facile; des fi-nunns y suHiraii'ul. Les Turis, i-n
Vuir pluh bas l'avi:! de Ltrucard, au cliapitro vu.
74
ROUTES I> ARMKME KT DE CONSTAÎ(T1>OPX.E.
effet, le peuple !c plus lâche de l'Asie, qui trembleul devant des Tartares, des Comans ou des Géorgiens, n'ont-ils pas osé attaquer los Grecs p( li's vaincre? Une partio de Tmipire, de lîyxancc n*(*st-elli» pas habitt-e par des pupul.ilioiis calhuliques qui accueilleront les croisés en libéralinirs? Ri(»ii n'eulravera doue le succès de l'expédition contre Constaulinople, Maî- tresse de la ville, l'anuée croisée aura mi pai'l pour se re- former, se ravitailler et se replier en cas d'échec, avantiige capital que ne lui offrirait aucun point du liMoral de S>Tic ei d'Eg^ple ; elle s'rippruvisiontieia facilenieut de vius, de blés et de viande, que la Grèce rtuirriil eu abondance. En outre Tile de Chios, possession des Zacchai'ia, sera pour elle une position exot^pliunncllt' : i-lli' i-sl fi-rlile, salubiv, en- tourée de mouillages sûrs ; hi côte rl'Asie s'avance à trois juilles de Tilo et forme mie laugue de leire' d'un périmèlro de cent quati*e-viagt.s milles, très resserrée du côté du con- tinent, couverte tie riches vignobles, coniitiandani an nord Smvrne, au sud Éphèsc. Les Turcs n'osent pas s'y établir; les Chrétiens s'y fortifteront sans peine, et entreront par ce point en Asie Mineure. En face de cette presqu'île, au commencement de la baie de Smyrne et à quelques lioties au nord, les Génois occupent une autre position, cello de Piiocêe, dont le pnrl est trè-isnr; enfin, ils sont maîtres <lePéra, aux portes de Couslautinuplf, H [wir idle dominent le Bosphore'. Ce sont autant decondilions favorables dont la croisade protitera: en altatpianl par l'Auatolie ]<'s intidélrs, elle arrêtera i*u même temps b^s pirateries des ïmrs dans l'Archipel el le commerce des esclaves qui se fail '•lu- luie ^'randeé(dtf*ll<' d'Asin Mineure m Perse.
A rrxtTupîe de Samido. la principale préoccupation de Giiillaïune dWdani est de ruiner le commerce des SaiTasius. et de k»ur porter ainsi des coups plus redoutables que des défaites siu* les cbaïups de bataille. S'il a jnvcttnisé la con- quête de l'empire d'Orient, c'est pour donner Constantinople et Ohios comme base et comme appui â l'escadre qui iuler-
I. (Ji^tte pix*sf|irile est appelée de de t'IazoïiiéiiKS. Klle K^pare la baie de SinjTiie ilf relli' (riDpfii'Be.
1. (•uîUaDiTi^ (l'Adimi tw dniiii*^ inilli: part les nuuis des pusiliouK g<^ugTaj)iji<|iK's )|u'il indiinie, mïiis ses tU^scriptirijini mml okscz. prtxis«8 jiour piTinfflrc do jivs reronnuilrr l'arilomenl.
CREATION D INK MAKINR Sl'K I.K «Ol.FE PKRSIQLK.
ta
rompra les relations commorcialos entre l'Egypte et les pro- venances «le la mer Noire et de la mer Caspienne. Mais il no se borne pas â ce premier projet ; sachant ((ue l'Egypte s'ap- pro\isionne nun si.'ulemerit parla Méiliterranêe, mais aussi par la mer Rouge, etqii'elle reçoit parcolto voie les denrées i|p rinde et ilo rex(r»*'me Orient, il a compris ipic les nipsiir(?s propasèf.»s conti*ele commerce méditerranéen ne seraient effi- caces qu'à condition d'élre complétées par des dispositions prises contre les négociants de lu mer Uouge. O'est pour répondre à cette nécessité qu'il expose, à la lin de son traité, les mojens d'intercepter la roule de l'Egypte aux m.irchan- (lisi's venant de ces contrées éloignées. Jamais, avant (îiiil- laume d'Adam, pareil dessein n'avait été conrju ; si Sainidoet après lui le gran<l-maitre de l'H^^pilal afllrmaient qu'en pré- sence d*nn Idoens sévère de l'Kgypte, le commerce de l'ex- Irémet'ïrient, faute de fjéboucliés, passerait par l'Asie centrale *ft atteindrait la Méditerranée en Arménie, aucun d'eux n'avait eu la hardiesse de vouloir l'arrêter dans Tifcéan Indien, et lui barrer l'entrée de la nier Rouge. (^i*iillniirm' d'Adam proposa de le fain». et montra que son projet n'était pas irréalisable. Il suftira. dit-il, que le Saint-Siège entretienne trois ou quatre galêre's dans Titcéan Indien puur empérher le passage dt>s négociants à Aden, L'expérience a été tentée jadis parles rrénrds e1 a réussi ; ceux-ci, sous le règne d'Argnun. roi des Mongols, ont construit deux galères à Hagdad. et. par l'Eu- phrale, les ont conduites dans la mer d^'s Indes pour défendre le détroit d'Aden. La si'ule diltieulté sérieuse, êneore qu'elle no siiif. pas insurmontable, sora jiour les Cbrétit'us de se procurer ces navires. I^es marcbands d'Aden commercent av<H* l'Inde, mais n'ont aucune relation avec la I*erse et les ilcs de l'arcbi- pel Indieu, dont les souverains sont b*urs ennemis ; en faisant
sni( aux i!es "i Houibay', à
constrinre les vaisseaux, suit a Deyndi' datK b' goite Pet*^iqiie.
l'ili' d'tlniiiiz V snii dans l'Inde
I- Avant (l'i^lrc déva«ttV pur te> Muii^ols, la villo UOirnu/, était sur la terre ferme (à sept un [mit milleN du fort Mînab). Kilo fut rehùtie sur «ne île appelée Jerun, diittaiile de ^ix kilumètrpsde l.i terre ferme et dp formft presf|iic ronde.
3. Cch fle« iinxulie Diree) sont siluévà au fund du golfe i'eri-ir|ue, à l'est du delta du CliM-el-Arab, et h l'ouest de la pointe de liurk.iii.
:*. Au fond du pdie de ce nom, qui est fonni^ ii l'onest jiar lu pénin- sule de Katlyawar et ii l'e»! par la cùtu du Koiikari.
"fi OOI.FE PERSIQl'E.
Taunah ^ ou â Quilon ', on sera siir de n'avoir rien à craia- (ln\ puisque ces Idéalités sont on dehors des efioales du com- merro do ces pays. Le ïmis de constnietinn est fort abondant sur tous ces points, ot [os populations favoriseront une enlr(y prise destinée â ruiner la pruspêrit*^ de riêgDcianls qu'elle* haïssent tM doni oll«'S «'uvicnl los ricli(»ssrs. Lo roi de perse trouvera sim avantage à rélablissemcnt d'une force maritime sur le golfe Persique. Nul doute qu'eu échange il nncoulribuc aux dépenses.
Pour armer ces galères, l'Kgii.se pourrait soudoyer les équi- pages; mais c'est un moyen coftteux, qu'elle évitera en accor- dant des indulgences spéciales iitix douze cents luarius dont elle aura Itesoiri, et en relevant une centaine d'hommes de Texcomumnication encourue A l'occasion du comuiftrce illicile aiu|uel ils so livraient â Alexandrie. Klle trouvera ainsi les ressout'res pérunîaires néces.siiires à retjlietJL'ii de i'esrath'e; les matelots ne lui manqueront pas, si elle se décide n absoudre les Génois excommuniés pour cause de conliie- baiide. Aventureux, seuls à coiuiiiilre les mors de ces parages que lc»s autres peuples ne fréquentent pas. avides au gain et cependant plus Imunètes que les autres nations maritiuies, ce sont les hommes les plus aples à fiunier les équipages de ces navires.
Un port sur est indispensable â la Hollille rhréiienne; elle est assurée d'en Irouver facilement un daïis la mer dos Indes, (pli t-nmpte, dit l'auteur, plus de vingt mille Iles, la plupart inhabiléos. (.'hyx '' et Ormuz dans le trolfe PtTsique» possessions du roi de Perse, remplissent les meilleurr's con- ditions: U»s galères y pourmiiL hiverner sans danger, y réparer leurs aviU'ies, y liéposer les marrïiaudises coniis- quées. avec Tassurance de n'être pas inquiétés par la Perse» dont la pnlitiqu4' favorisera leurs progrès. Les ennemis qu'elles auront à cunibathv soûl loin ilvtiv redoutables; sans courage, sans armemeul, pour ainsi «lire, défensif ou
1. A ilou/.e milles anglais au .sud de Itouihuy. eu l'iiL'c do l'ilc Sal- sette, capitale du temtuire du Konkaii.
2. Appelé au moyeu li^e h'nottlum. Kollnm, Colon, CotumOum, sur In côte de Malalmr. au nurJ de Trîviindrani, nuri loin du cap Comijnn.
!ï. Aujourd'lmi Kichm ou Tttiritah (He lonj:ue). i'est une ile consi- dérable, qui s'olend eu longueur parnllùlcment h lu cûlc de Tlnin, à l'ouest de l'ilc dOrmuï.
Kffen.sif, étrangers à toul ail de la guerre, ils ae rapprochent plus lie tu bi>te que de Vliomnm. Le détroit, enfin, rlont lo passage doit (^ire haiTè par l'escadre, se prèle par sa configii- ralîun géographique au but iju'ellc se propose. Trois îles » le défendent, et les navires qui vetdeiit s'engager dans la nier Rouge iloivent nécessairement passer près de l'une d'elles ; cdles sont occupées par des peuplades chrétiennes qui, ti'op faihle.> pour résister à ceux qui ont rhorelié à l*'s soumettre, se sont toujours dérobèi's aux envabisseurs en se rétngianl dans les cavernes des hautes montagnes dont le sol de ces îles est couvert. Les Chrétiens trouveront l;i un appui d'autant plus eHicacc que lt*s liabilanls IiaïssL'nt b?s Musul- maas. avec lesquels ils sont forcément en contacL. Celte circonstance sera préciens<> pour le succès de l'entreprise; gnWe à elle, grâce aux cnnsidérations exposées par l'autour, se trouve justirié le petit nombre de vaisseaux dont Guil- laume d'Adam demande la concentration à Aden.
Vu pareil proj(»t ne pouvait être pris eu considération. L'autour lui-même se rendait compte qu'on le trouverait incroyable, parce qu'il était le premier à le sifrnalor, ot im- praticable, i»arct* qu'on n'admetlait pas que quelques galôres fussent on état d'arrêter, à l'eutive de la mur Ronge, des niarcliands venant par* milliers rh^ rextréme Orient. L'évé- nement justifia ces ap|ii-éhensions; si, dans la suite, l'idée de comuionccr la croisade par la conquête de Constiintinople tai reprise et eut ses partisans, celle de criier une escadre dans l'océan Indieu resta lettre morte, si même aliène sou- leva pas la pitié et le rire des contemporains de Guillaume d'Adam,
I. <^ sont les îles Moucha uu MouisOy à l'entrét^ Un i^çolfe de Ttwljourra, entre Znyta pi Ohokh; elles !*ont aujourd'hui inhabilités.
CHAPITRE VI,
PHILIPPE LE LONG ET CHAKLKS LK HKL.
Philippe le Bol et Clémoni v moururent, à pi^it de moi» frintervalle (I3l^i), au milieu des propiiratifs do la croisade, lêt^uaiU :'i leurs suocesseurs le soiii de la mener â Hanne fin. Hènlief des desseins du pape défunt, Jean xxii L-imlirnia, au lendemain de sun élection, la dime concédée au roi de Franco par siin prédécesseur, et bientôt mémo, pour favoriser plus diri'Ctemerjl l'œuvre ciunnietu-ée, aulnri'ja la levée de deux nouvelles dimosentièreH dans le royaume de France ( 13 IG- 17}'.
A l'appel du concile de Vienne, un des grands feudataires de la couronne, Louis, con)le de Cleruiont, plus Uxi'd duc de Bourlion. avait répondu des premiers; petit-fils de saint Louis, ciievalier renommé pour ses hauts faits et sa sagesse, il avait pris la croix et son exemple avait entraîné une foule de chevaliers, parmi lesquels Jean, soigneur de Charolais. propre frère du comte de Clermonl (t3t(»). Le comte de Poi- tiers avait, depuis lonj^tomps, pris le même engagement ; la prédication de la croix, faite par le patriarche de Jérusalem, réveilla l'enthousiasme; toute la chevalerie de France se laissa f^agner par le zèle général. Le i-oi n'éljiit pas le moins ardent à encouraj;er reulre|irise ; mais, empêclié par les af- faires intérieures iU\ royaume de se mettre eu personne à la tête de l'expédition, Philippe le Long songea à envoyer en Terre Sainte une sorte d'avaut-garde sous les ordres de Louis deCleraionl, auquel il fu conlîa le commandement, le 13 sep- tembre 1318. C'était donner satisfaction au désir d'aclivilê
1, l'i.septembr<^ mii J'iH et 152.
Il janvier 1317. CBîbl. nat., franc 'i425. f. 132,
PRÉPARATIFS DE CI.ERMOXT ET DR rUARLES f.E BEL.
b«*lliitiiouite qui aminaîl toute la France; c'était eu même tomps, de l'avis dos horames do guerre, prendre une mesure pxcellente au point de vue militaire, car le corps mis sous les ordres de Clorraoïu devait préparer les voies, et lainliter les mouvements de la croisade générale ». Une piueille entieprise, cependant, n'allait pas sans soulever des difdcultés de plus d'une sorte: il fallait promettre aux croisés les indulgences papales; il fallait obtenii- raiitnrisalinn de percev<nr une partie de la dîme établie par le crmcile de Vienne (100 OOfl flo- rins) el do l'appliquer à l'expéditioji particulière du corole de Clermont; enfin, pnur calmer les impatients, rendez-vous dut être désigné pour le départ '; mais, avant le jour fixé, des obslîicles survinrent ; la guerre des Pasttmreaux absorba tous les efforts «le Philippe le Louji. et ce prince mourut sans avoir pu songer à la croisarle.
Son successeur, Charles le Bel, qui s'était croisé dès 1313, manifesta hautement, â s<iu avènement au trnne. Tin- tention de réaliser U^s jirojets de sitii prédécesseur. 1) renou- vela à son cousin les promesses antérieures, obtint du pape les indulgences pour \i\ croisade, et la ciinfinuation pour quatre nouvelles années îles diuu*s précédemmi'iil constMities'; il donna mémo un c^uumencement d'exécution à rexpédïtion eu melUnt le vicnmte de Narbonru\ Amaury, à la tèto d'une flotte, avec la promesse de vingt mille livres parisis |iour chaque année de service. En même temps, les avis des plus expérimentés lui panenaient de toutes p^rts: on s'em- pressa, une fois de plus, de léclairer sur la situation de la TeiTB Sainte et <le lui signaler les meilleius moyens iVy porter remède*.
1. A- de Uuiâljsie, Projet </<• eroimdc du itremîer duc de Buurhun {Knn. Bull, de la Soi'iét<^ de l'Histoire de France, 1872. ji. 2:î9-'iU.
2. 22 juillet V.\y.i (lliiillarvl-ltrélioltes, Titres dt' fiourhon. l, p. 26H). — 21 et 25 mars i:ilK (Jiibl. nat., franc. 'i'v25, f. 170 et 17'.). — His- tùrien» de f-'rancf, xxi. G72.
3. A. de Uoislisle. Proj>l de croistide.... p. 232. Les dîmes furent renouvelOos pur Jean xxii puur deux aiw, le 26 juin 1322, et pour une seconde période biennale le 18 ilécembre I.12'i (BihI. nat.. franr. iiV2ri, f. 208 et 21.0). — 1^1, Prtijettt de rroimde sons tjiarte» le Iiel<t sou» Philippe de Valois (llif)!. de l'Kcole des Ch., 1859, p. 503).
'i. Um avis du ^rand>maitre, de l'évoque de Monde et de l'évéque da Léon nous sont parvenus dans deux manuscrite: Bibl. nat., lat. 7470, r. IK-tZav: 123 vo-129 vo; 172-178,— et Itibl. Sainte-Goneviôve. Fa28,
80 PHILIPPE LE LONG ET CHARI.E8 LE BEL.
Parmi ces avis se place en promièro ligne celui du ^and- inaître de l'Hôpital, dont rmitinité élait inci>ntes<4il>Ie en ces lïiatièros. Héiiuii de Villeneuve, partisan du passage g<^néral, écartait la voie par terre, celle qu'avaient suivie les arméoH do Pionv l'Einiite et de Godefrov de Fîonillnn, et préconisait rembaniueiuent des troupes dans les divers ports d'Espagne, de France et d'Kalie, et leur concentration à Chvpre ou à Rhodes'. II domandait r(u'nti délai de (piatre ans, consacré aux prépîu'atils, séparai la prédicaliou de la croix du départ des croisés; que les gages des soudovers fussent ealnilés ponr cin/| îuis sans interruption, et ceux des
f. lay-l'iH; l'i'v-lol ; 1ô!-!62 v. Ces mniiuscrîts, qui conliennent d'autres traitas reiatifu à la 'IVrre Sainte, sont du commencement <lu xtv* siècle. Fin étudiant spècialemfîiit le manuscrit latin 7470, nous croyons qu'on doit le dater de \'Ml\ à i;(2K; ce n^sultat nest pas contredit par l'examen palt'Hjjrraphiipie du niaiiuspritde la Bibliothèque Sainle Geneviève. Nous iivons foni\é notre roiiviclîon :
t» Sur les miniatures du manuscrit latin 7'i70 (|ui, outre les éléments paléograpliiquoât nrdioaires, oflrent ta particularité de repré^aenter toujours le roi de France avec un écu aux armes de Fnnu*e el de Navarre, ce qui ne se rapporte (|u'à Philippe Je Hel, Philippe le Long et Charles le Del.
2* Sur un passante de l'avis de l'évéque de Léon (f. 129 v") qui pro- pose de marier la (iIIimIu roi de Navarre avec le petit roi Alphonse de Castille t qnia cuiii alia de domo Fraricïe tiori nun potest.» C« per- sonnage ne peut Hrc. Alplionse de la Terda (li!li6-lU05), parce tju'il n'y avait pas aloi*s lie lillo de Navarre (ainbi se trouve, en même temps, écartée l'hypothèse d'après laquelle le manuscrit aurait été écrit sous Philippe le Itel). Reste Alphonse M, né en t^lO, rui en Ktli, mai-ïé en l:l28; or, de i:tl2 îi I32H, tn>is t»auirs de Charles le Mauvais ont pu être mariées; mais par contre, entre 1323, date du mariage de ta quatrié[ne fille de Philippe le I^ng, et 1328, date de la iiaÎAsanco de sa cinquième tille, il n'y avait pas de tille de France (ainsi si; trouve àcarté t'hilippe te lAing). La date h adopter est donc 1323-28. L'avis de l'évéquo de Léon se trouve donc ainsi daté.
Reste une objection: c'est que les autres avis, ceux du grand-maitrc et de révéfjue de Mende, peuvent être antérieurs et avoir été transcrila danii ces manuscrits, écriLs en vue de Texpéditiuii de Charles le Ilcl. Nous ne croyons pas cotte objection sérieuse, car les projets de croisade étaient choses d'at'tualité, et il est peu vraiscmhlat>le que d'anciens projets aient été transcrits postérieurement. La chose, cependant, n'est |tas impossible; mais nou.s n'avons pas cru devoir nous arrêter à cette considération, et avons rapporté les divei-s avis de ces manuscrits »la période de 1323 2«.
ï. liibl. nat., lat. '4:0, f. 173 v« et 175.
AVIS UK liVUA.WMK lUrRANl).
Si
galèrfts à huit mois par an'. Enfin, et c'est là le point saillant (le l'avis du grand-tnaitrn, il fallait décider les nations cliré- ^eunes à roni|ire (oui conimeree avec l'Kgyple, l'isoler en •t;ibli:44ant une cpjisière, eï eiupêclier toute importation (mi l'xportation par la Méditerranée. On détournait ainsi U^ cnn»- inerce dos Indes de h mute rie ta nier Rouge en faveur de l'Arménie^ par la((uelle il devait fuUili'iue«nl chercher à attein- dre la Méditerranée. Pensée d'une pndVintle portée cfun- inerciale et pnlitique, dont nous avons souvent déjà rencontré l'expression au cours de ce travail, mais dont jamais, si ce n'est cJiez Sanudo. les conséfiuences et l'utilité n'avaient été aussi nettement établies*.
A c.4Hé du fri'and-niaitre, deux prélats, Tévôque de Mende et révè<|ue de L<?on, exprimaient au roi leiu* opinion sur la conduite à tenir â la veille de riîxpédition.
Guillaume Durand, le jeune, évéque de Mende (I2fl7-l;ï*^8). élaii le neveu de rauteiu* des compilations célèbres i]fin\ la mémoire a traversé le mr>ven âge, entourée d'un remtm uni- versel do science et d'illustration littéraire. Il avait succéilé à son <mcle sur le siè^e épisc'»|i;il de Merld(^ et nous savons <|ue, jouissant de la faveur poatittcale, il fut mêlé à toutes les questions im])ortanlcs qui agitèrent la chrétienté liaus les premières années <lu xiv" siècle'. Ses vues confirmaient dans leur ensemble celles ([ue nous avons déjà exposées plus haui. Union des princes chrétiens dont le désaccord était
1. • Item et avei^ne que le passage soit ordîné et la croix trps t urendroit, si corivendra que les princes, b.irûns et autres bono gens
• airnl Ue un ans en sus espiice ilVanx attirer, garnir et ordincr lour
* Ut^aui^iieK Ileiii. t-e il plaist au saint «yege aix>stolical d'ordcner
t U'K somlels des mil homes à cheval et nu aubalrstriers v ans con- « liiiucls, et L.v (çualées i-hascun au vui moys; et les susdites ^uukVs
tn gens bcrront coniperii/ ii Itoddes et en t'hipre en tens et eu
maisons » (Itibl. uat., lat. :'i70, f. 170 v").
•2. On peut compai'or les considérations comLnercialert, développées par le grand-maître, avec l'avis de Sanudo relativement au blocus de rKgypte. V. plua haut, pages 36-8.
3. Il mourut & Nicosie, dans l'ile de Cliypre eu l'MH [GaUin Cftn'H- liana, i, Vu: - Histoire littéraire de ta France, \\, 430». — Si le lecteur n'adopte pas les conclusions que nous avons posées dan» la note i de la page "U, le mémoire dont il est iel question devra être attribué a (iuillaume Durand, le vieux, évéque de Mendo de 1285 k V2*JÙ.
82
MriLIPPE LE LONG KT CltARI.RS LK BKL.
■
fatal aux ini^rèts latins dans le Lovant', déftmse d'exporUT niiciino raarcliandise en Orient, création d'une forco maritime et militaire impartante envoyée en Asie Mineure par mer, tandis qu'un cnrps, i'oiirni par l'ordre de rHi'tpital et s'ap- pnyant sur tes éléments rlu'étiens restés en Palestine, faci- literait l'arrivée et le débarquement rio l'expédition, coopé- ration iudispousiibîe des Génois. Hisans, Vénitiens et des puissances marilimes : tels sont les prinripanx point.s sur lesquels insistait l'évèque de Mende. Coiuuu' Ions eenx qin* préoccupait cette question capitale, il était partisan d'au passage général, et exhortait le Saint-Siège à multiplier les avantages spirituels et matériels promis à ceux qui pren- draient la croix. Ces avantages, dans son opinion, devaient s'étendre aussi bien au clergé séculier qu'au clergé régidîer. aux grands dignitaii*es de l'Eglise qu'aux souvei-ains tem- porels ; il fallait qu'ils fussent assez importants pour que personne, à la voix du pontife, n'hêsitAt à sacrifier la position dont il jouissait en Occident h celle dont la perspective lui était offerte. Ni TAge, ni l'incapacité de porter les armes ne devaient être une cause d'exclusion. La nou- velle croisade faisait appel au Ixtn vouloir de tous, et, piiisqm* l'enthousiasme religieux ne suffisait pas, elle s'adressait à l'intérêt persnnurl pi»iu* déterminer un mouvemeui nniversid d'opiuion. C'était bicu ctuinailre les seutinients des popu- lations ; les moyens techniques exposés par Guillaume Du- rand en font foi'; les conseils excellents donnés pour pré- parer les approvisionnements, pour recruter Tannée, pour lui choisir un chef au-dessus des inHuences de parti, mon-
1. Parmi les querelles qui divisaient les princes chrétiens^ une des plus funestes était celle des princes dR Hourçogne et de Sicile au sujet de la principauté d'Aclinie. I.(i pape Jean xvu avait priA Philippe le l>ong (15 scptembpB 1320) de s'iiitprjio«er jxjur rétablir l'accord entre les deux maisons (Mas l.atrïc. Commerce et Kxpéditions.,., p. 47),
2. La grande préoccupation de rtuiliaume Durand est de ne pas créer aux croisés un état dinfériorité vis-à-vis de ceux qui resteront en Occident, il projiûse de leur pcrriietlre d'afTermer leurs terres et leurs bénéfices pondant leur absence, de promulguer des lois somp* tuaires, de suspendre les procès pendants^ de fixer le maximum de la dot que tes chevaliers donneront k \cuv8 fliles (l'exagération de cette dot était une source de ruine pour la noblesse), de ramener la monnaie :* un taux uniforme, etc.
//
AVIS DK l/KVK<irK OK LEOS.
83
\ Ui\i
»nt qu'ils éuianaiont d'un luimrae auquel les affaires d'Orient kiout familières * .
Kn sa qualité d'Espagnol, rêvêque de Léon* insistait sur- vint Mur le iiai'ii qu'on pourrait lin>r des contiiigcuts t»spa- ds fît gascons ; il rwoinmandait lu formation d'un curps [(» <loux niillo lïomiues pris parmi k's kabitanls de ces pays [cursores m fqms}, habitués à couibatln^ I«s Sarrasins et isceplibley de rendre d'inestimables services. Lui aussi se réuccupait de rélaljlir la concorde entre les princes chré- »ns, et surtout enliy^ les coui*s d'Ai'agon et de France, par »» inai'iages entre les enfants des familles régnantes. Au uni de vue militaire, il se prononçait pour la route de 'rc, et préconisait l'allianco Tartare, sur laquelle les croisés "ÏHHJvaieul compter avec une absolue confiance; elle devjiit leur pennelli'e de vaincre d'abtu'd les Grecs, et de tonniiT ' iMisuite kmrs armes victorieuses contre les Musulmans. Il ^Bt^c'ommtUidnitj en terminant, la pnsitiuti de Tyr et tirs tii4>ii- ^^u^nes qui rentourent coiumi' émiueiiiuit'Ut favorable ù la ^BftHistjiiuïe et à la défense.
^^ Les cinNiustances, mal*j:ré tous les efforts faits p(tur réa- j^li'îer l'expédition, ne permirent pas à (^harles le Bel <le tenir ^■tes promesses; l'argent recueilli eu rue de la croisade s\>n- ^Hloutit dans de vaines tentatives pour arracher la com^onue ^^Pi4>ériale à L<mis de Bavière. Louis de Clermonl, à l'exemple r du roi, s'absorba dans les mémos intrigues, puis dans la guen'e , dos bâtards en Aquitaine, mais sans jierdre de vue le passage iroutre-mer. Kn 13^.'», jl convoquait les pèlerins pour leur inoncer qu'obligé de différer le départ, il leur donnait reii- ■A'oUH à l'année suivante. Cette déclaration fut accueillie par des protestations et des murmures indignés ; l'année livantr. devenu <luc île Bourbon, le comte de Clerniont, ircé d'ajourner encore la croisade, souleva l'indignation •nérale des croisés par ce nouveau rlélai, dont la uialiguilé
\f^z-
1. Les vivres et la solde seront assurés pour un an; les croisés rl(^ iaqiie royaume ou de ohaquo province obéiront à un capitatiin M'oinl; on s'approvisionnera à l'avance des chevaux, qui sont rares et icrs quand ils doivent ùirc recruti^s rapidement; on chargera des liciers du soin des armes et des machines; on exercera ^ëcjalement
combattanift au tir de l'arbalète, etc.
l Oarciiis d'Ayerve (\\iVJ — 1 octobre IXJ2).
M
PinUPPE LE I.ONO KT CHARLES LE BEL.
populairo s'empai'a, malgré les prutestations publi<iues et solennelles du duc*.
Plxarles le Bel, cependant, pour renoncer à la croisaile, lie perdait pas de vue les affaires d'Orient ; uo pouvant ré- tablir j)ar les armes la paix dans le Levant, il chercha ;'i l'assurer par la v<dH diplomatifiue. Dans ci» but il obtint ilii Saint-Siège Tautorisation d'envoyer au Soudan un ambassa- deur, Guillaunu^ Bonnes Mains, qui ht accord à Barcelone avec un marchand catalan, le 8 juillet 13'27, pour le voyage. La mission du plénipotentiaire français touchait les intérêts do la foi en Orient; sans eu connaître exactement l'objet, il n'est pas téméraire de supposer que Charles le Bel cherchait â garantir aux Clirétions du Levant te libre exercice de Ifur culte et la neiitralifè des Musulmans. Bonnes Mains avait été autorisé à embariiuer pour TLgypte une cargaison de mar- chandises non prohibées; il eut le tort d'écouter â Aigues- Mortes, où le navire nolisé à Barcelone devait le venir pren- dre, les propositions d'un négociant catalan. Pierre de Moyenville. et de l'accepter comme associé.
A peine en mer, la discorde éclata entre Bonnes Mains n Moyenville; ce dernier se llatlait, sous le couvert de la mi^- sion diplomatique de son compagnon, de se livrer à la contre- bande. A Alexandrie, l'envoyé français fut d'abord très c*tr- dialement accueilli ; le bruit cmnit même que h' soudau s(» disposait à abandonner le royaume de Jérusalem à Charles h» Bel et à envoyor une ambassade en France. Mais Moyen- ville, par dépit, se faisant l'interprète des plus mauvais propos contre Bonnes Mains, sut faire parvenir ces rumeurs jusqu'à l'entourage du prince, tandis qu'il vendait la car- gaison et s'en appropriait le prix. Aussi, â l'audience d«» congé, Bonnes Mains fut-il fort mal reçu par le soudau : celui-ci déclara qu'il garderait Jérusalem, n'enverrait aucune ambassade en Occident et se borna â remettre à l'ambassa- deur une lettre pour le roi". L'échec était dft entièrcmenl à
1. A. de Boislisle, Projet de croisade... p. 282-3. Jusqu'en 1333. il y eut entre le Saint-Siège et le duc de Itoiirbuii des pourparlers au sujet de la croisstle. V. Iloistisle, luco eitatu, passim.
2. De retour en France, les faits que nuus venons d'exposer et que Moyenville nvait dénoncée en les déHgurant à son profit, donnér«Mit lieu â iiijf^ eiKpii'te, qui Ht éelater la parfaite innocence do Honnos Mains. Il fiijliii pluMours années encore et l'intervention énergique do
MORT DE CHARLES LE BEL. 85
Moyenville. Charles le Bel mourut avant de l'apprendre, lé-
fîuant à son successeur des projets, toujours différés, de passage en Terre Sainte.
Philippe de Valois auprès de la cour d'Aragon, pour obtenir la répa- ration des torts causés au négociateur français (Lot, Projets de croi- Kttde sous Charles le Bel et sous Philippe de Valois, dans Bibl. de l'Ec. (les Ch., 1859, p. 503-9; — Lot, Essai d'intervention de Chnrles le Bel en faveur des Chrétiens d'Orient, dans Bibl. de l'Ec. des Ch., 1875, p, 588-600; — D. M. K. de Navarrete, Dissertacion hist. sobre la parte... j p. 85.)
Il fallait ((iio lii quoslioii iriuleTV(»iifion aux Lioiix SaiiiW iiit fiaiis los prénccïiiialii'tis |uibli(jiiMs, an xn* siècle, ui^i' placo bien impoHaute pour que chaque roi, à son avènemoiit au In^ne «le Franco, reprit, avec nn tivs réel rlésir dt» K-s faire ahoulir, ries projets de croisa^r qui éclumaieni toujnui'H au moment ort leur exécution semblait imminente. Phi- lippe de Valois, comme ses prédécesseurs, ne manqua pas à celle tradition ; pour réaliser nn dessein dont si>n onclo et son cousin lui avaieni légiu> le pieux devoir avec la couronne, il d(''ploya l'ardeur t\i l'af^livilé les jilns Inualdes. Roi uiagiii- Hiiuo ni chevaleresque, il Uii frappé du rôle (juo ses îu'uics étaient appelées à jnuer eu Orient; le déphiieuient de luxi» tprappelait une pareille expéflition flatta ses goûts de n»a|^ni- Hcencc cl d'érlal ; in\ le vit bien à Taclivilé <(ni présida aux jiréparatifs el (pie justifiait l'inipatience de la noblesse ri'an(;aise.
î*e souverain pontife ne |>emvait qu'enciuira^er l'enthou- siasm<* que la Krani'i* nianifi^slail ; dès I3:în [Hî juin), il accrn*- dait an roi la levée d'une dime pour deux ans : Tannée suivante (5 décembre t3.'U), il promulguait des indulgences ]Htnr qnicon([ue se croiserait, et Philipiie vr prenait les dis- jMisitinns nécessaires pi>nr faire déposer en lieu sfir le produil de la rlime consentie par le Saint-Siège jusqu'au jour 01*1 lo vovage d'outre-mer s'efleclueruil (133?)'. L'année suivante.
1. 16 jpin 1330 (Bibl. nat-, franc. 4525. f. 282). — tt décembre 13»! (Arch. nal., P. 2289, î. 692; — Bibl. nat., franc. 4425, f. 8). - 1332 (.\rch. mil., J. 455, n» li).
NKOOCIATIONS DE PHIMPHE DK VALOIS AVEC VENISE. 87
I
{?6 juillet 1333) Jean xxii renouvelait pour six ans la dime ootrojrée en 1330. Elle portait sur le revenu des bénéflce» (H*clésiastiq«es, â l'exception des bénéfices appartenant aux itrdre.s de chevalerie et des bious rt-giilièrement exeinplé-s. Le pape appliiiuail aussi à la croisade les anuates, les soniines données pour le rachat du vœu de croisade, le produit des indulgences, des amendes el confiscations, et les dons oi legs faits aux églises sous des conditions innt>r(aines ou obscures. Li' rccou\Ten»ont de la dîme était confié au roi de France ; en même temps des avantages étaient accordés aux prélats qui prendraient la croix ; l'absolution était promise aux excom- numiés qui accompagneraient Philippe vj en Orient ; le royaume de France et les croisés étaient placés aous la pnitcclion spéciale de la papauté, et les indulgonces les plus éumdues accordées à quiconque de sa persiuine, de son argent r»u de ses prières concourrait à rexpéiIKion '.
Pendant ce temps Philippe df V;dnis ne restait pas inactif. Dés 1331 ^IS novembre), il écrivait au dnge de Venise ol le priait d'envoyer à la cour de France des personnes expéri- luentées pour arrêter, avec elles, les lutiyens de transporter inie armée en Timtc Sainte '. Le doge s'empressa do déférer H ce désir; au printemps suivmit ses représentants Jean IΫdlegiïo. niaise Zéno et Marin Morosini, remettaient â Phi- lipjH» VI, sous fonne de mémoire, la réponse aux questions |iii»ée»t. C'est qu'en effet le projet d'expédition répondait à un sentiment géuéral. Venise, comme les autres nations chré- tiennes, nubliail un instant les intérêts de sou commerce, opposés â une intervention dans îe Levant, pour ne songer qu'au danger d(Mit les pi*ogrés de la puissance ottomane me-
1. Bullei* ■ I^ticîe nohis mull«ï «, > Terra sancta redemptoris i, Prid^tn carissiinuK «^ « Ad lîberandam terrain », t Ad terram
Minclam • du 2(i juillet isaa (Arch. rmt., J. 'iS.*! (12 pièces); — J. 'iS'i, Ti- 2, a, ;, h, 6: — Itibl. nat., latin 12Kl'i. f. 22^-:). — Cf. Mas Latrie, ilùtuire de Cfnjpie, m. 72fij. — i:i:t:i. Indulgences lArrli. nat.. J. 155, 11* 17; — hibl. nat., lai. 12814. f. 225). — Philippe vi rendit uno or- «lunnanee relative ii la ilinie en oriubre i:n:i â Pois.sy (Arcli. nat., J. '»5.S, ir* l*i). — Jean \\u runiplt'la les avantages faits aux croisés par une fa%*our toute pepïnjnnfileacrunléeà lai*einede France (21 janvier IIWii: c'était, si son mari {larlait en personne pour rexpèdition. de participer aux indulgences octi'oyéeiiaux croisée (Arch. nat.. J. 455, n** tt.)
2, >laH Lntrio. Commerce et ExpétUtiunt militairrt de la France et de Venise tt« moyen âge, p. 'J7.
88
l'KOJETS I)K PHILir^Pl!: I)K VAl.OIS.
naçaient l'Europe tout entière. La république entra complète- ment et sans arrière-pensée dans les vues du roi de France ; elle l'engagea à n*a*jir qu'avec le coucoui*s du Saint-Siège et après paciticatioii do l'univers chrétien ; elle lui conseilla de n*entreprendro une croisade que s'il disposait de forces considé- rables, c'ost-â-dirc de vinfrt mille cliovaux et de cinquante mille hommes de pied, d'approvisiotnietueiits de guerre, de matériel de «iège, et d'une Hotte de vingt â trente voiles uniquement destinée à ravager les côtes de Temptre musulmati et à ruiner le commerce de contrebande. Il y avait loin de ce langage ù rindifférenoe avec laquelle Venise, depuis un demi-siècle, avait aecueilli les prohibitions commerciales édictées par la papauté. Les vivres nécessaires à l'armée pouvaient être tirés du rovauriie île Nnples, de la Sicile, do la Romanie et surtout de la Mer Noire ; les Vénitiens n'en liouvaient pas louriiir, mais Tîle de Crète, appartenant « la république, offrait un excellent point de relâche et de ravi- taillement. Venise offrait (le cuopéi*er personnellenu'nt h l'expédition en fournissant les navires nécessaires au transport de cinq mille chevaux, cinq mille chevaliers, niilb' écuyers ou sergents, avec leurs armes et des vivres pour un an'. Elle mettait en oulre à la disjiosition de Philippe m quatre mille marins, dont elle s'engageait à payer la solde pendant six mois'.
Sur du concours des Vénitiens, le roi se hrite de prendre la croix ("^5 juillet 133?, Melun), et d'activer les préparatifs. Cinq commissaires sont nommés pour en réglei- tous les détails ; leui-s décisions devront être acceptées par les liririces de la maison royale'. Louis de Clermont. que les dllficultés n'ont pas ivbuté. se i*emet au premier rang. Il se considère toujcmrs comme un des cliefs de la croisade; grnce à son initiative personnelle, la ville de Marseille est cnnsulfée sur la conduite à tenir pour le passage (vers I33:i;. Klle renouvelle les sages conseils donnés jadis par le mi de
I. Celte flotic devait comprendre cent galères el vaisseaux buîssiciii;
|p reste devait se composer de bàlimeiiLs pluH petits. '2. Il mai i:i3*J. (Mas Latrie, Cummrrre et pxpMilion»...^ p. UR-lOI.) 3. Arch. nal., .ï, ^55, n« 11. — Moisli^le. Projet de tnn'taitr..,^ (dans
Aun. Bull. Ue la Svc. de l'Ilisl. de Fr., 1872, p. 2361.
AVIS DE LA Vll.LK t>K MARsElU.K hH" l»K M. I»!-". VniEVANO. SI)
riiypre à l'époque du concile de Vienne ». Diviîiiou de TexpA- rlition en deux corps, dont le premier quittera Marseille nu printemps, à destination diroi;fe d'Alexandrie et de Damiotti? dans le but d'isoler rEy^ypte, tandis que le gros de l'aruiéo partira vers le mois d*aoiU pour Chypre et liivemera dans l'île ; commencement dos opérations militaires an mois tl'avril suivant, avec l'aide des rois de Cliyprf^ et d'Aruicnii' et de l'ordre de l'Hôpital. Les points de débarquement choisis seront d'abord l'île de Tortose sur la côte de Syrie', pour permettr»? le rasitaillenient de l'armée; puis la plaine d'Aire. y^\ elle n'est pas trop fortement occupée par l'ennemi, on h'H bouches de Rosette et de Damiette eu Egypte. De celte dernière position on puurra faire une incursion dans le port d'Alexandrie et y brCiler les navires musulmans. Mais on devra se garder de prendi-e tetre h Tripoli, sous peine d'èti'o écrasé par les forces considérables c]ue les San-îisins entre- tiennent autour de cettn place. C'est, on le voit, une série de coups de main. pluUH qu'une guerre régulière, que préco- hi«Miit ce projet. (|ui se terminait par une série de considé- rntions techniques sur l'approvisionnement, l'armement et les dimensions des bùtiniens nécessaires au passage.
De son coté, Philippe vi recevait directement les meilleurs aviî*. Le médecin de la reine Jeanne de 13ourgogne. Guy de Vigevano, de Pavie. lui adressait un mémoire descriptif des machines de guerre à employer, de leur mode de construc- tiun. lies ponts â établir, des vaisseaux b*s plus propres ;'i rendre de bons services à rexpédition, des chars de batailb' ditut il rêvait la création, etc.*. Un dominicHin allemand. Jirocard \ qui avait pris une part active m l'union dns Anné-
1. BIbl. nat.. latin I2H14, f. 227 v-2lil v;— M. HuisHsIe, f*rojet de rrviMdf..., (Ann, Itull.. 1872, p. 248-A&). — V. l'avis du roi de Chypre plu» haut. p. i'>l-2.
2. Vuir phiH haut, pa^es 22-U, l'opinion do l'idencc de Padoue sur cea poinU de déharqiiomonl.
3. liuy de Vigevano avait été médecin do remjMîpeur Henri avant d ûtre attaché au service do la pcirii\ Sut» mémoire, conservé ;i la Ilibl. nat., (latin 11015). a été signalé dans Montfaucon^ li. hihf.^ n, lOH.
4. On sait peu de chose do Itrocard. Los bibliographes et les auteurs q«i M» sont ocriipés de l'histuire littéraire de cotto éjwqne hésitent à idwnlitier rnntpnr dn Dirrclorium a\ec un dominicain, son homonyme, originaire de llarhy (Sjixci. qui fui religieux an Mont Sion, et a coin-
I»IRECTORirM DE BROCARD.
*
niens de. Cilicie à l'Eglise romaine, obtenue gnice aux efforts du pape Jean xxii, dédiait au roi de Franco un traité très étendu, comprenant ttmt un plan de campagne. Le séjour de Tauteur en Orient, pendant plus de '2\ ans, donnait aux vues toutes personnelles de Brocard utie valeui* particulière et une autorité incontestable.
Brocard divisa son Advis Direct if eu deux parties; il con- sacra la première à démontrer la nécessité de la croi.sade. les préparatifs à faire, les routes à suivre; il réserva pour la seconde le plan de l'expédition, et l'appuya sur les arguments qu'il croyait les plus capables de convaincre le roi.
Le mérite do ceux-ci est d'être propres à l'auteur. Ce caractéi'e se fait jour 4lès le début du mémoire. Après quel- ques pages consacrées à certaines conditions indispensables, — telles que le rétablissement de la concorde entit» les nations chi'étiennes. ot sjiécialement entre les puissances maritimes ', la création d'une Hotte de transport fournie par les Vénitiens et les Génois, dont la connaissance pratique .des mers du Levant était indispensable aux croisés", — l'auteur rompt
|)ûsé une description de la Terro Sainte (vers ï'2«5). Il y a de grandes prDliaIiilit(*'s pour <|iie cette identilleatioti soit légitima..
Le DirecUirium fut composé eti latin en 1332. Plusieurs manuscrits nous l'ont consorvi> sous celte forme (Hibl. nat.. latin r»l38 et 5990; — nàle» I, 28; — Kruxrlles, Hibl. royale, ytTti; — Oxfonl, Marie Magd., i3et 218'â; — Home, Vatican. Kejr. Chr.. (i03; — N'ienne, Hibl. imp., 53fi). Il fut traduit, an moment de son appîiriticm (t3'.l3|, par Jean de \ ignay, hospitalier U AHopasso (Londres, Hritisli Muséum, Hoy. 19, I). i: — Munich, fr. 'i9l|. l'ius tard, en U55, J. Miélot* chanoine de Lille, sur l'ordre de Philippe le Uon, duc d« Hourgogne, fil une nouvelle traduction dans le b>jt de hervir aux projets de croisade de ce prince». (lUbl. nat., fr. 5593 et yuH7 : — Hibl. de l'Arsenal, ^:w ; — aruxelles, Hibl. roy., 9095). Cett«î dernière traduction a été éditée par Reinenbergdans la collection des Moimments pour servir à l'histoire des provinces de >'amur, llaînaut et de Luxt^mtwurg, rv, 227-312. Nous non» sommes servi du texte de Ui'iiTenberg dans le préseiU travail.
t. Cette rivalité exii^tait huriout enin- b's f'alalans et les f ■énoi» HrocîU'd jii*op4»se de la faire cesîicr en faisant agir le roi d'.Srapni auprès des (alalans et le roi de Sicile anpK's d(?s fît^nois. (hi devra anssi apaiser la fiuerellc entre le roi Hoheri <le \aplcs cl Kn^lcric de Sicile; elle serait jtréjudicjable à la croiï^dc en eni[H>cliHnl de tiit>r lies blés de Fouille et de Sicile (KcilTenberg, MunumenU..., eXc.f p. 247-8).
2. Les Vénitiens tenant Candie, Négreftont et presiiue toutes lex iles de r.Krcl)i(icl, cl Ic^i (j6nuis [Missédaiit Péra cl (Jall'a sur la mer ^uire,
AVANTAfiBS UK K\ RorTH l'AU TKKRK
91
absolument avec les idées généralement adoptées par ses rontemporains.
S'il est opportun d'envoyer dans le Lovant une escadre de dix 11 douxe galères ponr empêcher la contrebande commer- ciale avec les infidèles, et de renouveler les prohibitions si souvent édictées déjà par le Saint-Siège, Brocard est formel- lement opposé au passage par mer; il préfère la voit* de terre par Constantinople et le Bosphore. Il n'est pas, â propre- ment parler, le premier (|ui l'ait conseillée ; Guillaume d'Adam, avant lui, s'était prononcé ilans le niéitif» sens, mais fti se plaçant à un autre point île vue, et en s'appuyant sur des ar- guments différents. Brocard écarte d*ahord la route d'Afrique par (ribraltar. Tunis et TKgypte comme trop longue et trop périlleuse ' ; la voie par mer de Marseille, d'Aiguës Mortes ou de Nice à Chvpi*e et de là en Egypte ou en Syrie, ren- contre en lui un adversaire acliarné. La longueur de la tra- versée H ses dangers, les maladies dont elle serait la cause pour les Français et les Allemands, peu habitués à la mer, la fatigue résultant pour les chevaux d'un embarqneijn,'nt prrdongé, sont les principales considérations qui doivent faire renoncer à cet itinéraire. Suint Lonis l'avait suivi, et l'on sait la mortalité r|ui décima s<»n armée jMMidaut son hivernage à
'hypre*. La route d'Italie n'offi-e pas les menues inconvé- "tiients; qu'on se dirige par Aquilée, l'Istrie, la Dalmatie »»t Thf'ssalonique en traversant le royaume de Rassie^, (m qu'on
Icscende à travers la péninsule justprà Hrindisi pour franchir l'Adriatique, aborder à Durazzo et gagner Thessaloniqui' par l'Albanie et la Valacliie, ou que <rOtrante l'expédition |fassp voile sur Corfou et priMUir» t'*rre dans le Péloponnèse
Mir ivjoindrc Thessaloniqno à travers la Valachie, pailoul Iph ci'oisés trouveront de grandes facilités d'approvisionne- ments. Bien que les jieuples habitant la péninsule des Balkans
lAurx rtiarliih roiumiKsairnl les niuimlres parti<.'ulai'it<>a ilc cvi» parages rHi-iffriibrr^. -V"»nm/';i/j»..., etc., p. S'iB-iVH.
t. Orocfird eM le proniicr, aprùs lî. Lui! (v. page îîl), qui ait fait mmlion d'un parril itinéraire.
î. (iiiillnnmf d'Adam avait indiqin^ enfinfîlquesmotslesdangcrsdola rodte d»? uut, maià sans discuter Ins dillV^rentes routes de terro ounnnr le Eait HriH-ard. V. pa;:e 7:i.
3. C'cHt la partie sciitentrionalode la Serbie actuelle. Son nom vient, dit-i»n, lie la rivière rli:" lt;L'icu, alDuenr de la Muravu.
m
T)IMErTORirM I)K HKtlCARO.
lie reL onnaissent pas l'autorité de l'Eglise romaine, ils n*0Dt ni assez de vaillance, ni assez de hardiesse pour s'opposer n la marche de l'armt'^e rhrtHienne. Mais la roule d'Allematrne et tlu Hongrie, celle que Pierre l'Ermite a suivie, est sans rniilredit la meilleure ; elle est courte, faoile, traverse des pa;)'s riches, et ronduira directement les croisés, grossis de Iniis les contingents alleiuaiids et hongrois, en Bulgarie; de là. pour atteindre Constantîiiople et dans le hut d'assurer la facilité des approvisionneiuents, l'armée se divisera eu deux eorps ; l'un, avec le roi. pîissera par la llulgarie; l'autre tra- versera l'Ksclavonie. Il sera d'autaut plus facile d'obtenir des princes de Bulgarie, de Grèce et de Rassie le libre passage dans leurs principautés, qu'usurpateurs de leurs états, ils i-raindraient par un refus de compromettre l'existence de Jour autorité. Brocard, cependant, ne rejette absolument ni la voie maritime, ni la voie d'Italie; la première sen'ira u ceux qui iront rejoindre l'escadre, la seconde sera suivie par les croisés du sud de la France et d'Italie, et c'est à Thessa- Umique que sera tixé le rendez-vous général.
D'après le plan du domicain allemand, la croisade devait forcément se trouver en contact avec rem[«ereur d'Orient et le roi de Serbie; l'opportunité d'une alliance avec ces deux souverains se posaità tous les esprits. Brocard, avec beaucoup de bon sens, la repousse absolument. Les raisons qu'il allègue sont do deux sortes : les piemières, tirées du schisme qui sépai-e les Grecs et les Serbes de la con)nnuiion romaine, prouvent qu'une i»areille alliance serait criminelle au poiut de vue catliolique; les secondes reposent sur des considé- rations d'un autre ordre, et spécialement sur le peu de con- fiance qu'on peut avoir en ces deux jieuples, déloyaux comme tous les Orientaux, et animés d'une haine particulière contre les Francs, liaine dont ils ont donné déjà maintes preuves '. L'auli'ur insiste sur ce point en montrant que le tnnie de Oonstautinople est aux mains d'une maison dans laquelle les trahisons ne s«^ conipU'nt plus, et appuie son argumentation di's exeniples It^s plus péremptoires. Andronic, l'empereur ivgnant au moment on écrit Brocard, ne dément ]tas le sung de ses ancêtres. Cjuant à la Serbie, depuis de
I llrocanl appuie cette dernière assertion sur de nombroux oxom- pies dteilTenbi'rg, MonumcnU..., elc, p. 'ifiSt.
CONQUKTE Dfi L EMl'lKK DE CûNsTANTIN'Ol'I.r..
IKÎ
K
longues années en proie à des compétitions et à des usur- pations de familïe, elle offre le môme spectacle que Teinpin' li'Orii'iitV Four i'intèi'ùt coniiuun, conclut Brocard, en s't'ni|i.'i- i*ant fie l'idôe dt'-jîi émiso par un autre domfnii.aiu, tiuillaunn' d'Adam, ï|ueUinos années aupuravani;, non seulement ou évittTa toute alliance avec la Serbie et l'euipire d'Orien t mais on de\ ni faire la conquête de ces <Ieuîc pays, entreprise dont la légi- liroîté se jusiitie facilement. Ne sait-on pas, on effi'T, ipif» le-s PaléologuL's, i]ui occupant le in^ne d<* r^tistunlinoplc. n'apparliennenl pas â la liguée impériale^ Iirnore-l-uii (jue )ps véritables héritiers de la couronne soiil \os aidants de t'atlierine de Valois, sœur île Philippe vi i Knlin, le ina^rsacre des Francs ordonné pai' Paléologiu^ (piand il rMssaisil l'empire, n'appelle-t-il pas une éclatante vengeance, et l'usurpai ion dont se ioiit rendus coupables les rois de Serbie ne merih'- i-elle pas le même chAtimenl?
Une fois enlï'é dans cette voie, Rrocarrl ne s'arrèlf» [las: il ileveloppe les moyens de s'emparer des élals de Paléologue, moyens que Guillaume d'Adam avait dédaigné d'indii|uer, tant IVntreprise lui semblait certaine. La tache sera faeile, dit à s<ju tour Hrocard, car les Grecs sont lâches et sans courage: deux mille Turcs n'oufils pas suffi â mettre en fuite rcm- ereur Michel à la lole d'une armée de dix mille homnu's d'armes^ Le même emperem* a-l-il su résister, malgré une armée de quatorze mille hommes, à la grande Oompagnie. flirte de deux mille cinq cents chevaliers ^ Le pays est dé- peuplé et désert, les châteaux tombent en ruines; les popn- iations ont été traîuées en esclavage ; le pouvoir impérial n'a ni autorité ni énergie, et la puissance sjiirituelle, autrefuis >i reiioutable, est â la discrélioii des eni|ierenis qui po>enl ol déposent les patriarches â leiu* gré. Dans de pareilles conditions. Conslanlinople seule cherchera :*i résister aux croisés ; ses murailles sont en bon état de défense, nutis elle compte peu de défenseurs. Une attaque par terre, à la Porte Dorée, appuyée par des machines de guerre, et combinée aver une attaque sur mer par des vaisseaux portant une sorte de pont-levis permettant aux assaillants de sauter stu* les tours des remparts', sera couronnée d'un plein suecés;
1. KHitrniilierff, Monument».,.* etc.. p. 264-81.
i. biiH'iird avait vu employer à (ontilaiilinriplo îles vai^scuux ainfti
blRECTORIUM DE BROCARD.
la cité (oniljeia pras(|ue sans combat aux luains des Chré- tiens. Quant û Thessaloniqae, ville dont le périmètre est très étendu et les habitants sans courage, les contingents qui auront snivi les nmtos d'Ûtrante et de Hrindisi s'en empa- riTifut aussi facilement que jadis le marquis de Monferrat'. Andtiiiopie et les autres villes. t|u:uid Coustaulinople sera aux mains des croisés, ne se défciiilront pas et tout l'empire sera couquis V
La prise de la Serbie u'offrim pas plus de diffirultês ; le pays est riche et fertile, sans phu-cs fortes ni châteaux; en outre deux nations, les Albanais et lt»s Lati»::?. qui recon- naissent rautorifé de la cour de Kome et "souffrent de la tyrannie des Serbes, leurs maîtres, accueilleront en libé- rateurs les croisés. Un niillior de chevaliers et cinq à six mille hommes de pied, unis à ces doux peuples, sufdrout pour assui*er le trioniplie des armes chréliennes en Serbie.
Les nvantajïf's <i'une pareille conduite sont manifestes; rniillînune d'Adaui les a sigrial<!*s, Brorard U^s expose à son tour. L*église grecque, dont le seliisme désole la chrétienté. rentre dans \v sein de l'éii^liscroiiuiiiie; i'expédidon est assui-é*» d'abondaiils approvisiouiiennnits di^ lilés, vins et viandes: maîtiHisse de l'empire d'OrienI, elle ne craint plus de laisser derrière rllr nu peuple dont la noutralité est douteuse: elle Inmve à Consiantinupl** un inouillajj'e qu'elle chercherait \ai- uemeut sur les côtes d'Asie Mineiu-e. depuis l'emhouchïU'e du Nil jusqu'aux Danlanelles. Enfin, au^si bien pour assurer la conquête de la Terre SaiiHe que [iour rcfornuM* l'armée en cas d*échec, la possession de l'i^upire gi-ec est d'une utilité incontestable.
Mais il ne suffit pas d*avoir soumis le pays, il faut con- server la conquête. Les moyens <|ne l'auteur jtréconise dnns
iliîïposés par l'amiral génois VL-iHin Zaccliarla, neveu do Renuit Zaccharia, dont nous avuns eu l'orcasion Je parler plus haut, « duquel, en fait Uf nipr. vit Rncoire une glorieuse renommée » (ReifTenberg, MonU' meniH..., etc.. p. 281).
1. A la suite de la quatrième croisade (1204), l'empereur Handuin avall dunni^ h llunîfare m de Muntferrat le royaume de Tliessalonique, Il avait Riifli h ce dernier d'une poignée d'tiommes pour prendre pos- session du royaume qui lui avait été coni'Mé.
2. Voir plus haut. p. 7'i. l'opinion de Guillaume d'Adam ; ({uoique iden- tique par le fuiid. elle din'ère sen&i blême ni de l'avis de Itrocard.
AVANTAORS DKS PROJETS I»K imOCARD.
05
<Q but ont pour objet la iV'forrao de rétai religieux des popu- lations; on punira les Latins qui ont reni^ la foi catholique et on expuUera sans pitié les Calogiros \ dont la haine astu- cieuse excite le peuple contre l'Eglise romaine. A ces remèdes «•nf^rgiques. Brocard ajoute des conseils pour corriger ce qu'il appidle les < mauvaises observances » des Grecs, c'est- â-tlire des pratiques religieuses dont les effets sont déplo- rables. Il demande qu'oti développe en CTrèrp l'étude du laiin au détriment de la langue grecque, sans oser cependant prohiber absolument celle derniéï*e ; il souhaite d*ea res- treindre l'iisuge autant que possible, e( [U-oposc que tout père rie [dusieurs enfants soit obligé d'envoyer l'un d'eux à l'école latine. La praticpie du latin est un des moyens les plus efti- raees, non seulement de faire renoncer les Grecs à leurs erreurs tliéologiques, mais de créer un lien commun entre les vaincus et les vainqueurs, et de rapprocher des esprits dont l'éducation, les idées et les intériHs offrent si peu de jMiints de contact.
L'auteur entre ici dans le vif du sujet', c'est-à-dire dans l'exposé des moyens à suivre pour s'emparer des Lieux Saints. S'il a conseillé la conquête de l'empire gii'c, s'il a montré la facilité qu'elle présentait, c'est que Constantinople servait admirablement de point d'appui à la croisade pour envahir la Palestine; c'est que, sans la possession de cette ville. la traversée du Bosphore, — conséquence de l'itinérairt' recommandé par l'auteur, — devenait impossible. C'est qu'aussi celle-ci offrira aux croisés d'inappréciables avan- tages ; d'abord la rapidité du trajet, qui écarte toute crainte^ lie maladie pour les hommes et les chevaux, puis le débar- quement dans une plaine large, découverte et sans chiVteanx forts, la facilité de ravitailler l'expédition par Constan- tinople, et enfin l'assurance, au jour de la bataille, d'avoir une année fraîche et rejiosée. Sur tout le littoral de la Médi- teiTanéc.en effet . de Gibraltar en Kgypte et d'Egypte â Constan- tinople, aucun autre point n'offre la possibilité à un corps expé- ditionnaire < api-és le travail de la mer, de se recréer avant qu'il s'expose à bataille ». L'Arménie, à ce point de vue, .yompte de nombreux partisans, mai»» à tort ; si le débai"-
1. Uoini4 de la règle de saiiU Maiillfî.
3. C'est l'otijet de la «econde jtartie du mémoire de Urocard.
DJRECTORIUM DE BRÛCARt).
i|uement y est facile, le pajs est pauvre et désert ; le port (les Paux, le seul qui existe sur la cdle. est insuffisant, et les (lèHlês des iiioiitagnes qui s'éteutlent presque jusqu'à la mer nliVi'nt à la niai'clie do rai'm(k> de sérieux obstacles*. Vue autre oonsidératiou, d'une irt)port€aïH'e capitale, milite eu faveur de l'adoption du plan de Brocard: la raison indique de coniHieucer par « abattre le chief de l'enuemi p ; c'est re que n'ont pas fait les Latins quand, maîtres d'Acre el de Tripoli, ils attaquaient les Sarrasins au centre de leur puin- sance, et avaient ainsi à lutter en même temps contre les forces des Turcs et coiitiv celles du Soudan d'Egypte. Kn envahissant d'abord le nord des imjssessiDii.s nmsulnianes, on isolera les Turcs des Egyptiens ; on empêchera le Soudan de l>i)rt('r secours aux Turcs. S'il était, en efTel. tenté de le faire, les Tartares, dont les états séparent l'Egypte de la Syrie, arrêteraient la marche du soudan, leur ennemi mortel. Dans l'hypothèse contrairt', celle d'une attaque de l'Egypte j)ar les croisés, le résultat ne serait pas le même ; les Tar- tai"os, en effet, n'ont pas les mêmes raisons d'empêcher les Tiuvs de traverser leur territoire |iour sivonrir le soudan. A sujiposer même que ce dernier pni obtenir le libre passage en Perse, son armée est si dégénérée qu'elle serait pour lex Turcs un embarras pJutiM qu'un secours efficace. II faut, *'n outre, considérer que lAiialolie, entourée île mers de trois côtéSf de laMéiliterranée au sud, de la Propontide â l'ouest et de la iner Noiro au nord, est dans une position excellente pour recevoir facilement les approvisonnemenis dont l'expé- dition aura besoin, et qu'elle tirera en abondance de la Thrace, de la iMacédoine, de Mamistre, de la Valadiie, de Né^a'epont ^^t de la côte septentrionale de la mer Noire.
Si Philippe vi se pénétre de la nécessité de n'acconler aucune coiitiance ni aux .\rn»éniens, dont la conversion à leglise de Rouie est trop récente pour oflrir des garanties absolues, ni aux Syriens, ni aux populations issues d'al- liances entre tirées et Latins ou entre Grecs et Turcs*, ni
1. Sur rArméiiic la mi^ine opinion a été exprimée par le (^raml- maître du Temple, le roi <ic Cliypre, ci en général par les meil|piii*!i Ksprittt ilu xiv siècle. Vuir plus haut p. 54-S et 62, et en faveur do l'Arménie le plaidoyer d'ilayton, p. 64-70.
2. Itrueani apiH'lJf GnnumUnn leK enfants de Grecti et de latins, et Muriez eenv de drees et de Turcs.
OPINION I>r CONSEIL nu RDI. ï)7
>AUX nouveaux cuuvertia dont le naturel peut reparaître au moment le plus oritinue, ni surtout à la tribu des Assassins. — l'expwlition a les plus heui*euses chances de n^-ussir. Los Turrs sont divisés, et ces divisions ont relâché la disei- pline militaire ; ils ont confié la défense des places fortes à des garnisons composées de Grecs, t^u'ils ont af- franchis de l'esclavage pour les marier à leurs propres tilles; ceux-ei se souviendront de leur (lu^ilité de elirétïpn.s pour livrer aux croisés les places dont ils auront la ^^arde. Enliu, au point de vue militaire, les Turcs sont peu redoutables; leur armement est inférieur â celui des troupes chrétiennes ; après les Grecs et les Eg} ptiens, ce sont les soldats les plus lâches de tout l'Orient. Ils rêsisterunt d'autant moins au choc de Tonnemi. t^n'une |trophi?tie répandue parmi eux proclame ijue leur nation sera défaite et détnùte par un prince de France'. Ce sont là autant de conditions qui promettent la victoire aux croisés.
La nouveauté des vues de Brocard, (|ui coniirmaient en partie celles de Guillaume d'Adam ', causa â la cour de France une profonde impression. Pourtant le roi hésitait à les adopter. Soumises au conseil royal, elles furent examinétîs et discut<^es avec la |dus sérieuse attention. La route de terre sembla aux conseillers du roi de France impraticable, et leur avis fut appuyé d'aipuments dont la valeur ne saurait être méconnue. Longueur du chemin, frais considérables, fatigues pour les hommes et les chevaux, querelles à redouter pemlant le voyage entre les pèlerins et les habitants, rareté des vivres dans les pays pauvres traversés par l^xpédition, dangers résul- tant de la mauvaise foi <les princes dont on devra parcourir les états, tels étaient les obstacles que présentait Texé- cutioii d'un pareil itinéraire. L'exempb^ de Pierre l'Ermite était là pour confirmer la vérité de ces prévisions ; en outre, prendre la route de terre, n'était-ce pas indiquer à l'ennenù
1, Guillaume d'Adam avait déjà parlé de cette prophétie. V, p. Tit.
'i, l^lcrteur,en(NinipanintIeprtijet(leGui!IaumpiiAflamav(rcceluide lirocanl. se cniïvaiïirpa que, quoique identique dans le fond, il dilTêre notablement dan» les détails. Dans le premier, tout ost >ubordonrn> à Vinxi'vH coimnercial: le stiruml inaiale sur le cùlé militaire de l'expè- ditioii, sur les considérations |>olitiqucs et accorde une large part à la qurirtiun du schibrae.
7
PROJKTS PK PIIII.II'I'R I)K VAI.OlS.
le point précis 01*1 il devait attomlrolosClirotienH? N'était-ce pas aussi créer de nnuveaux relards à l'expédition, puisque In ^concentration d'une ai'mée, destinée à être embarquée à jour fixe, se fait toujours plus rapidement que lorsque « cliacun « se dilaye pour faire ses hnsoignes nn osjiérances qu'ils « pourront bien à coup suivre le roy qui va à petite jour- « née». Pour toutes ces raisons, le conseil se prononça on faveui* de la voie de nier, mais avec une restriction ; il pro- posa que le roi et sa cour, au lieu d'aller directeaieul de Nice à Naples, suivissent les ctMes d'Italie, s'arrèfant à